Merveilleuses Chansons de la Commune !

par rosemar
lundi 6 décembre 2021

Voici 150 ans que se déroula la Commune de Paris...

En mars 1871, refusant la capitulation face aux Prussiens, les Parisiens constituent un gouvernement révolutionnaire qu’ils nomment Commune et qui sera un des fleuves nourriciers des soulèvements et révolutions à venir. Ces 72 jours vont aussi propager de nombreuses musiques et chansons : chroniques, révoltes, désillusions, espoirs, tous ces aspects ont été évoqués lors d'une conférence de Marc Simon, au Carré d'Art à Nîmes...

Pour nous mettre dans l'ambiance, Marc Simon interprète d'abord une chanson de Louis Marchand et Aristide Bruant : La commune...

"Le fracas du canon s 'entend à l'horizon

C'est la commune qu'on vient de proclamer

Chacun, chacune

Pour elle veut s'armer..."

 

En fait, la Commune a généré des chansons surtout bien des années plus tard. Cette chanson date de 1910.

La Commune a aussi recyclé des chansons précédentes.

 

Un peu d'histoire pour commencer :

Napoléon s'est fait proclamer président en 1848, et assez vite le régime a glissé vers quelque chose de plus autoritaire, vers une monarchie.

Napoléon s'est lancé dans des guerres hasardeuses au Mexique, puis il s'est piqué de déclarer la guerre à l'Allemagne. Le 2 septembre 1870, Napoléon III est fait prisonnier par les Prussiens : la guerre est perdue.

Le peuple parisien envahit la mairie de Paris et proclame la République.

Beaucoup de gens vivent mal dans une extrême pauvreté : les révoltes grondent, en province, il y a déjà eu des révoltes à Marseille, à Lyon... Le "midi rouge" s'était soulevé...

Les Prussiens assiègent Paris : les Parisiens passent l'hiver dans le froid, les privations.

Le 8 février 1870, des élections sont organisées : les conservateurs gagnent, le gouvernement est rapatrié à Versailles. Les Versaillais : c'est ainsi que l'on nomme les soldats du gouvernement.

Le 17 mars 1871, Adolphe Thiers et son gouvernement, évaluant mal l'état d'esprit des Parisiens, envoient au cours de la nuit la troupe sous le commandement du général Lecomte s'emparer des canons de la Garde nationale sur la butte Montmartre. 

Quand le gouvernement décide de désarmer les Parisiens, ceux-ci se sentent directement menacés. Il s'agit de leur soustraire les 227 canons entreposés à Belleville et à Montmartre. Les Parisiens considèrent comme leur propriété ces canons qu'ils ont eux-mêmes payés par souscription lors de la guerre contre la Prusse. Ils se voient sans défense vis-à-vis d'éventuelles attaques des troupes gouvernementales (comme en juin 1848). Cependant ils disposent de près de 500 000 fusils.

De son côté, le gouvernement craint la présence de cette artillerie en cas d'émeute ouvrière, et justifie le retrait des canons par l'application des conventions prises avec le vainqueur dont le désarmement de la capitale fait partie. Les Prussiens sont en effet toujours présents autour de la ville.

À Montmartre, au matin, le peuple parisien s'éveille et s'oppose à la troupe venue chercher les canons. Puis, rapidement, celle-ci fraternise avec lui. Un peu partout dans Paris, la population s'en prend aux représentants supposés du gouvernement, élève des barricades et fraternise avec la troupe. 

Montmartre reprend ses canons.

 

La Commune est un mouvement populaire très divers : toutes les tendances politiques républicaines et socialistes sont représentées, jusqu'aux anarchistes. 

Dans le terme "Commune" on trouve l'idée de partage...

Les réformes démocratiques de la Commune sont nombreuses : école laïque, écoles professionnelles gratuites, les filles accueillies à l'école, etc.

 

Marc Simon évoque alors une autre chanson liée à la Commune : La Canaille, un chant révolutionnaire de 1865, précurseur de la Commune de Paris, d'abord appelé La Chanson des gueux. Les paroles sont d'Alexis Bouvier et la musique de Joseph Darcier.

