Les as du volant en Formule 1

par Axel_Borg
jeudi 15 novembre 2018

Depuis que la Formule 1 est l’élite du sport automobile, nombre de pilotes ont remporté plus de 5 victoires en Grand Prix, tel Max Verstappen, le dernier en date (et le plus jeune de tous les temps) fin octobre 2018 à Mexico ... Dans l’aviation, un pilote qui remportait une 5e victoire en combat accédait au titre d’as …

Quand un pilote débarque en F1, il rêve de deux choses : remporter sa première victoire, si possible à Monaco, et décrocher le titre de champion du monde. Cette jungle darwinienne

qu'est la F1 représente à la fois le meilleur et le pire des mondes. Le meilleur car la F1 représente l'aboutissement d'un parcours de pilote, le point le plus haut que l'on puisse se fixer en matière d'exigence, de performances et de sensations. Le pire car le pilote (sauf exceptions telles que Jacques Villeneuve en 1996 chez Williams Renault, Juan Pablo Montoya en 2001 chez Williams BMW ou Lewis Hamilton en 2007 chez McLaren Mercedes) retourne généralement dans une écurie de milieu de peloton, voire de fond de grille, au bas de l'échelle et ne gagnera pas tous les dimanches, comme il le faisait ou presque dans les formules de promotion. Ce n’est pas un chemin pavé de roses mais un parcours du combattant qui attend le prétendant au titre en F1.

Avant la première étape, il faut accepter ce lent processus de reconquête de la gloire, avec un escalier où l'on peut très vite redescendre quatre à quatre. Avant la seconde étape, cette quête du Graal de la couronne de lauriers, il existe un point de passage intermédiaire, celle du statut d'as du volant ...

Ce statut d’as permet à un pilote d’avoir son rond de serviette à la table des prétendants crédibles et légitimes au titre mondial en Formule 1.

Certains pensent à tort que ce statut va venir naturellement, tel Mika Häkkinen désarmant de naïveté pour sa première course en 1991 à Phoenix avec Lotus. Le Finlandais Volant, as à Monaco en mai 1998 après une premier succès fin octobre 1997 à Jerez, l’avouera par la suite, il pensait passer de la F3 britannique (champion en 1990) à la F1 sans impact sur ses résultats : En 1991, je suis parti pour mon premier Grand Prix en pensant que j’allais me battre pour la victoire. Quand j’ai signé le 13e temps de essais, je suis tombé de haut.

L’as, cette carte capable de dominer les quatre rois, de pique (David, deuxième roi d’Israël et vainqueur de Goliath), de cœur (Charles, alias Charlemagne), de carreau (César, alias Jules César) et de trèfle (Alexandre, alias Alexandre le Grand). Son étymologie renvoie à l’as, monnaie de la Rome Antique utilisée pour parier. L’as, ce numéro 1 mythique porté par les chevaux dans les courses hippiques. L’as du volant, cette carte du jeu de société Mille Bornes. L’as, ou ace en anglais, utilisé pour le tennis pour qualifier un service parfait que le retourneur n’a pu toucher.

L’As des As, film de 1982 de Gérard Oury avec Jean-Paul Belmondo, mais aussi une du journal L’Equipe le lundi 3 juin 1996 au lendemain de la sensationnelle victoire de Michael Schumacher (sa première pour Ferrari) sous la pluie diluvienne de Barcelone … L’as des as fut l’expression utilisée un jour par Paul Rosche, motoriste historique de BMW en F1 (Nelson Piquet champion du monde 1983 avec le moteur BMW turbo) à propos d’Ayrton Senna, dont les initiales, quel que fut le patronyme (da Silva ou Senna), était AS, comme si le Brésilien était prédestiné aux plus hauts sommets.

Durant la Première Guerre Mondiale, le plus grand des as de l’aviation, avec 80 victoires homologuées, fut le pilote allemand Manfred Von Richthofen, alias le Baron Rouge. Son surnom vint du fait qu’il fit peindre en rouge son Fokker en octobre 1917, de retour de convalescence, tel Michael Schumacher passant son casque en rouge au Grand Prix de Monaco pour le différencier de celui de son nouveau coéquipier chez Ferrari, Rubens Barrichello. Ce même surnom de Baron Rouge fut ensuite donné à l’as des as de la Formule 1, Michael Schumacher, avec 91 victoires, record qui explosa les marques successives d’Alberto Ascari (13 victoires, recordman entre Zandvoort 1952 et Buenos Aires 1955), Juan Manuel Fangio (24 victoires, recordman entre Buenos Aires 1955 et Kyalami 1968), Jim Clark (25 victoires, recordman entre Kyalami 1968 et Zandvoort 1973), Jackie Stewart (27 victoires, recordman entre Zandvoort 1973 et Estoril 1987) et enfin Alain Prost (51 victoires, recordman entre Estoril 1987 et Budapest 2001). C’est en septembre 2001 à Spa Francorchamps, son circuit fétiche, que le Kaiser, alias Baron Rouge, est devenu le seul recordman des victoires en F1, l’as des as, avec une 52e victoire dans l’élite des pilotes, battant la barre de 51 succès établie par Alain Prost en juillet 1993 à Hockenheim, seuil que l’archange Ayrton Senna n’avait pu rattraper, le triple champion du monde brésilien étant fauché en pleine gloire le 1er mai 1994 à Imola, victime d’un terrible accident sur sa Williams Renault sur l’autodrome Enzo e Dino Ferrari, le jour même où le Baron Rouge devint un as, pour sa 5e victoire en carrière.

