Tout sur le dragon de chez nous

par C’est Nabum
lundi 15 juillet 2024

 

Le dragon et ses avatars

 

Évoquer le dragon sans heurter les sensibilités religieuses et les diverses croyances c'est faire le tour des différentes cultures qui ont mis en avant cette figure symbolique et fantastique qui peupla bien des légendes, des imaginaires et des fêtes.

Le dragon couvre tous les continents et les époques. Il est en cela emblématique du rapport des humains aux symboles liés à la nature et à leur volonté de se transcender à travers cette chimère fantasmagorique.

 

Il y a un Dragon Amérindien, aussi appelé Oiseau géant Piasa, qui est représenté sur une falaise surplombant le Mississippi.

En Afrique « Mokélé-Mbembé », « celui qui peut arrêter le flot de la rivière »vivait dans les affluents du fleuve Congo.

Le Serpent arc-en-ciel est le serpent du peuple aborigène australien. Il hante les puits et contrôle ainsi l'eau, la source de vie la plus précieuse. Il rivalise avec le soleil pour reconstituer les réserves d'eau.

En Europe, il débute sa carrière dans la mythologie grecque puis suivra la progression celte pour terminer son périple en Grande Bretagne puisqu'il figure sur le drapeau Gallois.

Le serpent asiatique au contraire est un symbole bénéfique depuis le néolithique en Mongolie comme en Chine.

 

Pour comprendre le dragon en Europe et notamment dans notre Val, il convient de s'attacher en premier lieu au dragon celte qui est quant à lui plus bénéfique que maléfique et changera de fonction quand le christianisme supplantera la mythologie celte.

 

Dans la tradition celtique, il existe deux types de dragons :

En bord de Loire et de ses affluents nous retrouverons ces deux catégories. Il est d'ailleurs assez paradoxal qu'à Meung la confusion soit faite puisque les animations du château évoquent le dragon alors que le héros local terrasse une « Coulouvre ». Les besoins de la communication grand-public sans doute ...

Pour les différents peuples Celtes, le dragon est une créature magique, appartenant à un monde parallèle au monde physique où il côtoie les dieux celtiques. Les druides l'associaient aux flux d’énergie du monde tellurique et à ce titre symbole de pouvoir, de sagesse et de fertilité.

 

Le mot gallois pour dragon est draig ou ddraich, qui fut utilisé pour désigner les grands chefs. Dans la littérature galloise, les légendes arthuriennes employaient le titre Pendragon ou Pen Draig. Le mot gallois Pen signifie chef ou tête.

Il est aussi symbole de sagesse, associé à la légende de Merlin. Il symbolise les énergies créatrices présentent dans la Terre et en chaque humain. À ce titre, il est tout naturellement symbole de fertilité et annonce les bonnes récoltes et la fertilité saisonnière. Le dragon engendré par la première cellule vivante sur terre est ainsi associé aux quatre éléments en occident auquel il convient d'ajouter le monde des esprits en Orient. Dans le mysticisme druidique le dragon d’eau est associé à la passion, tandis que le dragon de terre dénote le pouvoir et richesse. Le dragon de l’air apporte perspicacité et clarté à la pensée et à l’imagination. Enfin, le dragon de feu procure vitalité, ardeur et courage.

Taranis Dieu celte représenté avec une roue cosmique lutte contre une immense anguille qui prive les humains des eaux de la rivière. Il est présent à Vienne en Val à côté d'une fontaine sous le patronage de Saint Anne et qui devait initialement être dédiée à Dana, la mère nourricière.

Après l’avènement du christianisme, cette perception positive des dragons s'est modifiée. Le dragon fut alors dépeint peu à peu comme un monstre qui devait être vaincu symboliquement en le terrassant c'est à dire en le renvoyant dans les entrailles de la terre. Dans les légendes du christianisme, il est dépeint comme un monstre symbolique du Mal qui est finalement vaincu par un saint chrétien.

En 511, Mesmin alors moine de l'abbaye de Micy traverse la Loire pour venir terrasser le dragon de la roche Berraire tandis que Clovis organise le premier concile à Orléans en présence de 31 évêques. Le plan dragon est lancé dans la région qui connaitra une véritable hécatombe pour cette espèce chimérique.

