De la porte aux poteaux

par C’est Nabum
mercredi 22 novembre 2023

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Plaquage à retardement.

 

Avant l’exécution de sa peine, un homme important n'oublie jamais de faire appel, sachant que la procédure est suspensive, surtout pour les canailles en col blanc. Le passage au tribunal ne porte pas conseil pour ces gens dont cette péripétie fait partie des risques du métier. L'honneur est une denrée sans conditions de péremption. Seule la date d'incarcération fait foi, perspective qui ne se pose que pour les petites gens, ceux qui commettent des escroqueries de peu d'importance.

Pour les bandits de grand destin, le monde des affaires et des médias ne leur ferme jamais la porte tandis que ceux qui veulent évoquer leurs turpitudes se gardent bien de les nommer. Ils bénéficient même d'un accroissement de leur réputation parce qu'ils ont baigné dans des affaires louches. Le poids de l’opprobre judiciaire ne concerne que les miséreux, restés à la porte de la notoriété, de la richesse, des médias.

Pourtant quand une canaille notoire, affiche ouvertement son mépris de la justice, pousse le bouchon plus loin encore en s'associant avec son complice déclaré, c'est la porte ouverte à l'indignation générale des justiciables ordinaires à l'exception de leurs pairs qui s'amusent ainsi de ce deux poids deux mesures qui les sert si bien. C'est alors que l'on mesure le peu de crédit qu'il faille accorder aux décisions de justice quand elles touchent les premiers de classe.

La cabane est ainsi tombée sur le chien et le cochon retourne se gaver dans le maïs. Ce sera journée portes-ouvertes dans ce club de rugby de l'élite qui fera étalage de sa duplicité. Si rien ne se passe, on continuera d'y bâtir des forteresses imprenables en s'appuyant sur la technique de la tortue. Le retour sur la pelouse du banni mettra en porte à faux les principes éthiques et portera ainsi un coup fatal aux éternelles valeurs du Rugby.

Entre deux portes, celle de la Fédération et celle de la Prison, le pétillant affairiste s'offre le luxe de remonter la mêlée tout en refaisant un essai dans la carrière qui l'avait propulsé au premier rang. Si la ministre avait souhaité le flanquer à la porte, usant de son pouvoir pour parvenir à ses fins, l'autre revient par la porte-fenêtre, exprimant ainsi qu'il est au-dessus des principes de la République.

Pour son retour en grâce, il a frappé à la bonne porte puisque c'est celle de son co-accusé, manière de plaquer à retardement tous ceux qui ont souhaité le mettre sur la touche. Il est vrai que faire appel permet de garder la clef sur la porte sans la fermer à double tour tandis que les délais de la justice pour les puissants autorisent ces facéties honteuses.

Le banni en sursis sera donc directeur du Rugby, pour un coup d'essai c'est un coup de maître. Devra-t-on finir par jouer à Huis-clos pour mettre à la porte ce sinistre exemple pour ceux qui croient encore à la dimension éducative du sport ? Le sport professionnel démontre dans cette affaire que tous les coups sont permis pour sauver une équipe menacée de prendre la porte du Top XIV.

Les futurs arbitres qui auront à diriger cette équipe auront à n'en point douter la tentation de tendre la main pour donner un coup de pouce. Les deux compères ayant démontré leur compétence en matière de coups financiers tordus. Ils ne seront sans doute pas trop regardants pour s'ouvrir les portes du paradis et maintenir le club à flot. Le parquet ou le paquet, la confusion était permise et la suite promet de voir s'alourdir le dossier.

Dans les tribunes, y aura-t-il des honnêtes gens pour mettre leurs mains en porte-voix et se faire les porte-paroles d'une société outrée et outragée de voir ainsi la justice bafouée ? Le proscrit de l'Ovalie n'avait pas besoin de frapper à toutes les portes pour retrouver un emploi, il s'offre le luxe d'un « cadrage débordement » sur l'aile sans avoir besoin de jouer les filles de l'air. Notre homme aura sa licence avant son inscription au registre des écrous pourtant il ne fut jamais demi d'ouverture.

À contre-porte.

Tableaux de Karine BRAILLY


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