La Trinité a de l’avenir !

par Luc-Laurent Salvador
vendredi 9 juin 2023

C'est rien de le dire !

Dimanche dernier c’était, pour les catholiques, la fête de la Sainte Trinité. Le prêtre en a parlé avec l’élan de la jeunesse. Le cœur y était, il savait susciter l’intérêt de l’assistance mais la difficulté, bien sûr, était de donner une image éclairante et non pas trompeuse de ce qui reste connu comme un... mystère !

Lancé avec enthousiasme dans cet exercice de pédagogie périlleuse, le prêtre, qui allait vers l’autel, a voulu imager son propos en désignant une belle composition florale à côté de laquelle il passait. Ce bouquet présentait trois types de fleurs et illustrait sans doute l’idée du trois-en-un mais il est difficile de voir en quoi il aurait permis un rapprochement avec la Trinité. Il n’y avait aucune raison sérieuse à cela, pas davantage qu’avec les triplettes, triades ou trilogies innombrables qui peuplent notre quotidien sans que nous y prêtions attention.

Analogies faciles

Par exemple, un trépied, un bijou fait de trois pierres précieuses, trois bouchées au chocolat dans un joli sachet ou l’île de la Réunion — dont le prêtre a mentionné les trois cirques volcaniques — figurent aussi très bien le trois-en-un mais ne reflètent en rien la Trinité. De fait, on constaterait la même unité avec quatre pieds, quatre pierres précieuses, quatre bouchées au chocolat ou quatre cirques sur l’île (s’il devait s’en former un nouveau).

Bref, l’unité est ici sans lien nécessaire avec la nature des éléments qui la composent et elle revêt donc, sous ce rapport, un caractère abstrait. On pourrait dire qu’elle se trouve seulement dans l’œil de l’observateur. Celui-ci la projette sur l’ensemble considéré, qui reste intrinsèquement épars. Autrement dit, les composantes de l’unité perçue sont, à chaque fois, des entités séparées qui ne se trouvent rassemblées que pour la circonstance, par la fonction qu’elles assurent ensemble au regard de l’observateur. Un cirque de la Réunion pourrait disparaître (sous la lave par exemple), un nouveau pourrait apparaître, la Réunion resterait la Réunion.

Bref, le mystère de la Sainte Trinité ne se laisse pas appréhender par des analogies faciles. Il importe assurément d’œuvrer à le rendre plus proche, toutefois comme disait Einstein : « Tout doit être aussi simple que possible, mais pas plus simple ». Même en visant la simplicité, il y a risque de tomber dans l’excès !

Pour la Trinité, classiquement, l’excès de simplicité a consisté... :

  1. soit à séparer les trois personnes et à verser ainsi dans un trithéisme — donc une forme de polythéisme.
  2. soit à les (con)fondre en une seule personne divine ayant trois manières de se présenter, à savoir, un mode paternel, filial et spirituel — auquel cas il n’y aurait plus lieu de parler de Trinité puisque nous serions revenus au monothéisme monolithique des origines avec, simplement des « facettes » au travers desquelles l’Un nous apparaîtrait.

La recherche d’un tertium, — c’est-à-dire, d’une troisième voie qui permette de dépasser cette fâcheuse alternative — a préoccupé les meilleurs esprits depuis l’aube de la Chrétienté et, bien que l’on se soit accordé sur les termes du dogme, le mystère reste entier. C’est pourquoi, décidément, il est prudent et même sage de ne pas s’enthousiasmer trop vite lorsqu’on pense reconnaître un reflet de la Trinité dans la nature.

Par exemple, si la communication évoquée par le prêtre constitue bien une forme de relation, rien ne permet de supposer que les trois personnes de la Trinité sont amenées à communiquer comme le font, par exemple, les cellules de notre corps. Bien des relations se passent de communication, justement quand l’harmonie est totale. Il faut de la distance pour avoir besoin de communiquer. Or, cela ne peut pas être le cas pour les trois personnes de la Trinité puisque, justement, elles sont unes. Elles sont en communion et n’ont donc aucun besoin de communication, encore moins d’information. Autrement dit, le fait que nous puissions distinguer les trois personnes de la Trinité ne signifie pas qu’elles soient distinctes, c’est-à-dire, séparées de quelque manière. Il faut y insister, elles sont unes et c’est donc bien une triunité qu’il faut entendre et comprendre quand on évoque la Trinité.

La psyché (âme) reflet du divin

Ainsi, tout bien considéré, sans exclure qu’il se puisse trouver des reflets éclairants de la Trinité autour de nous, il me semble que le miroir le plus éloquent et donc le plus édifiant est celui offert par l’âme humaine qui, de manière intéressante, s’est trouvée « naturalisée » par une science : la psychologie. Or, l’objet de cette dernière, la psyché, est parfaitement triunitaire puisqu’on sait depuis Platon que des représentations y sont traitées (cognitif) dans un contexte affectif afin d’organiser l’intentionnalité (conatif), c’est-à-dire, tout ce qui relève de l’effort, du désir, de la volonté etc. Le psychique est constitué de ces trois dimensions qu’il est aisé de distinguer mais qu’on ne peut séparer sans faire violence à la réalité du mental et du comportemental.

