Contre le tabac, une bonne pipe ?
par 1-Les Brèves d’AgoraVox
lundi 22 février 2010
Sexe et dépendance ? L’association Droits des Non Fumeurs (DNF) va-t-elle trop loin ? Provocation gratuite ? Pédagogie Subliminale ? Amalgames douteux ? Sa nouvelle campagne d’affichage choc en direction des adolescents et des jeunes adultes fait parler d’elle. Trois photos différentes. Sur chacune d’entre elles on voit un jeune agenouillé devant un homme qui lui ordonne de lui administrer une fellation. Les images sont accompagnées de cette légende : « Fumer, c’est la pire des soumissions ». Pour DNF il s’agit de démontrer que la cigarette engendre une dépendance comportementale, psychologique et physique. Selon l’association 40% des fumeurs de 12 à 25 ans sont dépendants.
Ces images plus que suggestives ont été imaginées par l’agence BDDP & Fils qui a également réalisé un clip destiné à la télévision. En 2008 l’agence avait déjà travaillé avec DNF pour une campagne sur le tabagisme passif.
Ces images plus que suggestives ont été imaginées par l’agence BDDP & Fils qui a également réalisé un clip destiné à la télévision. En 2008 l’agence avait déjà travaillé avec DNF pour une campagne sur le tabagisme passif.
Selon le l’Office Français de Prévention du Tabagisme cité par DNF, le tabagisme des jeunes ne cesse de s’accroître : entre 2004-2007 et 2008-2009, le taux de fumeurs quotidiens a augmenté de 5 à 8% à 14 ans, de 8% à 10% à 15 ans, de 14 à 18% à 16 ans, de 20 à 22% à 17 ans et de 24 à 25% à 18 ans.
Selon l’association, les jeunes sont l’enjeu majeur de la lutte contre le tabagisme : plus on fume tôt plus le risque de dépendance est important. Pour DNF les arguments sanitaires n’ont aucun impact sur les adolescents et les jeunes de adultes de 13 à 25 ans. Il faut donc des images choc pour les inciter à ne pas fumer. D’où cette campagne qui associe le sexe à la dépendance.
Interviewé par 20minutes Marco De la Fuente, de l’agence de communication BDDP & Fils, explique que lorsque les jeunes fument, ils font plaisir à beaucoup de gens, en particulier aux industriels.
Mais tous ne sont pas convaincus par ces arguments. Dans 20minutes, Christiane Ruel, présidente de l’association Enfance et Partage déclare que cette campagne est allée trop loin. Ces photos sont infiniment dérangeantes. Pour elle, il ne fait aucun doute qu’elles représentent une soumission sexuelle d’enfants, et que les victimes d’abus vont se sentir agressées par ces images.
Dans le JDD, Florence Montreynaud, présidente de l’association féministe Chiennes de garde, estime que l’assimilation de la cigarette et de la sexualité démontre la pauvreté de la créativité des publicitaires. Chaque fois qu’ils ont une panne d’idée, ils ressortent sur la table l’idée de la sexualité. C’est du bidon. C’est particulièrement scandaleux d’assimiler l’addiction au tabac à la sexualité, de mettre en parallèle le désir et une drogue nuisible.
Sur le site du magazine Elle, les commentaires outrés vont bon train. Un tel se demande s’il s’agit d’une publicité pour ou contre la cigarette ? A-t-on correctement évalué son impact sur le public concerné ? J’ai de sérieux doutes, et il faut tout de même se souvenir que les "ratés" sont nombreux (pour ne pas dire systématique) dans le domaine de la lutte soi-disant "anti-tabagique", où les évaluations rétrospectives des campagnes de ce type montrent généralement qu’elles produisent l’effet inverse de celui attendu, en taquinant en toute inconscience le goût de la transgression et le cynisme propres aux ados et jeunes adultes.
Sauf si justement, derrière toute cela et comme c’est souvent le cas, c’est l’industrie du tabac qui s’occupe de "la lutte" anti-tabagique...