Prix Nobel de Physique 2023 : les lasers ultrarapides, la physique attoseconde... et la France récompensée !

par Sylvain Rakotoarison
mardi 3 octobre 2023

« L'Académie royale suédoise des Sciences a décidé de décerner le Prix Nobel de Physique 2023 à Pierre Agostini, Ferenc Krausz et Anne L'Huillier pour les méthodes expérimentales qui génèrent des impulsions de lumière en attosecondes pour l'étude de la dynamique des électrons dans la matière. » (communiqué du Comité Nobel de Physique du 3 octobre 2023).

Faut-il donc parler de nationalité quand on parle de science ? Dans l'absolu, non (voir plus loin), mais aux Français, ça ne nous fait pas de mal, nous qui nous dénigrons matin midi et soir, de savoir que la France a des génies de la science et qu'ils sont reconnus !

En 2022, le physicien français Alain Aspect avait été récompensé, avec deux collègues (Jean Clauser et Anton Zeilinger), pour leurs (très anciens) travaux sur l'intrication quantique (il a peut-être fallu le temps à l'Académie royale de comprendre... non, je plaisante). Généralement, la "France" était abonnée en physique à un Nobel par quinquennat depuis une vingtaine d'années. Le rythme s'accélère donc avec deux autres Français primés, Pierre Agostini et Anne L'Huillier. La France n'est pas sans arrêt à la ramasse, déclassée, sans repères, elle contribue aussi au progrès scientifique mondial et on lui reconnaît ce mérite. Anne L'Huillier est du reste seulement la cinquième femme à avoir obtenu cette prestigieuse récompense, Marie Curie la première en 1903.

Bon, trêve de cocorico parce que, comme je le répète, la science n'a pas de nationalité, et si on veut être un peu négatif sur la France, ce sont deux Français récompensés par le Nobel qui, aujourd'hui, sont encore en activité mais qui ne travaillent pas en France mais à l'étranger, aux États-Unis pour l'un et en Suède pour l'autre, et il y aurait donc beaucoup à dire sur la fuite des cerveaux (c'est l'objet des investissements massifs dans la recherche octroyés ces dernières années).

Pierre Agostini (82 ans) est docteur de l'Université d'Aix-en-Provence et physicien au CEA de Saclay jusqu'en 2002. Depuis 2005, il est professeur de physique à l'Université d'État de l'Ohio aux États-Unis. Je suppose que c'était la seule voie qui lui restait pour continuer encore à faire des recherches, vu qu'après 68 ans (puis 70 ans sous Nicolas Sarkozy), les chercheurs français sont interdits de continuer à travailler.

Ferenc Krausz (61 ans) est un chercheur austro-hongrois qui a fait ses études à Budapest puis a soutenu sa thèse de doctorat à Vienne, en Autriche. Il est le directeur de l'Institut Max-Planck d'optique quantique en Allemagne depuis 2003 et professeur à l'Université Louis-et-Maximilien de Munich. Il a reçu le Prix Wolf de Physique en 2022 (voir ci-après).

Anne L'Huillier (65 ans), née à Paris, normalienne, agrégée de mathématiques, est professeure de physique atomique à l'Université de Lund en Suède. Docteure d'État en physique de l'Université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, physicienne au CEA de Saclay, elle a été élue membre de l'Académie royale suédoise des Sciences en 2004 et a déjà reçu plusieurs récompenses remarquables, dont le prestigieux Prix Wolf de Physique en 2022 avec le Canadien Paul Corkum et Ferenc Krausz, « pour leur contributions pionnières à la science des lasers ultrarapides et à la physique attoseconde », généralement le prix antichambre du Nobel.

Comme c'est de tradition, l'Académie royale suédoise ne récompense pas des chercheurs mais des découvertes, ce qui généralement signifie un Nobel partagé, car peu de découvertes s'obtiennent sans collaboration. Celle récompensée ce 3 octobre 2023 est intéressante car elle permet de meilleurs moyens d'observation.

Les trois lauréats ont réussi à créer des impulsions lumineuses extrêmement courtes dont l'objectif est de mesurer des processus rapides, permettant de mieux explorer le comportement des électrons dans les atomes (mouvements, changements de niveau d'énergie, etc.). Les changements des électrons sont de l'ordre de l'attoseconde, et ce sont des impulsions du même ordre que les chercheurs ont atteintes. En quelques sortes, les trois chercheurs ont réalisé des lasers qui permettent de filmer les électrons en action.




L'attoseconde, c'est un milliardième d'une nanoseconde, c'est-à-dire un milliardième d'un milliardième de seconde. Pour avoir une comparaison, l'Académie royale suédoise des Sciences a donné cette équivalence : « Une attoseconde est si courte qu’il y en a autant en une seconde qu’il y a eu de secondes depuis la naissance de l’Univers. ».



Ce sont des travaux très intéressants car ils ouvrent la porte à un monde qu'on a peu exploré expérimentalement. On pourra avoir des cohérences (ou pas) avec les théories quantiques et on pourra peut-être découvrir expérimentalement des phénomènes jusqu'ici inimaginables, qui pourraient donner lieu à de nouvelles théories soit qu'elles complètent les théories actuelles, soit même qu'elles les révolutionnent.



La présidente du Comité Nobel de Physique Eva Olsson était très enthousiaste : « Nous pouvons désormais ouvrir la porte du monde des électrons. La physique attoseconde nous donne l'occasion de comprendre les mécanismes régis par les électrons. La prochaine étape consistera à les utiliser. ». Des applications sont déjà envisagées dans des domaines très différents allant de l'électronique à la médecine, en particulier en matière de diagnostic médical par l'identification de la structure des molécules. Bravo aux trois lauréats, et bravo à la France qui en a formé et fait travailler deux (bravo au CEA de Saclay par la même occasion !).


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Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2023)
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Pour aller plus loin :
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