Les messages de prévention sont-ils réellement efficaces ?

par Dr Khadija Moussayer
jeudi 11 avril 2024

Sans que nous y prenions garde, les campagnes d’information et donc aussi de prévention sollicitent toujours plus notre attention dans tous les domaines d’activité sociale de notre vie, y compris médicaux, avec des résultats parfois étonnants. L’ALLIANCE DES MALADIESB RARES AU MAROC (AMRM) participe aussi à sa façon à ce type de communicatioon.

Or, une étude menée en France avait démontré que certains messages d’information et de prévention sanitaire ont des effets paradoxaux, incitant les individus à consommer plutôt des aliments « à risque », c'est-à-dire gras, salés et sucrés, qu’à manger équilibré !

Ces mises en garde sont-elles en effet toujours opérantes sur les attitudes alimentaires ?

 Deux professeurs de l’École de management de Grenoble, Carolina Werle et Caroline Cuny, ont voulu en savoir plus en réalisant une expérience originale sur un échantillon de 130 étudiants, il y a plus de 10 ans certes mais toujours d’actualité.

La première moitié de l’échantillon a dû regarder une publicité montrant un hamburger avec un message de prévention. La seconde a été exposée à la même publicité sans les recommandations sanitaires. Ces étudiants devaient ensuite choisir de recevoir un bon pour une glace (diététiquement incorrect) ou un sachet de fruits (correct).

TROP DE MESSAGES BROUILLENT LE MESSAGE

Le résultat a été contraire à ce à quoi on aurait dû normalement s’attendre : 82 % des participants ayant vu la publicité avec le message sanitaire ont choisi la glace alors que 62 % de ceux qui ont vu la publicité sans le message sanitaire ont encore choisi la glace.

En fait, il semble que, quand un message de prévention est associé à des publicités pour des aliments « riches », il ait pour effet d'encourager à consommer les aliments présentés plutôt que d’en dissuader. Le message servirait à déculpabiliser les personnes selon le principe paradoxal : « j’ai une bonne connaissance des bons comportements donc je peux me permettre des excès ». La proximité de deux messages effacerait aussi l’un des deux, selon cet autre grand principe de la communication qu’il ne faut pas vouloir faire passer deux messages à la fois. Trop de messages tuent le message !
 

L’ARGUMENT SOCIAL PLUS EFFICACE QUE L’ARGUMENT SANTE POUR CHANGER LES COMPORTEMENTS

Les campagnes de prévention de l’obésité se concentrent en général sur l’argument santé, négligeant l’argument social. Il est vrai que ce dernier est difficile à manier au risque de stigmatiser (le surpoids amène à avoir peur du regard des autres et des moqueries).

La même équipe de recherche a mené sur ce sujet une autre étude auprès de 793 adolescents afin de confirmer ou non la pertinence de l’argument social.

Ceux-ci ont été exposés de façon aléatoire à des messages de prévention basés soit :

- sur les conséquences sociales d’une bonne ou mauvaise alimentation (« repas équilibrés, amis à volonté ; repas déséquilibrés, moqueries assurées » ;

- sur les conséquences pour la santé d’une bonne ou mauvaise alimentation (et donc plus classique comme type de message).

Là aussi, ils recevaient des bons leur donnant droit soit à un produit plus diététique (barre de céréales) soit à un produit plus sucré (barre chocolatée).

Au terme de l’expérience, l’argument social a finalement eu plus d’impact positif, amenant les participants ayant vu ce type de message à faire un choix alimentaire plus sain que ceux ayant vu l’argument santé.

UNE REFLEXION SUR LES EFFETS INCONTROLES DES MESSAGES

Les résultats de ces deux expériences sont à méditer pour éviter de rééditer les mêmes erreurs, en particulier au Maroc et y compris pour l’ALLIANCE DES MALADIES RARES AU MAROC (AMRM). Ils montrent bien que les messages préventifs ont des effets inatendus qui ne sont pas toujours bien maîtrisés. Ils démontrent également que l’argument santé n’est pas toujours le meilleur choix mais qu’il faut savoir « ruser » quelque peu avec nos représentations mentales pour obtenir un réel succès en termes de santé publique.

Tirant les leçons de la première expérience, Carolina Werle avait exposé plusieurs pistes de réflexion pour un meilleur impact de la prévention :

bien séparer message sanitaire et publicité ;

- privilégier l’image par rapport au texte, comme l’ont bien montré par exemple les campagnes anti-tabac (et comme le font plus souvent les anglo-saxons dans les textes comme dans les images qui montrent à voir plus crûment).

Signalons que le quotidien suisse, « Le Temps », rapportant cette étude, avait indiqué, avec quelque humour, « qu’en Suisse, où il n’existe pas de messages sanitaires de prévention de l’obésité, la part d’obèses est de 9% chez les hommes, et de 8% chez les femmes. En comparaison, l’Union européenne affiche une moyenne de 15,5% » (chiffres en 2012) !