Voilà, par conséquent, où il serait judicieux, je crois, de faire porter le regard si on souhaite vraiment s’approcher de la Trinité : au cœur de l’Homme et de sa psyché. Nous croyons qu’il est à l’image et à la ressemblance de Dieu, donc, forcément, il est à l’image de la Trinité. Si la science vient à l’appui de ces convictions alors, franchement, il ne faut pas se gêner. Si les matérialistes doivent manger leur chapeau, tant mieux, cela leur fera le plus grand bien. Ce serait même un juste retour des choses.

Quoi qu’il en soit, certains se rappelleront peut-être que dans la conclusion d’un petit article introductif intitulé « La Trinité, c’est plus fort que toi !  » [1] j’ai évoqué la possibilité de dépasser le seul reflet spirituel que l’âme humaine offre de la Trinité pour aller vers le corporel et, donc, le monde physique dans lequel nous vivons sans mesurer à quel point il peut, par les structures triunitaires qui l’habitent, refléter son créateur, la Sainte Trinité.

En employant cette terminologie religieuse, je confesse m’amuser quelque peu à faire dresser les cheveux sur la tête des honnêtes gauchistes progressistes et laïcistes qui auraient eu la curiosité de me lire jusqu’ici. Le fait est qu’elle m’apparaît simplement la plus pertinente alors je l’emploie car il faut bien appeler un chat un chat. Mais qu’on se rassure, nous allons quitter momentanément l’éthéré pour descendre de suite dans le terre à terre, celui de la biologie de l’évolution où un mystère attend que nous lui prêtions attention.

Triunité biologique

Je sais que certains nieront la présence de quoi que ce soit de mystérieux mais, même sous le rapport d’une pensée scientifique élémentaire, ne serait-il pas étonnant que ce qui constitue le sommet de l’esprit, la psyché humaine, se retrouve préfiguré dans l’organisation du vivant tel qu’il est apparu sur Terre voici des centaines de millions d’années ?

C’est pourtant un fait que le vivant dont nous sommes issus s’est organisé sur la base d’un triunité tissulaire offrant une sidérante correspondance avec le mental et ses trois composantes que sont la cognition (relative à la connaissance), l’affect (relatif à l’énergétique) et la conation (relatif à l’orientation et la canalisation de l’action).

A de rares exceptions de très bas niveau dans l’échelle du vivant, le corps animal et humain est, en effet, composé de trois tissus — formant les organes — qui sont :

  1. l’ectoderme, situé à la frontière entre le corps et le monde extérieur,
  2. l’endoderme situé à la frontière entre le corps et le monde avalé à l’intérieur,
  3. le mésoderme, apparu après coup entre les deux premiers et qui déploie plus efficacement des fonctions essentielles comme le mouvement, la circulation énergétique ou la reproduction.

Entre les deux triunités, la correspondance est immédiate :

  1. l’ectoderme est bien relatif à la connaissance et à son traitement car, non seulement il engendre la peau qui vient au contact du monde, il engendre les yeux et... le cerveau ! Donc pas de doute : ectoderme = cognition etc.
  2. l’endoderme est bien relatif aux affects, donc à l’énergétique car c’est lui qui la produit avec le système digestif dont il est à l’origine. Là encore, pas de doute : endoderme = affectif etc.
  3. le mésoderme est bien relatif à la conation puisque c’est lui qui met en mouvement avec les muscles, la circulation sanguine et... le sexuel !

Ce constat est fascinant par l’exquise correspondance qui s’opère ainsi entre des plans tellement éloignés. Toute la question, bien sûr sera de savoir comment l’expliquer. Les matérialistes y verront confirmation de leur thèse selon laquelle l’esprit vient de la matière. Que des germes de l’un soit trouvés dans l’autre ne peut a priori que leur faire plaisir. Mais les tenants du design intelligent y trouveraient aussi confirmation de leurs thèses en arguant avec force et raison que si la Vie est fondamentalement triunitaire c’est justement parce que Dieu a créé à son image non seulement l’Homme mais aussi, nombre d’éléments du monde. Je ne vais pas tenter ici d’arbitrer un débat probablement interminable.

Conclusion

Après ce constat d’une « miraculeuse » isomorphie entre la Vie matérielle et la Vie spirituelle jusqu’au divin, je vais simplement conclure en pointant le fait qu’un athée, même bas du front, ne peut pas ne pas être étonné qu’une pensée religieuse, née il y a plus de deux mille ans, ait eu la lumineuse préscience — quel autre mot ? — d’une organisation triunitaire dont la science découvre seulement maintenant qu’elle est universelle. Car elle est universelle mais nous y reviendrons plus tard.

Pour le moment, tenons-nous en à ce simple fait incontestable et incontesté : cette préscience de la triunité dans l’Homme et le vivant est issue du surnaturel, ce sont les chrétiens qui en sont dépositaires depuis presque deux mille ans et cela la science ne peut pas l’expliquer.

Surnaturel 1, science 0.

 

 

[1] Je sais, c’est de la provocation mais c’est de la bonne, car je m’en sers au sens étymologique ! 😊


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