"Dans la vieille cité française
Existe une race de fer
Dont l'âme comme une fournaise
A de son feu bronzé la chair.
Tous ses fils naissent sur la paille
Pour palais ils n'ont qu'un taudis.
C'est la canaille, eh bien j'en suis.
Ce n'est pas le pilier du bagne
C'est l'honnête homme dont la main
Par la plume ou le marteau
Gagne en suant son morceau de pain.
C'est le père enfin qui travaille
Les jours et quelquefois les nuits.
C'est la canaille, eh bien j'en suis.
C'est l'artiste, c'est le bohème
Qu sans souper, rime, rêveur,
Un sonnet à celle qu'il aime
Trompant l'estomac par le coeur.
C'est à crédit qu'il fait ripaille
Qu'il loge et qu'il a des habits.
C'est la canaille, eh bien j'en suis.
C'est l'homme à la face terreuse
Au corps maigre, à l'oeil de hibou
Au bras de fer, à main nerveuse
Qui sortant d'on ne sait pas où
Toujours avec esprit vous raille
Se riant de votre mépris.
C'est la canaille, eh bien j'en suis.
C'est l'enfant que la destinée


Force à rejeter ses haillons
Quand sonne sa vingtième année
Pour entrer dans vos bataillons
Chair à canon de la bataille,
Toujours il succombe sans cris.
C'est la canaille, eh bien j'en suis.
Les uns travaillent par la plume,
Le front dégarni de cheveux,
Les autres martèlent l'enclume
Et se saoulent pour être heureux.
Car la misère en sa tenaille
Fait saigner leurs flanc amaigris.
C'est la canaille, eh bien j'en suis"

 

Puis, c'est l'évocation de la chanson La semaine sanglante Paroles : Jean Baptiste Clément (1871)

Ce chant tragique évoque les derniers jours de la Commune : Jean Baptiste Clément s’inspira de sa propre expérience pour rédiger ses paroles, peu de temps après avoir témoigné des exactions commises par les Versaillais contre le peuple parisien. Son refrain comprend néanmoins une note d’espoir, en proclamant que "les mauvais jours finiront !"

"Sauf des mouchards et des gendarmes
On ne voit plus par les chemins
Que des vieillards tristes en larmes
Des veuves et des orphelins
Paris suinte la misère
Les heureux mêmes sont tremblants
La mode est aux conseils de guerre
Et les pavés sont tout sanglants
Oui mais
Ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare, à la revanche
Quand tous les pauvres s'y mettront
Quand tous les pauvres s'y mettront
On traque, on enchaîne, on fusille."

 

Autre chanson très connue liée à la Commune : c'est l'Internationale.

Cet hymne intemporel du mouvement ouvrier fut écrit par Eugène Pottier, vraisemblablement dans les semaines qui ont suivi la Commune de Paris. L’Internationale ne sera pourtant publiée que bien des années plus tard, avant d’être mise en musique en 1888 par Pierre Degeyter. Chantée à l’occasion des congrès de l’Internationale, elle deviendra ensuite l’hymne national de l’URSS jusqu’en 1944. Figurant parmi les chants politiques les plus traduits au monde, l’Internationale résonne encore aujourd’hui dans les cortèges des manifestations parisiennes.

 

Les musiques de ces chants font songer à des hymnes militaires : il ne faut pas oublier que la Commune fut aussi un mouvement militaire dont le but premier était de se battre contre les Prussiens.

Pourtant, dans ce mouvement révolutionnaire, on trouvait de nombreux pacifistes : c'est donc assez paradoxal.

 

Une autre chanson célèbre : Le Temps des cerises, une chanson dont les paroles ont été écrites en 1866 par Jean Baptiste Clément et la musique composée par Antoine Renard en 1868.

Bien que lui étant antérieure, cette chanson est néanmoins fortement associée à la Commune de Paris de 1871, l'auteur étant lui-même un communard ayant combattu pendant la Semaine sanglante.

 Jean Baptiste Clément dédie sa chanson à une ambulancière rencontrée lors de la Semaine sanglante, alors qu'il combattait en compagnie d'une vingtaine d'hommes.

En fait, c'est à l'origine une chanson évoquant simplement le printemps et l'amour (particulièrement un chagrin d'amour, dans la dernière strophe).

La chanson fut ensuite interprétée comme une nostalgie de ce qu'aurait pu être cette révolution...

