Poursuite d’une vocation photographique née de pérégrinations sibériennes

par Bernard Grua
samedi 17 février 2018

Ceci est la suite d'une histoire à la fois ordinaire et inhabituelle. Je raconte, ici, comment l'appareil photo, qui n'était envisagé que comme un accessoire de voyage, est devenu le décideur de voyages ultérieurs. Il s'agit d'une aventure en deux épisodes. La raison en est la découverte de la prodigieuse immensité sibérienne évoquée dans le Premier épisode : "L'appareil photo au service du voyage".
Le deuxième épisode, "Le voyage au service de l'appareil photo", est ce que nous allons raconter ici.

Comment l'appareil photo a-t-il pris le pouvoir ?

Deuxième épisode : le voyage au service de l'appareil photo

 
La plage dynamique du Nikon D80 me paraissait limitée en raison de hautes lumières "cramées" et de basses lumières « bouchées ». De plus, les photos me semblaient molles : manque de saturation, manque de contraste, manque de netteté. Je me suis mis à photographier en "raw" et à utiliser le logiciel de post traitement, Capture NX, adapté au "NEF" ("raw" de Nikon). Pareillement, je me suis penché plus attentivement sur les ouvrages parlant de technique photographique.
 

Dès lors, je pensais mes voyages en fonction de ce que je pouvais y photographier. C'est bien ainsi que j'ai organisé un déplacement en Argentine  au cours de l'été 2009 (hiver austral) : Buenos Aires, Patagonie, chutes d'Iguazu, Quebrada de Humahuca et Colonia del Sacramento (Uruguay). Je ne sélectionnais les sites que pour leur caractère photogénique. De plus, je commençais, à être hanté par la lumière afin de tendre vers un meilleur résultat. La photographie n’était plus un accessoire. Elle était devenue un but - deuxième évolution.

Argentine : El Cerro de los ciete colores, Pumamarca, Quebrada de Humahuca
Peninsule de Valdes, Patagonie | Iguazu
 
Puis je suis devenu un photographe de l'heure bleue, poussé par les circonstances et sans avoir réellement conscience d'entrer dans cette discipline.
 

Pourquoi photographier en fin de journée

 
Mon métier principal est d'organiser et de traiter des inventaires. Pendant une quinzaine d'années, j'ai eu l'occasion de réaliser des prestations dans de nombreuses villes d'Europe, dont certaines d'entre elles sont remarquables. J'ai profité de cette chance. Le soir et aussi le week-end, je me changeais les idées en me promenant et en faisant des photos, comme d'autres se mettent devant la télévision en rentrant chez eux. Le week-end, je disposais de temps mais, en semaine, il en allait autrement.
 
Je commence, quasi systématiquement, mon travail à 7:00. Je fais mon inventaire et ses contrôles. Je prends un train dès que j'ai terminé. J'arrive dans la ville suivante et me rends à mon hôtel. Je dépose mes bagages et je ressors très rapidement avec mon matériel photo. Soit je connais la ville, soit les soirs précédents j'ai fait des repérages sur Flickr, sur Google images et sur Mappy. C’est ainsi que j'ai commencé à photographier durant et après le crépuscule.
 
Combien de fois, marchant dans la nuit, à travers des lieux étrangers, qui me devenaient familiers au fil des années, j'entendais spontanément cette chanson ? Patti Smith me tenait compagnie et m'aidait à mieux regarder ce qui m'entourait, en m'en imprégnant.
 

Quel est le problème de la photo de nuit ?

 

Habituellement, les vraies photos de nuit ne sont pas, à mon sens, extraordinaires. Le ciel et les toits sont noirs, voire oranges, quand les lumières de la ville se reflètent dans les nuages. De larges zones sombres sont totalement « bouchées », d'autres d'une couleur marron, d'autres "cramées".

