Mai-68. Slogans pour les prochaines révolutions
par Denis Langlois
jeudi 14 février 2008
Fêter Mai-68 avec humour. Surtout pas d’enterrement. Quels nouveaux slogans un révolté écrirait-il en 2008 sur les murs ?
Le quarantième anniversaire de Mai-68, c’est parti ! Des dizaines de livres, des numéros spéciaux de magazines, des émissions de radio et de télé, des expositions, des spectacles, etc.
Sarko, en bon attaché de presse, a lancé l’événement en se targuant de pouvoir liquider le joli mois de mai. En revanche, il a contribué à lui retirer tout humour ou presque. On se place sur son terrain, on répond à ses attaques, donc on fait dans le sérieux ou le caustique. Or, l’une des caractéristiques de Mai-68, c’est qu’il jouait sur le premier degré, le second et même le troisième. On se prenait au sérieux, on était sérieux, mais on savait le faire avec ce décalage de la poésie, de la subversion, de l’ironie et justement de l’humour.
Les slogans et les graffitis sur les murs avaient souvent cette tonalité. Aujourd’hui, en 2008, on commémore (à l’oreille, n’entendez-vous pas le mot mort ?). On célèbre et on enterre, on fait dans l’histoire pontifiante, l’analyse universitaire, le témoignage ressassé d’ancien combattant, la dénonciation des "traîtres" ou la nostalgie larmoyante. Curieuse façon de faire la fête et de répliquer à Sarko.
Quant à moi - puisque je suis l’auteur d’un de ces nombreux livres qui paraissent en ce moment - j’ai choisi un autre angle d’attaque. Je pourrais raconter "mon" Mai-68. J’y étais. Je pourrais exprimer ma nostalgie. J’en ai pas mal en réserve. Mais j’ai préféré, tout en gardant l’esprit libertaire de ce fameux printemps, me situer dans le présent et même me projeter dans l’avenir. J’ai imaginé et écrit 268 nouveaux slogans avec des mots de maintenant, bien ancrés dans la réalité d’aujourd’hui, mais en gardant l’espoir de révolutions, pourquoi pas prochaines et joyeuses. Le rêve utopiste n’était-il pas aussi la caractéristique de mai ?
2008. Mai n’est pas mort, il bande encore. Non pas grâce au Viagra, mais parce qu’il représente toujours l’espérance de la révolte, la jeunesse d’un monde qui n’a pas oublié ses rêves de changement et de justice. Du punch. Des rires. Du souffle. De la jubilation. De l’insolence. De l’imagination. Une incitation à repartir à l’assaut du ciel.
Mais assez parlé ! Des actes ou, plutôt, des slogans. Je vous en livre un petit florilège. J’ai un peu le trac, comme un comédien qui entre en scène et ne sait pas si son texte tient la route. Allez, je me lance. Treize slogans, ça porte bonheur !
* N’ajoutez jamais un s à mai.
* Si vous avez du mal à dire non, dites merde !
* Investissons les zones révolutionnaires, mais ne négligeons pas les zones érogènes.
* Il y a des petits qui veulent tout rapetisser à leur image.
* La politique intérieure, c’est quand on l’a dans le cul.
* Ne tombez plus amoureux, élevez-vous amoureux !
* Je consomme, tu consommes, il consomme. Nous dégueulons.
* Faites l’amour, pas les allées du supermarché !
* Métro, boulot, windows, dodo.
* Google m’a sucré mon blog. J’écris sur les murs.
* Tapez révolte sur votre clavier et sortez dans la rue.
* La loi du plus fort s’arrête quand le plus fort se fait casser la gueule.
* Nique ta grammaire !
Si cet échantillon ne vous déplaît pas, vous amuse même et vous inspire, vous pouvez vous procurer le bouquin entier : Slogans pour les prochaines révolutions. Ça vient de paraître aux Éditions du Seuil. (En plus, ce n’est pas trop cher : 10 euros.)
Denis Langlois.