La nostalgie des années 80

par Eric Donfu
vendredi 5 octobre 2012

Alors que le film « Star 80 » qui raconte l’histoire d’une tournée des stars des années 80, s’apprête à sortir, le sociologue Eric Donfu revient sur la nostalgie propre aux années 80, justement. Une décennie, coincée entre les années 70, et leurs excentricités, et les années 90, avec ses lucidités. Une décennie qui retrouve des attraits, parce que le présent n’est pas à la hauteur de ses promesses ? Un entretien réalisé par le journaliste Romain Clément…

 

Qu’est-ce que cette nostalgie des années 80 révèle de notre société ?

Par rapport à notre société contemporaine, et comme le traduit la romancière Gaëlle Bantegnie, dans son roman « France 80 » ces années étaient les dernières ou l’on pouvait aller traire une vache dans une étable, alors que, en 2005, les fermes sont transformées en cliniques. Donc il s’agit d’années plus insouciantes qu’aujourd’hui.

Tout d’abord, nous arrivons à un espace de temps significatif : 32 ans depuis 1980, 22 ans depuis 1990, c’est-à-dire l’espace d’une génération. Ensuite, nous sommes vraiment dans une autre époque : les années d’avant internet, d’avant le portable. Et puis ce sont les premières années des « radios libres, dans une société qui se méfie encore du bloc de l’est, dominé par l’URSS.

Le mot nostalgie vient du grec nostos, le retour et de algos, la tristesse, et la souffrance. Cette éthimologie nous pousse à considérer que le retour s’accompagne de tristesse. Et bien ce n’est pas le souvenir des années 80, dont les tubes envahissent les ondes…. Jean jaques Goldman, Daniel Balavoine qui disparait le 14 janvier 1986, Michel Berger, France Gall, mais aussi Dalida, disparue le 7 janvier 1987, ou encore police avec « message on the bottle »

Mis les chansons qui cartonnent dans ces années sont aussi celles du groupe licence IV, avec « viens boire un pt’i coup à la maison » ou « la danse des canards » par Jean-Jacques Daviel..

Alors que Serge Gainsbourg chante la marseillaise, a cappella, devant les bérets rouges, et que jean Paul Goude prépare son défilé déjanté du 14 juillet 1989, ces années, apparaissent aussi comme les dernières années « fric », celles d’une certaine facilité de vivre. 

Qui sont les nostalgiques des années 80 ?

Et bien ce sont les quinquas et les sexas qui ont le regret de leur jeunesse, mais pas seulement. Je me souviens, personnellement de ces années, avec une certaine précision, mais je n’en ressens pas de nostalgie. En revanche, on sent en effet un courant assez fort vers ces années des trentenaires et des quadras, voire des plus jeunes encore, qui n’ont pas vécus ces années, mais les voient comme une période avec un peu de ciel bleu par rapport à la situation d’aujourd’hui, bouchée. Les années 80 apparaissent comme une période où les Forbans « chantent, chantent, chantent » encore.

Quels sont les évènements qui ont marqués, ces années, les Français ?

Des années qui marquent les trentenaires….. Dans un sondage réalisé en 2008, leur demandant les trois évènements marquants de la société, ils citent la chute du mur en 1989 (46%) comme l’apparition de l’épidémie du sida au début des années 80 (45%) comme les évènements marquants de la société contemporaine, dans les années 80 même si c’est derrière les attentats du 11 septembre 2001 (pour 53%)

Alors, nous sommes bien dans un passé proche, avec les années 80… Années Coluche, qui prouve aussi, avec la création des restos du cœur en 1985, que ces années sont aussi celles de l’apparition des premiers « nouveaux pauvres » Il s’agit aussi des années qui ont vu la communauté gay décimée par le sida.

Mais ces années sont aussi les « années Mitterrand », élu le 10 mai 1981, de l’abolition de la peine de mort, avec robert Badinter le 18 septembre 1981, et celles de la réélection de Mitterrand, de « tonton » en 1988. Mais il s’agit aussi, en 1986, des années de mobilisation lycéenne et étudiantes contre la loi Devaquet, celles de la mort de Malik Oussekine, et de la naissance d’une prise de conscience antiraciste, avec « Sos racisme » qui réunit des concerts géants. Des années ou un tube pouvait partir d’un coup, comme ce fut le cas pour « c’est la ouate » chanté par caroline Loeb, en 1987. Et, personnellement, je garde un faible pour ce tube du groupe Luna Parker : « tes états d’âme, Eric »…..

Propos recueillis par Romain Clément.


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