L’enchanterresse de la Butte

par C’est Nabum
samedi 13 janvier 2024

Justine Jérémie.

Un oiseleur toujours en quête d'une perle à la voix de rossignol a déniché une merveille de petite caille qui durant près de deux heures a enchanté un public rarement aussi nombreux à la Ruche en Scène. S'accompagnant merveilleusement d'un accordéon plus grand qu'elle tout en semblant être son prolongement, elle a alterné créations et reprises dans un répertoire qui a transporté d'aise les amoureux de la chanson française et des jolis textes.

Le bouche à oreille ayant sans doute besoin d'un sonotone désormais, c'est le clavier à écran qui a fait des prodiges pour attirer dans ses rets les plus fidèles adeptes du spectacle vivant. Pour beaucoup, un petit passage sur YouTube a confirmé que la dame méritait de lui sacrifier leur samedi soir télévisuel. Quant à moi, j'ai fait confiance au dénicheur de talents, me réservant le plaisir de la découverte sans avoir besoin de la musique en boîte.

Justine Jérémie, toute de noir vêtue, cachée derrière son accordéon, noir lui aussi, illumina notre soirée. Fragile en apparence, semblant s'excuser de nous prendre un peu de notre temps. Elle se présente sur la pointe de ses chausses, soulève péniblement son instrument qui fera corps avec elle, métamorphosant la jeune femme en une artiste confirmée.

Justine Jérémie enchaîne les chansons au pas de course, ne perdant jamais le temps en présentation bavarde ni en récit de vie. C'est en jouant et en chantant, qu'elle communique vraiment avec son public d'une part par la qualité de ses textes, sa virtuosité musicale, la diversité et l'équilibre de son répertoire mais surtout par son langage corporel.

Elle envoûte, elle invite, elle cajole du regard, elle se fait petite fille enjôleuse invitant chacun de nous à l'accompagner. Son sourire électrise, sa gestuelle, empreinte d'une infinie tendresse prend par le cœur un public qui ne la quitte plus des yeux. Un à un, chaque spectateur s'imagine que l'artiste ne chante que pour lui. Elle a l'art de subjuguer son public.

Que vous dire de son répertoire ? Il est constitué de petites perles ciselées par la demoiselle et son frère tandis que la mélodie, toute en délicatesse, invite à l'écoute et facilite la compréhension. Sa voix chaude et cristalline change de registre parfois pour colorer autrement sa chanson. Une prestation maîtrisée qui donne toujours le sentiment qu'elle est spécialement destinée rien que pour chacun d'entre-nous.

De temps à autre, elle échappe à son programme, s'offrant et nous accordant un texte connu de tous pour un partage qui faisait pétiller ses yeux malicieux. Tout cela par le cœur, sans pupitre ni prompteur, une chanteuse de rue ou de cabaret pour laquelle la scène est un bonheur qu'il convient de ne surtout pas galvauder.

Puis, cerise sur le joyau, elle convie Riki de la Butte à se joindre à elle. Arrive alors un personnage sorti tout droit de la Vache Enragée et des cabarets du XIX° siècle. Dans son pantalon de velours, ses bretelles « Achille » et sa gueule d'apache, l'homme a bourlingué, ça ne fait aucun doute. À cappella, il nous prend par les tripes quand jusqu'alors sa partenaire visait le cœur.

Sa voix rocailleuse nous conduit sur les barricades de la commune en n'oubliant pas de faire un détour par notre présent pour fesser les gredins qui nous gouvernent. Rassurez-vous, la poésie est de la partie, c'est fort, puissant mais toujours dans une langue tirée à quatre épingles. Le Temps des Cerises nous donne des frissons alors qu'auparavant il avait déclenché le rire avec une incroyable malice.

Puis Riki se retire pour laisser sa jeune partenaire parachever une soirée qui restera longtemps dans les mémoires. Ceux-là ne passeront sans doute jamais sur ce petit écran de l'insipide et du conformisme. Faites-leur donc le cadeau de les inviter ou d'en parler à un programmateur proche de chez vous. Vous ne serez pas déçus.

Photographies de Patrick Pommier

Spectacle à La Ruche en Scène d'Orléans


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