En 520, Liphard accompagné de son disciple Urbice, viennent vivre leur amour de Dieu en ermites du côté de Meung-sur-Loire. Un monstre épouvantable, une Coulouvre (tient elle surgit du passé Celte), sème la désolation entre Loire et Mauves, dans un marais infect. Ces deux anciens pensionnaires de l’abbaye de Micy, une institution remarquable, l’époque étant propice à la béatification, tuèrent le monstre en lui faisant avaler non pas une couleuvre mais un bâton. Ils obtinrent eux aussi la récompense suprême.

 

La coulouvre avait connu sa première apparition avérée face à la divinité gauloise Sucellos dont le nom signifie « celui qui frappe fort », le célèbre dieu au maillet. Représenté avec un long maillet à double tête qui possédait la vertu de tuer ou de ressusciter, il porte également une hache, arme avec laquelle il alla tuer la Coulouvre, monstre effrayant qui terrorisait la Loire du Forez. On le trouve représenté dans l'église de Rozier-Côtes-d'Aurec derrière l'autel, sur un chapiteau. Un serpent passe par sa bouche pour célébrer son exploit. C'est une divinité de la nature, protecteur des forêts, représentée vêtue d'une peau de loup (il n’est jamais loin celui-là aussi).

À l’entrée de cette église, deux loups sculptés sur des chapiteaux accueillent les fidèles dans cet édifice consacré à Saint Blaise qui dans la légende dorée était évêque en Arménie. Nous avons là une figure païenne recouverte d'un vernis chrétien, Sucellos laissant la place à ce « Loup » qui en breton se dit « bleiz ». Nous sommes là à la période celte qui précède largement l’arrivée des romains. Sucellos est également représenté avec un tonneau autour du cou, il est le patron des amateurs de Bière dans l’est et l’inventeur légendaire du tonneau.
 

À la fin du Moyen Âge, plus de 100 saints avaient été crédités de leurs rencontres avec des ennemis diaboliques sous la forme de serpents ou de dragons monstrueux. Les Draks prennent le relais et rapetissent en taille ce sont alors des feux follets esprits malfaisants qui tourmentent les gens. Ils ont eux aussi un rapport avec l'eau puisque lorsqu'ils se métamorphosent en chevaux, ils noient ceux qui les chevauchent.

On retrouve une nouvelle fois les quatre éléments : eau, air, terre, feu

 

 

Très longtemps ici j'ai coulé des jours heureux

Vivant en paix au bord de vos rivières

Pour me distraire je faisais un petit feu

Méchoui ou barbecue sans manière

 

En dépit d'une mauvaise réputation

Je parvins à faire mon trou dans quelques grottes

De là, je surveillais toute la région

Une passion tout autant qu'une marotte

 

Lorsque surgissaient de vilains envahisseurs

Défendant ce qui était mon territoire

Je pointais vers eux un museau dévastateur

Les condamnant tous à mon crématoire

 

J'étais alors le maître absolu des lieux

Les gueux se courbaient devant mon oriflamme

Me considérant à l'égal de leurs dieux

Me couvraient d'offrandes pour sauver leurs âmes

 

Des évangélisateurs venus du levant

Moines cénobites ou bien pauvres ermites

Portant la parole par le fer et le sang

M'imposèrent leurs tristes figures chattemites

 

Attaquant celui qui pour eux faisait abcès

De par la seule magie de leur croyance

Me terrassèrent sans autre forme de procès

Malheureux dragon condamné à l'absence

 

Quand bien même je brille encore de mille feux

C'est pour amuser les touristes et les enfants

Une procession, un vitrail deviennent pour eux

La preuve que j'étais l'envoyé de Satan

 

Des rives de notre Loire en maints endroits

Jusqu'à la Dordogne, l'Èbre ou la Vistule

Le Dragon y régna à l'instar des rois

Avant de partir en fumée : ridicule...

 

Les récits font la gloire des héros sauroctones

Et le dragon est celui qu'il faut descendre

N'oublions jamais qu'il restera l'autochtone

Lorsque nous nous inclinons devant ses cendres

 


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