 

J'ai connu une exception, c'était au cours de ma première soirée à Venise pendant la « aqua alta », une nuit d'hiver, entre 23 heures et 1 heure. Je déambulais dans la cité des Doges. La place St Marc était progressivement sous l'eau. On se déplaçait sur des passerelles de planches et de tréteaux. Le spectacle était envoûtant. A cette époque je n'avais pas de prévention contre la photo de nuit. Je ne l'avais guère pratiquée. Je ne sais pas si, avec l'expérience que j'ai acquise aujourd’hui, je me serais lancé dans cette sortie, dont l'issue aurait dû être sans grandes espérances. D'autant que j'ai dû l'achever pieds nus, pantalon retroussé, fin février, pour pouvoir regagner mon hôtel, dans une rue noyée.

 

Venise, la "aqua alta", nuit du 27 au 28 février 2010

 

J'aurais eu tort de ne rien tenter. En effet, plus tard, en convertissant mes photos en noir et blanc, le résultat n'était pas désespérant. J'en ai recherché la raison. A Venise, les façades sont trop hautes et les maisons trop resserrées pour que l'on voit le ciel. L'eau des canaux et la "aqua alta" renvoyaient la lumière, au lieu d'être une simple sombre chaussée ou place. Au final, c'est ainsi que j'ai fait la première photo que j'ai vendue, via Getty Images, au parfumeur Lubin. Celui-ci en a fait l’emblème de son eau de toilette "Figaro".

J'ajoute avoir constaté, dans d'autres lieux, que la neige sur le sol peut, de la même façon que l'eau, jouer le rôle de réflecteur de lumière et présenter de bonnes opportunités de photos nocturnes.
 
 

Quand il ne reste plus que l'heure bleue

 

Françoise Hardy :

C'est l'heure que je préfère,
On l'appelle l'heure bleue
Où tout devient plus beau, plus doux, plus lumineux
C'est comme un voile de rêve
Qu'elle mettrait devant les yeux
Cette heure bien trop brève
Et qui s'appelle l'heure bleue

C'est une heure incertaine, c'est une heure entre deux
Où le ciel n'est pas gris même quand le ciel pleut
Je n'aime pas bien le jour :
Le jour s'évanouit peu à peu
La nuit attend son tour
Cela s'appelle l'heure bleue..
Argentine : Puerto Madero, Buenos Aires

Venise a été une circonstance spéciale. Par la suite, j'ai eu l'occasion de faire des photos, plus tôt dans la soirée, à l'heure où s'allume l'éclairage public. J'en ai apprécié les résultats. J'ai appris que cette période, de quelques minutes, est connue. On l'appelle l'heure bleue. J'ai mis au point différentes techniques pour tirer partie de ce type de photographie. Je les détaillerai dans un autre article C'est une occupation tout à fait compatible avec mon activité principale. Même par temps maussade, en hiver, on peut souvent capturer l'heure bleue, alors que la journée n'a présenté aucun intérêt. Aujourd'hui, j'ai un portfolio conséquent de nombreuses villes historiques, principalement européennes, dans cette lumière si particulière.
 
Regensburg (Ratisbonne, Allemagne) - Brême (Allemagne), Avignon (France), Palma de Mallorca (Isles Baléares)

Pourtant, il s'agit d'une événement éphémère. On ne peut réussir, généralement, qu'une seule photo durant l'heure bleue. En effet, la même prise de vue sera tentée à différents moments pour obtenir la meilleure exposition et la meilleure couleur. Si l'on a beaucoup de chance et beaucoup de sujets regroupés, on peut aller, au maximum, jusqu'à trois photos. Souvent, à « l'instant décisif », pour citer Henri Cartier-Bresson, il devient clair que l'on est placé au mauvais endroit. Le « chasseur de l'heure bleue » rentre bredouille.
 
Grenoble (France) | Florence (Italie) Suisse : Zurich - Zermatt

"Chasseur de l'heure bleue" vous rapportez, en règle générale, une image par sortie. On est dans un tout autre registre que la photographie de jour laquelle autorise des dizaines de clichés différents. Cela fait la rareté des productions de l'heure bleue et la valeur d'une telle collection.
 
France : Le Créac'h (Ouessant) - Callelongue (Marseille), Espagne : Formentera (Isles Baléares)

 

Egypte : temple de Louxor
 
Auteur : Bernard Grua, Nantes, 15/02/2018
Toutes images © Bernard Grua 

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