Le texte suffisamment imprécis parle d'une "plaie ouverte", d'un "souvenir que je garde au cœur", de "cerises d'amour [...] tombant [...] en gouttes de sang". Ces mots peuvent aussi bien évoquer une révolution qui a échoué qu'un amour perdu. 

 

Cette révolution a suscité aussi un espoir immense de fraternité, de bonheur, un monde tel que le rêve Léo Ferré dans sa chanson L'âge d'or... chanson bien postérieure à la Commune, évidemment.

On connaît moins cette chanson : Quand viendra-t-elle ?, une chanson d'Eugène Pottier écrite en 1870 : La personne semble attendre un grand changement, sous couvert de romance, on est bien dans la critique sociale.

"J'attends une belle,
Une belle enfant,
J'appelle, j'appelle,
J'en parle au passant.
Ah ! je l'attends, je l'attends !
L'attendrai-je encor longtemps ?
 
J'appelle, j'appelle,
J'en parle au passant.
Que suis-je sans elle ?
Un agonisant.
Ah ! je l'attends, je l'attends !
L'attendrai-je encor longtemps ?
 
Que suis-je sans elle ?
Un agonisant.
Je vais sans semelle,
Sans rien sous la dent..
Ah ! je l'attends, je l'attends !
L'attendrai-je encor longtemps ?"

 

Marc Simon évoque ensuite une figure importante de la Commune : Louise Michel.
 

Cette institutrice s'est engagée dans la Commune de Paris, autant en première ligne qu'en soutien. Capturée en mai, elle est déportée en Nouvelle-Calédonie où elle se convertit à la pensée anarchiste. Elle revient en France en 1880, et, très populaire, multiplie les manifestations et réunions en faveur des prolétaires.

Elle reste surveillée par la police et est emprisonnée à plusieurs reprises, mais poursuit son militantisme politique dans toute la France, jusqu'à sa mort à l'âge de 74 ans.

 

Chantée par les poètes, notamment Victor Hugo (Viro Major), Louise Michel elle-même n'a cessé d'écrire des poèmes sa vie durant. Un volume intitulé A travers la vie et la mort- le plus complet qui soit retraçant son œuvre poétique - rassemble cent deux poèmes, dont ceux du seul recueil publié de son vivant, À travers la vie, d'autres retrouvés dans des revues oubliées, et enfin des inédits. Des années de jeunesse empreintes de romantisme à l'exil en Nouvelle-Calédonie, l'œuvre poétique de Louise Michel retrace la trame de toute une vie, les luttes révolutionnaires et, au-dessus de tout, la Commune. Chaque grand événement qui l'a fait vibrer trouve ici sa résonance lyrique.

Marc Simon chante alors cette magnifique poésie de Louise Michel qu'il a mise en musique :

 

"Sous les flots

Au fond lointain des mers sont des forêts mouvantes ;
Des poissons ont leurs nids, ainsi que les oiseaux.
Dans d'étranges massifs dont les fleurs sont vivantes
Autour errent légers les colibris des eaux.
Des monstres inconnus sous les flots vont s'ébattre,
Et la méduse bleue, et le poulpe blanchâtre
     Errent à travers les rameaux.

Quand sur la mer paisible, on voit flotter les ombres
Des mornes vers le soir, de petits point brillants
S'étoilent en dansant dans les espaces sombres ;
Comme on voit dans les bois briller les vers luisants
Où parfois réunis, formant un disque intense,
Ils voguent lentement, pareils dans l'onde immense,
     A des soleils étincelants.

 

La mer se retirant a laissé sur la grève
Un peu de son écume et des varechs flottants,
Et des êtres pareils à des formes de rêve,
Et l'on n'entend plus rien au loin que les brisants
C'est la paix du désert, la grande paix sauvage,
Que les flots gris du sable et les flots de la plage
Conservent dans leurs plis mouvants."

                      Le livre du bagne (1873-1880)

 

Pour clore la séance, Marc Simon interprète une chanson de Léo Ferré bien dans l'esprit de la Commune : Graine d'ananar...

 

Merci à Marc Simon pour ce joli moment de convivialité, de musique, d'histoire, de culture autour des Chansons de la Commune.

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2021/11/merveilleuses-chansons-de-la-commune.html

 

https://parislightsup.com/2021/02/10/les-plus-belles-chansons-de-la-commune-de-paris/

 

 

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