Pour conclure, il semble que nous sommes toujours dans l'ambivalence dans la communication sur ce sujet, avec comme choix "faire peur" ou faire honte socialement "tu n'es pas comme les autres et ton statut social te l'interdit"

Dr MOUSSAYER KHADIJA الدكتورة خديجة موسيار Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie en libéral à Casablanca. Présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc (AMRM)

POUR EN SAVOIR PLUS SUR : L’ALLIANCE DES MALADIES RARES AU MAROC (AMRM) ET LES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES DE L’ARTICLE

L’Alliance a été créée en 2017. Elle s’est inspirée des modèles des pays plus développés, où des associations de malades atteints de maladies rares et des malades dépourvus d’association se sont unis depuis plusieurs années en « Alliance », telles la France avec l’Alliance des Maladies Rares ou la Suisse avec Proraris.

 

L’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM), a trois REVENDICATIONS PRINCIPALES qu'elle ne manque jamais de présenter aux pouvoirs publics et visant à :
– Donner rapidement le statut d’affection de longue durée (ALD) à un grand nombre de maladies rares et en particulier d’abord aux plus couteuses ; cela garantirait ainsi une prise en charge et un remboursement systématiques des soins à 100 % de la base de référence sécurité sociale ; on rappellera que, pour le moment, nombre de patients sont confrontés à des problèmes de remboursement car ils ne peuvent bénéficier que d’un remboursement dérogatoire au cas par cas, devant être renouvelé continuellement et avec le risque d’une suspension à tout moment ;

– Mettre en place un statut de «  médicament orphelin  » pour les thérapeutiques employées dans les maladies rares offrant notamment un accès plus rapide au marché en raccourcissant les délais d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ; il pourrait être envisagé aussi de les dispenser de certaines taxes et impôts et de leur garantir une exclusivité commerciale sur une certaine période ; en contrepartie de ces avantages, les pouvoirs publics devraient pouvoir s’attacher à négocier des réductions de prix sur les médicaments les plus chers (certains sont d’un montant de plusieurs millions de dirhams !) ;
– Instaurer un dépistage néonatal systématique visant à détecter des maladies rares sévères d’origine génétique, généralement chez les bébés : il s’agit notamment de la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la mucoviscidose et l’hémoglobinopathie.

L'ALLIANCE DES MALADIES RARES AU MAROC a par ailleurs organisé la "Journée des Maladies Rares", le 24 février 2024 à Casablanca. Les principales associations de maladies rares au Maroc étaient présentes lors de cette manifestation (cf galerie de photos)..

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES DE L'ARTICLE

- Werle, Carolina O.C., et Cuny, Caroline , The boomerang effect of mandatory sanitary messages to prevent obesity, ResearchGate, September 2012 Marketing Letters 23(3) DOI:10.1007/s11002-012-9195-0

-The Boomerang Effect of Mandatory Sanitary Messages to Prevent Obesity, Association for Consumer Research.https://www.acrwebsite.org/volumes/16062/volumes/v38/NA-38

LA COMMUNICATION PAR L’IMAGE DE L’AMRM : EFFICACE OU INEFFICACE ?

Dr MOUSSAYER KHADIJA
DR MOUSSAYER KHADIJA
ZINEB EL GHAZAOUI ATTEINTE DE XERODERMA PIGMENTOSUM (enfant de la lune) DECEDEE EN 2023 DE SA MALADIE APRES AVOIR CONNUE PLUS DE 100 INTERVENTIONS CHIRURGICALES SUR CES CANCERS CUTANES DURANT TOUTE SA VIE S
BEBE ATTEINT D’OSTEOGENESE IMPARFAITE (OS DE VERRE) AYANT DEJA SUBI DE NOMBREUSES FRACTURES ET CONDAMNE A PORTER PLUS TARD UN CORSET
PETITE FILLE ATTEINTE DU SYNDROME DE RETT : PAS DE COMMUNICATION VERBALE MAIS SEULEMENT UNE COMMUNICATION PAR LE TRUCHEMENT D’IMAGES, PAS D’AUTONOMIE RESPIRATOIRE (SURVEILLANCE H24 POUR QU’ELLE NE MEURT PAS LA NUIT PAR RELÄCHEMENT MUSCULAIRE) SON PERE EST MEMBRE DE BUREAU DE L’ALLIANCE DES MALADIES RARES)
SYNDROME DE RETT : LE PAPA PROMENANT SA FILLE EN BICYCLETTE : ELLE NE SE DEPLACE QU’EN FAUTEUIL ROULANT
JOURNEE DES MALADIES RARES AU MAROC
MARCHE DES MALADIES RARES ORGANISEE PAR L’ALLIANCE

RARE DISEASES DAY ALL OVER THE WORLD (at the the last day of february)

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