Albert Einstein et le socialisme

par Robert GIL
mercredi 27 mars 2024

En 1949 Albert Einstein rédige : « Pourquoi le socialisme ? » pour la revue Monthly Review. Il commence le texte en expliquant qu’il n’est pas économiste malgré le fait qu’il soit un scientifique. Pour lui les sciences économiques sont très complexes car elles prennent en compte beaucoup de facteurs différents. Mais pour lui, tout le monde doit et peut apporter sa pierre à l’édifice d’une société nouvelle. Il souligne que la science n’a pas un caractère moral et donc ne peut pas être l’unique facteur poussant au changement mais que les motivations éthiques ont aussi une place importante. Einstein estime qu’un changement de société est nécessaire pour plusieurs raisons.

Premièrement, il part du constat que l’Homme est en même temps un être solitaire et un être social. Comme être solitaire il s’efforce de protéger sa propre existence et celle des êtres qui lui sont le plus proches, de satisfaire ses désirs personnels et de développer ses facultés innées. Comme être social il cherche à gagner l’approbation et l’affection de ses semblables, de partager leurs plaisirs, de les consoler dans leurs tristesses, d’améliorer leurs conditions de vie, il a donc besoin de la société pour y arriver. Cependant, la société capitaliste, plutôt que de pousser les Hommes à collaborer entre eux, elle les pousse à être en perpétuelle compétitivité, à être égoïste. Le physicien fournit une très belle description de l’aliénation dans la société capitaliste qui provoque la souffrance par l’isolation de l’individu qui se sent indifférent voire même hostile envers le groupe auquel il appartient.

Ensuite, il voit le principal problème dans le capitalisme, l’anarchie de la production, comme un des principaux facteurs de crises économiques. Pour cela, il rejoint les théories marxistes comme celle de la plus-value en constatant que l’ouvrier est exploité par le capitaliste qui le paye beaucoup moins que ce que l’ouvrier lui rapporte, ou comme celle de la tendance monopoliste, qui est due à la concurrence capitaliste (les entreprises s’éliminent entre elles, seules les plus fortes survivent en absorbant les plus faibles et en concentrant donc plus de parts de marché) et qui confère l’ensemble du pouvoir économique à une poignée de personnes qui se servent de leurs pouvoirs pour contrôler les politiciens, les médias (en stigmatisant les idées socialistes dans les médias comme Einstein le souligne), l’éducation etc…Einstein soutient que la production économique dans un système capitaliste n’est pas faite pour répondre aux besoins de tous mais seulement pour faire du profit au bénéfice de quelque-uns.

Pour répondre à ces problèmes, Einstein écrit qu’il n’y a qu’une seule solution : « l’établissement d’une économie socialiste, accompagnée d’un système d’éducation orienté vers des buts sociaux. Dans une telle économie, les moyens de production appartiendraient à la société elle-même et seraient utilisés d’une façon planifiée. Une économie planifiée, qui adapte la production aux besoins de la société, distribuerait le travail à faire entre tous ceux qui sont capables de travailler et garantirait les moyens d’existence à chaque homme, à chaque femme, à chaque enfant. L’éducation de l’individu devrait favoriser le développement de ses facultés innées et lui inculquer le sens de la responsabilité envers ses semblables, au lieu de la glorification du pouvoir et du succès, comme cela se fait dans la société actuelle. »

Albert Einstein a écrit ce texte au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, l’arme atomique venait de faire son apparition, les dangers du capitalisme avaient donc été démontrés plus que jamais. L’expression « Socialisme ou Barbarie » était plus que jamais d’actualité. De plus, la haine anticommuniste et la volonté de censurer les idées marxistes étaient très fortes aux Etats-Unis : une véritable chasse aux sorcières se traduisit par l’exclusion de certaines personnalités comme Charlie Chaplin ou à la censure d’autres comme Dalton Trumbo. Quant à Einstein, son engagement contre le militarisme qui lui valut d’être surveillé par le FBI (qui avait un dossier sur lui d’environ 1800 pages actuellement déclassé et disponible sur leur site web). En outre, il affirme que la campagne de McCarthy et sa chasse aux communistes : « Ce n’est rien de plus qu’une destruction systématique des droits politiques individuels menée par un groupe de politiciens imprudents et intrépides, soutenus par la grande industrie ».

Si l’inventeur de la célèbre formule E=MC2 est reconnu comme un scientifique hors pair, on ignore tout de ses combats et des persécutions qu’il a subi. En 1933, il quitte l’Allemagne en raison de ses origines juives et de ses opinions pacifistes. Il s’exile aux États-Unis. Très vite, il met sa notoriété au service des grandes causes qu’ il défends. Pacifiste militant, humaniste engagé dans la lutte contre l’homophobie, le racisme et l’antisémitisme, il sera identifié comme un esprit subversif qui menace… la sécurité des États-Unis. Surveillé jour et nuit, mis sur écoute, vie privée passée au crible, J. Edgard Hoover, patron du FBI, le considérait comme un dangereux espion soviétique.

Bien que favorable à un état israélien, il en refusa la présidence qu’on lui proposait. Einstein sut aussi se montrer intraitable devant les errements de la politique israélienne et rappeler, comme de nombreux intellectuels avec lui dont Martin Buber et Gerschom Scholem, que la survie d’Israël repose également dans son aptitude à traiter équitablement la question arabe en son sein et à l’extérieur.

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Ref :

L’etincelle, le 04/09/2016 : « Albert Einstein était socialiste ! »

Marxists.ogr, 1949 : « Albert Einstein : Pourquoi le socialisme ? »

 

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