Coups de soleil à Avignon, coup de bambou, coup de torchon et goût de chiottes

par Jules Elysard
jeudi 18 septembre 2014

On vient au festival pour faire des découvertes ou pour revoir des pièces qu’on peut revoir jusqu’à plus soif. Mais on peut aussi faire des découvertes moins agréables. Je ne parle pas des pièces mal écrites ou mal jouées, ou de celles qui démontrent simplement un goût de chiottes. C’est un risque qu’il faut assumer quand on est festivalier. Je veux parler de découvertes malodorantes que l’on peut faire alors que l’on prétend justement que « l’argent n’a pas d’odeur ».

Je ne suis pas qualifié pour parler longuement de celles que peuvent subir les troupes de théâtre débutantes. Je me contenterai donc d’un mot sur les contrats léonins qui sont proposés aux troupes du festival OFF (le IN est subventionné et le goût de chiottes y est une marque de succès) : location ou mise à disposition ; coréalisation ; coréalisation avec minimum garanti ; et coproduction.

http://www.festival-avignon.info/reussir-son-festival/les-contrats-entre-theatres-et-compagnies

La prise de risque est toujours pour les troupes, les directeurs de théâtre sachant s’en prémunir. Ils sont les « propriétaires » des murs (ou les ont loués) et les troupes de théâtre sont dans la position de « locataires » (ou de sous-locataires). Peu importe que les locaux soient exigus, le mètre carré est cher, en juillet, en Avignon, et les « locaux » savent en faire leur affaire. Les « locataires » se contenteront des « louanges » du public, si le succès est au bout.

La même situation se retrouve pour les festivaliers qui ont pensé débusquer un logement décent pour une semaine ou deux. Ils ne sont que des « locataires » et les « propriétaires » n’ont d’autre but que de faire de l’argent sur leur dos.

Un petit récit de vacances permettra d’illustrer ce propos. C’est l’histoire d’un couple de festivaliers qui avait loué dans le centre d’Avignon un petit appartement. Ils l’avaient déjà loué l’année précédente. Huit cents euros plus 20 euros de ménage. Ils en avaient accepté le prix. Mais dès le premier soir, le samedi, ils rencontrèrent, les malheureux, un problème d’évacuation dans les toilettes. Ils en informèrent la propriétaire par texto un peu avant minuit. Elle les rappela le lendemain et leur dit qu’elle ferait intervenir un plombier dès le lundi. Un plombier se présenta, mais il ne put régler le problème, leur disant qu’il fallait « faire venir le camion ».

Une équipe intervint avec un camion le mardi, mais, en place du simple « regard » qu’elle cherchait, elle découvrit une fosse septique. Une troisième intervention dut être programmée pour le lendemain et une autre équipe vida la cuve. Après quoi les pauvres festivaliers purent jouir normalement de cet appartement, après quatre jours et quatre nuits.

Jusque là, la propriétaire s’était montrée aimable. Mais, lors de la remise des clés le samedi, quand ils lui demandèrent ingénument si elle comptait faire un geste pour les dédommager, elle sembla très surprise, voire désappointée, de les voir faire une demande si audacieuse. Sans doute pensait-elle qu’elle avait fait le maximum pour régler ce petit problème.

Après tout, elle avait acheté de bonne foi un petit appartement dans le centre d’Avignon, pour faire de l’argent avec des festivaliers. Mais ce n’était qu’à l’occasion de ce petit problème qu’elle avait appris, incidemment donc, que cet appartement urbain était équipé d’une fosse septique « comme à la campagne ». Elle l’avait avoué fort naturellement à ses hôtes, le jour de la dernière intervention, ne leur cachant pas la surprise qui avait été la sienne. Elle avait donc été un peu abusée peut-être son « vendeur », elle qui croyait faire une bonne affaire.

Pour ne pas engager une discussion sur le champ, les festivaliers lui demandèrent de faire une proposition la semaine suivante. Mais sans nouvelle de sa part, ils ont été contraints de lui adresser une lettre recommandée lui rappelant que « le bailleur est tenu de délivrer un logement aux normes d’habitabilité, exempt de tout vice susceptible d’en interdire l’usage normal, qu’il en ait eu connaissance ou non . » (Article 1721 du code civil) ».

Aux dernières nouvelles, ils en étaient réduits, je crois, à engager une procédure judiciaire pour obtenir un dédommagement de la mégère.

Il faut dire qu’elle ne se contente pas, la donzelle, de louer un appartement à des festivaliers. Elle est aussi commerçante et se pavane sur Facebook, pour montrer qu’elle a beaucoup d’amis, des amis « politiques » (dont cette incroyable NKM qui porte un nom de groupe de rap) et même des opinions politiques. Elle ne cache pas qu’elle est affiliée à un obscur parti apolitique de droite qui s’intitule en toute simplicité « Nous, citoyens ». Un clin d’œil, on le voit, au « We, the People » des Américains. Je me suis attardé un peu à lire la prose des citoyens. Ce sont des entrepreneurs qui ont entrepris de le faire savoir, qu’ils sont entrepreneurs. Et qu’ils sont propriétaires : de leurs idées et de leurs petites entreprises. Et qu’ils veulent rester entre eux. Ils ne veulent pas se laisser emmerder par de pauvres salariés qui parlent droit du travail ; ou d’obscurs locataires qui osent évoquer les droits du consommateur. C’est au retour d’une république censitaire qu’ils rêvent, ces gens-là, mais d’une république censitaire où l’Etat libéral aurait beaucoup réduit les impôts.

Ce récit pourrait faire l’objet d’une adaptation théâtrale l’année prochaine à Avignon.

On pourrait l’intituler La mégère a pris la fuite… ou La fausse sceptique et la vraie… ?

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