L’« argent gratuit » qui a sauvé le monde. Le paradoxe des politiques monétaires non conventionnelles dans la croissance mondiale

par Hamed
mardi 18 juin 2024

 Tous les Etats, en période de ralentissement de l’économie, quand ils sont à court d’argent, utilisent l’instrument monétaire. Soit ils se tournent vers les marchés monétaires domestiques pour procéder à des emprunts, ce qui ne satisfait pas toujours puisque les emprunts ne peuvent aller au-delà d’une certaine limite des possibilités du secteur bancaire intérieur. Le marché domestique saturé ne dispose pas assez de fonds et les marchés extérieurs se ferment par crainte de non-recouvrement de leurs créances. Soit, en dernier recours, ils se tournent vers leurs Banques centrales pour demander ce qu’on appelle des « avances », en échange de titres d’Etat, généralement des bons de Trésor.

 Evidemment, un excès de demandes du Trésor se traduit par un excès de création monétaire, et donc de l’inflation. Et à pratiquer l’inflation, un Etat ruine les particuliers pour enrichir la nation. Il faut néanmoins dire que les Etats construisent des routes, des ponts, des ports (ou les modernisent), des barrages, des écoles, des universités, des hôpitaux, etc., en réglant une grande partie de ces dépenses par la « planche à billet ». Cette construction pourtant nécessaire n’a pas coûté grand-chose à l’Etat, et si elle en profitera aux générations de demain aura coûté beaucoup aux générations d’aujourd’hui.

 Il faut aussi souligner qu’un ralentissement peut être conjoncturel, et une relance de l’économie peut diminuer voire effacer le déséquilibre budgétaire. Mais si le ralentissement se poursuit et ralentit les recettes fiscales pour la couverture des dépenses publiques, de nouveau le déficit budgétaire fait apparaître un nouveau besoin de financement. Et s’enclenche une « spirale inflationniste-dévaluationniste ». En effet, un recours à la « planche à billet » se traduit forcément par une spirale augmentation prix-augmentation salaire, et une dévaluation de la monnaie.

 Mais qu’en est-il de la dépression qui a suivi la crise financière en 2008 et de ses conséquences aujourd’hui ?
 

  1. Un peu d’histoire

 Cette spirale a caractérisé tant les pays européens dans les années 1970 suite aux chocs pétroliers que les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. La hausse des prix du pétrole (inflation importée) et la monétisation des déficits commerciaux par les pays détenteurs de monnaies internationales ont bouleversé l’équilibre économique mondial. Les déficits cumulés depuis les années 1970 et surtout les années 1980 avaient produit un effet boule de neige sur les dettes publiques qui ont atteint un niveau tel que la charge d’intérêts dépassait les ressources fiscales nécessaires pour les résorber. D’autant plus qu’à la dette de l’Etat viennent s’ajouter celles des collectivités locales, de la sécurité sociale et de divers organismes et forment la dette publique. Les États se retrouvent ainsi à créer de la dette pour couvrir leurs déficits et assurer le « service de la dette », i.e. le paiement des intérêts et le remboursement du principal arrivant à échéance

 Dans les années 1980-1990, il faut rappeler le retournement de l’histoire sur le problème des déficits et la dette publique. La plupart des pays industrialisés (OCDE) avaient pour ordre du jour la réduction des déficits budgétaires. Tous les pays y compris les pays en développement devaient réduire leurs dépenses publiques. Le blocage de l’économie mondiale par l’endettement mondial, l’éclatement du bloc Est qui a suivi à la fin des années 1980, la profonde dépression de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, d’une partie de l’Asie et bien entendu la récession des pays du bloc de l’Est se sont à la fin soldée par une crise financière au Japon et une double récession aux États-Unis et en Europe, dans la première moitié des années 1990. Tous ces facteurs récessifs ont introduit une nouvelle donne, un passage obligé pour une sortie de crise : un ajustement structurel planétaire. L’Europe y était déjà engagée par le traité de Maastricht. Les pays européens devaient se conformer au critère d’un déficit ne dépassant pas 3% du PIB et d’une dette publique ne dépassant pas 60% du PIB. Ainsi, la rigueur budgétaire a pris le relais de la restriction monétaire.