Mais le Baron Rouge ne mérita vraiment son surnom qu’après avoir atteint sa 81e victoire à Hockenheim en 2004. Deux ans et demi plus tôt, Michael Schumacher avait égalé les 34 victoires de l’as italien Francisco Baracca (dont l’emblème, un cheval cabré noir, fut réutilisé par le Commendatore Enzo Ferrari qui lui rajouta le fond jaune en hommage à sa ville natale de Modène) avec la Scuderia Ferrari fin 2001 à Suzuka au Grand Prix du Japon. Le Kaiser fut le seul pilote à atteindre 34 victoires avec l’écurie italienne, loin devant Niki Lauda (15) et Alberto Ascari (13). Alain Prost, lui, n’a pu égaler les 53 victoires de l’as français Georges Guynemer, à deux succès près (51 lauriers pour le Professeur), manqués entre Hockenheim 1987, Suzuka 1990, Budapest 1993 ou encore Monza 1993.

La mort de Senna, le dimanche 1er mai 1994, avait arrêté deux courses vers la gloire, celle du record d’Alain Prost, qui s’était maintenu devant le Brésilien du fait de son arrivée plus précoce en F1 (1980 contre 1984). Mais le natif de Sao Paulo avait fini par rattraper le Professeur, qui menait pourtant 9-0 aux débuts de Magic à Rio de Janeiro en 1984, et même 17-1 à Estoril début 1985 quand le pilote comparé aux Nuvolari, Clark Rindt, Peterson et autres Gilles Villeneuve gagna sa première course au Portugal.

De 28-6 en faveur de Prost début 1988 à l’arrivée de Senna chez McLaren, l’écart passa ensuite à 44-26 après trois années de lutte acharnée entre les deux titans, fin 1990. Les saisons 1991 et 1992 permirent à Senna d’infliger un terrible 10-0 à son rival, rentré bredouille de la première campagne avant de prendre une année sabbatique pour la seconde. A 44-36, Prost revint dans l’arène via Williams Renault, mettant un veto irrévocable à une nouvelle cohabitation avec le Brésilien pour 1993 et 1994. Un an après sa signature avec Didcot, le Français tirait sa révérence, à 51-41 en sa faveur.

Si le record de Juan Manuel Fangio (5 titres mondiaux) restait utopique pour Alain Prost, il avait donc pulvérisé les 27 victoires de l’Ecossais Jackie Stewart, référence que visait le Canadien Gilles Villeneuve plutôt que les cinq couronnes du champion argentin des années 50.

En 1994 et 1995, la logique aurait voulu qu’Ayrton Senna gagne 2 titres mondiaux chez les pilotes et au moins 11 courses sur 33 pour dépasser à la fois Prost et Fangio dans les annales. Le destin en décida autrement. Et bien que nourri au nectar et à l’ambroisie par les fées du destin, Senna fut trahi par ces mêmes fées le 1er mai 1994. Prisonnier du cockpit de sa FW16 et surtout de son casque jaune, le Brésilien succomba à ses blessures cérébrales à l’hôpital de Bologne, dix ans avant un autre sportif mystique et mythique mort à l’âge de 34 ans : le cycliste italien Marco Pantani (1970-2004).

Renvoyée aux oubliettes avec le décès de Senna et la fin d’un âge d’or du sport automobile, pour paraphraser le célèbre journaliste anglais Denis Jenkinson, la chasse aux records fut relancée au début des années 2000 par Michael Schumacher, qui avait su tirer la quintessence de voitures moyennes chez Ferrari, rejoignant chaque année ou presque des légendes du passé avant d’explorer des dimensions inconnues, tel un Eldorado paradisiaque

Au lundi 2 mai 1994, au lendemain du décès d’Ayrton Senna à Imola, le top 10 était le suivant en F1 :


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