La France est-elle enfin prête à reconnaître la Palestine ?

par Fergus
mercredi 1er mai 2024

Huit pays membres de l’Union Européenne ont d’ores et déjà reconnu l’existence de la Palestine comme État souverain. Quatre autres nations de l’UE s’apprêtent à les suivre dans cette voie. Et la France ? Macron aura-t-il le courage d’emboîter le pas des dirigeants de ces nations, au risque de s’aliéner les lobbies pro-israéliens, très actifs dans les milieux d’affaires et dans les allées du pouvoir ?

Certes, c’est au temps où elles faisaient encore allégeance à la Fédération de Russie dans le cadre du Pacte de Varsovie que la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Tchécoslovaquie – depuis scindée entre la République tchèque et la Slovaquie – ainsi que la Roumanie ont officiellement reconnu l’État de Palestine. Une reconnaissance qui n’a bien évidemment jamais été dénoncée depuis l’adhésion de ces nations à l’Union Européenne en 2004 tant ces pays sont restés en soutien du peuple palestinien exposé aux spoliations et aux crimes des suprémacistes israéliens. En 1988, Chypre les a suivis, quelques années avant sa propre entrée dans l’UE. Puis cela a été le cas de la Suède en 2014, ce pays ayant été le premier à officialiser la reconnaissance de la Palestine en tant que membre de l’Union Européenne.

À ces huit pays membres de l’UE devraient s’ajouter dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, l’Espagne et l’Irlande, ces deux nations s’y étant engagées dans une déclaration commune le 22 mars. Malte et la Slovénie sont dans le même état d’esprit et devraient leur emboîter le pas dans un avenir proche. Cela porterait à douze le nombre des pays membres de l’UE ayant officialisé leur reconnaissance de l’État de Palestine. Malgré des dissensions politiques dans son gouvernement de coalition, une autre nation européenne, la Belgique, pourrait également suivre la même voie, comme l’a indiqué le 26 mars Hadja Lahbib, la ministre des Affaires étrangères belge. En attendant sans doute que d’autres volontés de reconnaissance se manifestent ultérieurement en Europe.

Et la France, où en est-elle ? Malheureusement au point mort, à l’image des autres participants du très néolibéral G7 et des membres occidentaux du Conseil de sécurité des Nations Unies dont aucun n’a reconnu à ce jour l’État de Palestine. Un immobilisme français que regrettent de très nombreuses personnalités qui, jusque dans le camp présidentiel, pressent Macron de mettre en conformité ses actes avec les paroles fortes qu’il a prononcées le 16 février, à l’occasion de la visite en France du roi Abdallah II de Jordanie : « La reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un “tabou” pour la France », a affirmé ce jour-là le chef de l’état sur un ton solennel, avant d’ajouter : « Nous le devons aux Palestiniens dont les aspirations ont été trop longtemps piétinées. » Et même noyées dans le sang !

« Les paroles sont toujours plus audacieuses que les actes. » (Schiller)

Des paroles qui, à n’en pas douter, ont été saluées par le militant pacifiste franco-israélien Ofer Bronchstein, président du Forum international pour la paix. Chargé dès 2020 par Macron d’une mission de rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, Bronchstein en appelle à un engagement résolu du président de la République qui ne manquerait pas d’avoir un fort retentissement dans le monde occidental. Hélas ! souvent déterminé dans ses discours, mais encore plus souvent timoré dans ses actes, le chef de l’état met le pied sur le frein. Tout au plus a-t-il, le 18 avril, autorisé le vote aux Nations-Unies de la résolution visant à reconnaître la Palestine comme membre à part entière de l’instance onusienne, en sachant pertinemment que les États-Unis y opposeraient leur véto as usual.

Pour mémoire, rappelons que le 2 décembre 2014, les députés français ont, trois ans après les sénateurs, adopté à une très large majorité une résolution demandant au gouvernement de reconnaître l’État de Palestine. Ce texte, malheureusement non contraignant, n’a jamais été suivi d’effet par le président en exercice, qu’il s’agisse de Hollande puis de Macron. Et il risque fort de ne toujours pas l’être d’ici à la fin du mandat en cours. Faut-il en être surpris ? La réponse est non : comment pourrait-il en aller autrement alors que ni Macron au niveau français ni les caciques de l’Union Européenne ne semblent déterminés à rompre enfin la dépendance qui les assujettit de fait à la puissance étasunienne, soutien indéfectible de l’État d’Israël, aussi criminelles soient les dérives de la gouvernance de l’État hébreu ?

À ce jour, 141 pays sur 193 pays membres de l’ONU ont reconnu l’État palestinien. Parmi eux, l’Islande, seule nation occidentale hors Union Européenne. Macron pourrait-il avoir le courage de faire de la France la première des grandes nations occidentales à reconnaître enfin la Palestine ? On aimerait y croire. Mais les pressions étasuniennes sont fortes, de même que celles des lobbies israéliens. C’est pourquoi il est probable que, sur ce sujet comme sur tant d’autres, le président de la République ne se montre, à l’image de ses frileux prédécesseurs, qu’un velléitaire dont il ne faut rien attendre d’autre que de pathétiques rodomontades !

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