 De leur côté, les Américains se sont également engagés sur la voie de l’orthodoxie budgétaire. L’objectif de retour à l’équilibre budgétaire a donné lieu à un excédent budgétaire en 2000. Quant aux pays en développement soumis à l’ajustement structurel, il apparaissait comme la meilleure voie de sortie du cercle vicieux de l’endettement qui risquait de conduire à une diminution de l’indépendance des pays dans la conduite de leur politique monétaire et financière.

 Une décennie et demi passa où l’Amérique vit son âge d’or avec la « Nouvelle économie », i.e. les valeurs technologiques (informatiques et télécommunications) qui ont constitué avec Internet une « troisième révolution industrielle ». Ils ont permis de créer des dizaines de millions d’emplois aux États-Unis et dans le monde. La Chine vit aussi son âge d’or au cours de la décennie 2000, elle devient l’« atelier du monde » dans les microprocesseurs, l’automobile, le textile… comme naguère fut l’Amérique après le deuxième conflit mondial. La roue de l’Histoire tourne. 

 L’Inde n’est pas en reste, elle devient le premier producteur mondial de logiciels. Le doute est donc permis quant au comment l’Occident pourrait encore façonner le monde.
 

  1. L’« argent gratuit » qui a sauvé le monde

 Et c’est dans cette période de faste dans toutes les régions du monde que fit irruption la crise financière de 2008. Elle fut précédée, en 2007, par la crise immobilière (subprimes) aux États-Unis. La crise financière qui apparut au début de l’été 2008 fut brusque et dévastatrice. Ses conséquences étaient immédiates. Elle détruisit entre 2007 et 2008 selon des données occidentales quelques 25 000 milliards de dollars de capitalisations boursières dans le monde. D’autres données font état de 50 000 milliards de dollars. De chiffres extravagants qui équivaudraient à une destruction équivalente ou plus du PIB mondial. Comment pareil phénomène a-t-il pu se produire ? L’économie occidentale s’est pratiquement arrêtée pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

 Le premier phénomène constaté pour ainsi dire « incroyable », est qu’une grande partie des liquidités internationales créées par l’Occident depuis l’annulation des déficits courants américains au début des années 1990 sont allés se réfugier dans les pays émergents sous forme d’excédents commerciaux et d’investissements surtout en Chine. Qui plus est ce ne sont pas seulement les liquidités internationales mais aussi une partie de l’industrie occidentale sous forme de « délocalisations et de joint-ventures ». C’en était trop pour la résilience du système économique, financier et monétaire façonné depuis plus d’un siècle par l’Europe et les États-Unis.

 Cette situation unique dans l’histoire ne laissa pas d’autres alternatives aux États-Unis et à l’Europe non de panser plaies, il n’y avait rien à panser, les liquidités internationales qu’ils avaient créées, durant près de deux décennies, étaient ailleurs, que de « reconstituer de nouveau l’armature financière et monétaire internationale ». Et l’armature repose sur les quatre piliers du système monétaire international que sont le dollar américain, l’euro, la livre sterling et le yen. D’autant plus que cette dévastation de l’économie occidentale était prévisible, et s’est opérée au prix d’un long déclin de l’économie productive de l’Occident, qui perdait lentement mais sûrement l’initiative face à la compétitivité asiatique.

 Le système monétaire international dominé par l’Occident devait renaître de ses cendres. Et pour rétablir la mise du système financier occidental dévasté, il fallait rompre avec les méthodes monétaires classiques et procéder à des politiques monétaires massives, « extraordinaires », « non conventionnelles » pour reconstituer le système financier et monétaire international. Il n’y avait pas d’autres solutions, il fallait « armer et bétonner » les piliers du système sinon l’économie occidentale et avec elle l’économie mondiale allait sombrer dans la plus grave crise économique de l’histoire que le monde aurait connue.

 Et on comprend pourquoi les Banques centrales des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la zone euro, du Japon, en parfaite concertation, ont injecté massivement des capitaux pour sauver leurs systèmes bancaires respectifs qui, interconnectés, ne formaient en réalité qu’un seul et même système : le système économique, financier et monétaire international.

Que serait la Chine avec ses près de quatre mille milliards de dollars réserves de change en dollars, euros, livre sterling, yen…), en 2014, sans un système financier international fiable ? Et cela passait par des mesures d’urgence, précisément des plans de sauvetage, de relance et de soutien qui se sont opérés à coup d’injections monétaires massives, qui étaient non seulement nécessaires pour les États-Unis et l’Europe mais dans l’intérêt de toutes les économies du monde.

