Même en Suisse, Sarco divise
par Fergus
mercredi 24 juillet 2024
Le dimanche 14 juillet, l’hebdomadaire zurichois NZZ am Sonntag avait annoncé l’imminence, dans le Valais, du premier décès volontaire provoqué par la « capsule à suicide » Sarco. Cette information a été démentie par l’association The Last Resort. Le canton valaisan a même interdit à titre conservatoire cette pratique sur son territoire jusqu’à plus ample informé. Dont acte ! Mais de quoi parle-t-on ?
On n’arrête pas le progrès en matière de suicide assisté. La dernière innovation en date se nomme Sarco. Un nom qui n’a évidemment rien à voir avec un ex-président de la république française : il s’agit tout simplement d’une abréviation du mot sarcophage. C’est un médecin australien, Philip Nitschke, qui a mis au point Sarco dans le cadre d’un projet initié en 2017. Surnommé dans son pays Doctor Death, cet homme est depuis longtemps un partisan déterminé du suicide assisté dont il défend la légalisation et l’expansion géographique à la tête d’une ONG qu’il a fondée en 1997 et qu’il préside : Exit International (ex-Voluntary Euthanasia Research Foundation).
Le principe de fonctionnement de Sarco est simple et s’adresse aux malades en grande souffrance physique et psychologique, désireuses de bénéficier d’un suicide assisté hors d’une pesante démarche médicalisée et sans recours à l’administration classique d’une solution de pentobarbital de sodium. Le moment venu, la personne prend place dans la « capsule »*. Une fois installée, elle déclenche volontairement un processus de saturation de l’habitacle par 4 litres d’un gaz inerte, l’azote, qui provoque une désoxygénation. Deux phénomènes se produisent alors : une désorientation et un sentiment d’euphorie qui inhibent tout risque de panique. Le décès par hypoxie survient dans un délai de quelques dizaines de secondes sans provoquer, à quelque moment que ce soit, la moindre sensation d’étouffement. Il en résulte ce que l’on peut qualifier de « mort douce ».
Aussi créatif, indolore et efficace soit-il, ce dispositif létal, que d’aucuns ont surnommé « la Tesla de l’euthanasie », suscite, et c’est bien compréhensible, des controverses morales et juridiques. Pas seulement en Australie, pays de l’inventeur de cette capsule, mais également en Suisse où le recours à Sarco est envisagé par des candidats au suicide assisté en accord avec des responsables associatifs dont le rôle est de faciliter les démarches de mise en œuvre de la fin de vie volontaire. Et cela bien que le Dr Nitschke ait affirmé, dès 2021, que des conseillers juridiques helvétiques l’avaient assuré que rien ne s’opposait au plan légal à l’utilisation d’un tel appareil sur le territoire de la Confédération.
Outre l’accusation, prévisible de la part d’une partie de l’opinion, d’être un « procédé indigne », Sarco est également qualifié par ses adversaires les plus sévères d’être ni plus ni moins qu’une « chambre à gaz glorifiée » ! Certains craignent en outre, de manière surprenante, qu’un effet mode (si l’on peut dire concernant un tel sujet) n’entraîne un phénomène de « contagion suicidaire ». Une chose est sûre, la capsule Sarco provoque la polémique, non seulement dans le Valais, mais aussi dans les autres cantons où sont mis en œuvre des suicides assistés à la demande expresse de malades en grande souffrance atteints de pathologies incurables.
Que faut-il penser de Sarco ? S’agit-il d’une innovation appelée à prendre une place légitime parmi les processus de suicide assisté ? Ou bien doit-on considérer cette capsule létale comme un gadget morbide que seuls des esprits dérangés ont pu mettre au point et proposer aux personnes en état de grande détresse ? La réponse appartient à chacun d’entre nous...
* Sarco est réalisable par une imprimante 3D en 1200 heures.
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Photo AFP/Arndt Wiegmann