 Ceux qui voyaient négativement les différentes politiques monétaires menées par les Banques centrales occidentales, appelées pudiquement « assouplissement quantitatif non conventionnel ou Quantitative easing », opérés depuis 2008, comme de l’« argent gratuit », se trompent sur toute la ligne. Que ces liquidités aillent aussi dans la spéculation sur les marchés boursiers se trompent encore. La spéculation est inhérente à la nature de l’homme, l’homme cherche à gagner et, sans cette volonté de gagner, il n’y a pas d’économie.

 Quant à l’« argent gratuit », certes, il est gratuit mais il anticipe la création de richesses. Il permet de doper la consommation aux États-Unis et en Europe qui est nécessaire pour accompagner les entreprises productives occidentales, le déstockage, etc. Il relance l’investissement, il permet les dépenses budgétaires pour la couverture sociale, ce qui n’a pas de prix ni pour la paix sociale ni pour la subsistance des ménages qui ont perdu leurs emplois. Et toutes ces dépenses concourent à contrecarrer la dépression malgré la perte de compétitivité, eu égard au faible coût de la main d’œuvre en Asie.

 D’autre part, ces quantitative easing, par le biais de l’absorption occidentale, soutiennent les pays du reste du monde. Les pays du BRICS, au-delà des récriminations des autorités de la Chine, du Brésil, recherchent cet « argent gratuit » et en tirent un « bénéfice incalculable ».

Les pays d’Afrique et du Moyen-Orient, exportateurs de pétrole et de matières premières, tirent également bénéfice de ces injections monétaires occidentales. Leurs exportations s’apprécient parce qu’ils constituent la contrepartie physique directe des injections monétaires occidentales. En d’autres termes, ces matières premières et surtout l’or noir exporté que se disputent les grandes puissances jouent un rôle central dans les émissions monétaires. Il sert de « substitut à l’étalon-or de feu Bretton Woods ».

 Donc rien ne disparaît tout se transforme, ou plus simplement la Nature a horreur du vide. Un système informel remplace par défaut un système formel. Ceci simplement pour affirmer que les phénomènes financiers et monétaires jouent une fonction d’intermédiaire qui, souvent, dépasse ou s’impose dans les stratégies des puissances, et ce faisant, donne un sens à l’histoire.
 

  1. Les quantitative easing constituent-ils une destruction de la dette publique ?

 Une question se pose sur les politiques monétaires d’assouplissement quantitatif non conventionnel. Comment se fait-il que le Premier ministre grec Antonis Samaras avait exhorté, au mois de décembre 2013, la zone euro à confirmer au début de l'année prochaine une nouvelle réduction d'une partie de l'énorme dette de son pays.

Il faut rappeler qu’en 2012, les ministres des Finances de la zone euro avaient convenu qu'une nouvelle réduction de la dette de la Grèce serait possible si le pays respecte les modalités de son plan de sauvetage et réalise un excédent primaire (hors coûts du service de la dette). La Grèce était sous perfusion par ses partenaires européens et du Fonds monétaire international (FMI) depuis 2010. Six années de récession continue, et la Grèce espérait réaliser un léger excédent primaire en 2014.

 La Grèce avait déjà bénéficié d’un montage complexe qui a permis une réduction de plus de la moitié de sa dette privée, en début d’année 2012, soit 107 milliards d'euros. Il est évident que si les réformes ne se sont pas opérées, les pays en difficultés comme l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, voire l’Italie pourraient prétendre aussi sur une telle annulation et laisser filer leurs déficits, ce qui amplifierait la crise et toucherait évidemment de proche en proche les autres pays de la zone. Cependant, sans moteur de relance dans la zone euro, les politiques d’austérité ne seront tout au plus qu’un moyen pour tenir l’économie hors de l’eau. Ce sont des économies de subsistance, elles n’apporteront pas la croissance.

Précisément, les politiques monétaires non conventionnelles, en échange des réformes, que ce soit la Banque centrale européenne ou le FMI qui lui est dépendant de ses actionnaires que sont les quatre principales Banques centrales occidentales, qui ont ce pouvoir de créer ex nihilo ces liquidités monétaires pour racheter auprès des investisseurs privés la dette de la Grèce, et ce faisant, efface de la dette de la Grèce. Un mécanisme non conventionnel qui a aidé la Grèce et tous les autres pays de l’Eurozone.

 Si, comparativement à l’Europe, on regardait le mécanisme de soutien monétaire à l’économie américaine, on constate que la Réserve fédérale (FED) ou Banque centrale américaine a injecté depuis 2008 des masses considérables d’argent dans le cadre du QE1, QE2, opération twist et QE3. Plus de 6000 milliards de dollars ont été injectés entre 2009 et 2012, faisant passer la dette publique de 10 025 milliards de dollars fin 2008 (72% du PIB) à 16 394 milliard de dollars en décembre 2012, soit plus de 100% du PIB.

Dans le cadre du QE3, la Réserve fédérale injectait 85 milliards de dollars par mois dans le système financier américain, soit plus de 1000 milliards de dollar par an. Ce n’est qu’au mois de décembre 2013 que la Réserve fédérale a annoncé une « diminution de 10 milliards de dollars dans ses injections par mois », portant le soutien à l’économie à 75 milliards de dollars mensuellement. Et ces injections passaient par le rachat des bons de Trésor et des titres hypothécaires, ce qui allégeait considérablement les bilans des banques privées des créances à risques et des titres-dettes de l’État.

En retour, les capitaux injectés permettaient au système bancaire de financer l’économie américaine, i.e. les dépenses publiques et privées. On comprend pourquoi cette « manne financière gratuite » a permis de faire passer le taux de chômage aux États-Unis d’environ 10% à 7%, en 2014.

 Le rachat des bons de Trésor opéré par la FED permettait de maintenir les taux longs à un cours faible et stable, ce qui allégeait le service de la dette publique américaine. Il en allait de même pour l’Eurozone, la Grande-Bretagne et le Japon.

Il reste cependant une question de fond sur les rachats par les Banques centrales occidentales lorsque, par exemple, les bons de Trésor US venaient à maturité. « Quelle est leur destinée ? » Sont-ils remboursés par le Trésor public américain ? De même pour les bons de Trésor européens. « Sont-ils remboursés par les Trésors publics des pays de la zone euro ? »

Ou sont-ils détruits ? Qu’en est-il donc des QE1, QE2 et QE3, et les bons de Trésor et titres hypothécaires rachetés pour la FED américaine ? Que deviennent donc les bons de Trésor et titres hypothécaires retirés du circuit bancaire contre les injections monétaires opérées par la FED qui voit son bilan grossir année après année ?

Si pour les titres hypothécaires, le problème ne se pose pas, puisque dès que les biens immobiliers seraient revalorisés, ce qui adviendra avec la croissance, la Banque centrale américaine (FED) pourrait de nouveau les revendre et réduire ainsi la taille de son bilan. Par contre, la question reste posée sur les bons de Trésor rachetés. Qu’en sera-t-il des bons de Trésor (venus ou non à maturité) qui sont inscrits dans ses livres au compte du Trésor américain ? Doivent-ils de nouveau retourner au système bancaire pour dégonfler le bilan de la Banque centrale américaine ?

Il est évident que ce n’est pas une simple opération open-market vu qu’il s’agit de plusieurs milliers de milliards de dollars à retirer du système bancaire contre la masse de bons de Trésor en possession dans les coffres de la FED.

 Une telle opération ne fera qu’annihiler le soutien que la FED aura apporté aux banques américaines depuis 2008, plus d’une décennie. Elle créera certainement une crise bancaire. Aussi peut-on considérer que, si les titres publics restent toujours inscrits dans les bilans de la Banque centrale, et dès lors qu’ils ont été rachetés, leur rachat équivaut à une destruction de ces bons de Trésor, et donc une diminution de la dette publique.

Et c’est là le paradoxe, cette destruction n’apparaît pas dans les écritures comptables ni dans l’annonce officielle du montant de la dette publique américaine au public et au reste du monde. Ce qui en fin de compte est normal puisqu’elle relève toujours du compte du Trésor américain. En clair, il n’y a pas de réduction officielle de la dette publique.

Cependant tout en suggérant que ces masses de milliers de milliards de dollars inscrits dans les bilans de la FED ne posent pas de problème à l’économie américaine. Ce ne sont que de l’écriture comptable et n’oblige pas le Trésor américain de reprendre ses bons de Trésor qu’il a émis. Combien même il le voudra, il ne le pourra pas, l n’en a pas les moyens, et c’est là le sens de la politique monétaire non conventionnelle qui n’est en fait que la « monétisation pure et simple de la dette publique américaine » par la FED.

Un processus qui néanmoins favorise la croissance de l’économie mondiale. Le monde entier demande des dollars, de même des euros, de la livre sterling, du yen et du yuan chinois, pour les transactions internationales. Tout le commerce mondial est dépendant de ces principales monnaies internationales.
 

  1. La FED et la BCE, « substituts » des acheteurs traditionnels de la dette publique 

 Cependant, si les Quantitative easing n’opèrent pas une destruction de la dette publique, il faut reconsidérer leur sens sur le plan international. Il faut rappeler que la Chine a réduit fortement l’acquisition de bons de Trésor américain vu la baisse de la croissance économique et la diminution des excédents commerciaux, ce qui impacte négativement l’économie américaine.

Sans acquéreurs suffisants de bons de Trésor, la situation économique des États-Unis pourrait entrer dans une phase extrêmement difficile d’autant plus que son économie est le premier moteur mondial au double plan, en tant que première économie du monde par son « absorption », donc première « locomotive du monde » et par ses émissions de liquidités internationale. D’autant plus aussi que les pays arabes exportateurs de pétrole, depuis le « Printemps arabe », et les augmentations des salaires et les plans de relance pour la croissance et la création d’emplois, seul moyen d’« acheter la paix sociale », ont aussi diminué considérablement l’acquisition de bons de Trésor américain.

 C’est tout ce faisceau de causes issues d’une conjoncture internationale difficile, marquée par la décroissance économique mondiale, qui a amené la Réserve fédérale à se substituer à ses acteurs manquants pour prendre le relais dans l’achat de la dette publique des États-Unis. Aussi peut-on dire que si le rachat de la dette publique par la FED via les Quantitative easing ne se traduisent pas en destruction de dette publique, il demeure cependant que le gonflement de son bilan ne peut être considéré comme négatif pour la seule et unique raison que les Quantitative easing, en tant que passage obligé, ont en fait « stérilisé » une grande partie de la dette publique, ce qui signifie que « l’Etat américain doit de la dette à lui-même ». Et non aux contribuables et aux banques américaines ni aux investisseurs étrangers.

 Le même phénomène joue pour les autres grands pôles du monde, détenteurs des grandes monnaies de réserve du monde, par l’effet de balancier sur le plan monétaire. On comprend pourquoi « Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, à l’époque, n’hésitait pas à déclarer qu’il était prêt à créer un fond de 1000 milliards d’euros pour acheter toutes les dettes souveraines des États de la zone euro. » Parce que c’était possible si la conjoncture économique le demandait.

D’ailleurs, dans un point sur la situation économique de la zone, Mario Draghi restait optimiste et anticipait, à l’époque, une croissance de 1,5% pour la zone euro. Idem pour les États-Unis, les médias faisaient état d’un taux de croissance de 4,1% au troisième trimestre 2013. La situation s’améliorait aussi avec les « abenomics » au Japon, comme pour la Grande-Bretagne.

Et cela relève du paradoxe des politiques monétaires, sauf que les Banquiers centraux occidentaux savaient qu’ils rendaient service à la croissance économique mondiale, surtout entre 2008 et 2014, et donc aux pays du reste du monde, notamment à la Chine qui accumulait de formidables excédents commerciaux, qui tout compte fait ne seraient pas pris positivement par l’Occident.

Ainsi se comprend pourquoi les Quantitative easing ont été d’une contribution majeure à l’économie occidentale, et par ricochet à l’économie mondiale. Mais, les Banquiers centraux occidentaux sont conscients que les pays du reste du monde ont profité de la crise financière de 2008 et post-2008, du moins jusqu’en 2014, eu égard aux formidables excédents commerciaux qu’ils ont accumulés. Forcément, ils seront obligés de restreindre ces politiques monétaires non conventionnelles mais seulement jusqu’à une certaine limite.

Mais le plus grand danger pour l’Occident, ce ne sont pas les restrictions monétaires qui poseront problème, c’est surtout avec la montée en puissance des pays du BRICS et de leur volonté de commercer avec leurs monnaies voire même créer une monnaie commune et les conséquences qui surgiront. La question qui se posera alors : « Jusqu’à quand les pays occidentaux pourront-ils user de cette politique monétaire non conventionnelle pour financer leurs économies ? » Et ce sont là les défis auxquels feront face l’Occident dans les décennies à venir. En attendant, l’économie mondiale « fonctionne » avec les monnaies occidentales + le yuan chinois.

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale
Relations internationales et Prospective.

 


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