Déstabilisation de la Nouvelle-Calédonie

par Patrice Bravo
vendredi 17 mai 2024

La Nouvelle-Calédonie vient de rechuter dans une sanglante violence rappelant les heure sombres de 1984-88, en prenant comme alors au dépourvu les autorités de tutelle. L’événement ne peut surprendre que les naïfs. On sait depuis Munich en 1938 que lorsque l’on achète la paix on se met en situation de la payer de plus en plus cher.

Reprenons l’historique de la question. Il importe d’abord de rappeler que le 13 septembre 1987, après trois années de troubles graves le gouvernement avait trouvé une solution on ne peut plus démocratique par un référendum d’autodétermination, préparé et conduit de main de maître par le corps judiciaire en garantie d’authenticité. Le résultat le plus significatif de la consultation concerna moins l’écrasante victoire des Loyalistes que la présence parmi eux de 60% de Kanaks ! Dès lors, la messe aurait dû être dite.

C’était sans compter sur l’action subversive d’un mouvement révolutionnaire identifié qui
renversa la table démocratique par le complot terroriste d’Ouvéa d’avril 1988, avec, hélas
d’inqualifiables complicités étatiques.
 
Exploitant l’émotion provoquée dans le pays, on raya d’un trait de plume l’incontournable
référendum de 1987, carrément jeté aux oubliettes, pour le remplacer par un expédient politique
surréaliste qui finira par gruger à la fois les Loyalistes et les Indépendantistes du Territoire. Aux


premiers, on fit miroiter la pérennité d’une tranquillité retrouvée au prix de concessions acceptables.
On assura les seconds de leur victoire finale grâce au dynamisme de leur démographie, au terme
d’un patient processus de trente années, jalonné par trois référendums. Un incroyable gel d’une
importante partie du corps électoral loyaliste ne pouvait que rendre victorieux l’un d’entre eux.
Mais les apprentis sorciers à la manœuvre se sont trompés sur toute la ligne. Comme on le
sait, les trois référendums leurs ont été défavorables et le maléfique gel du corps électoral loyaliste
leur explose aujourd’hui au visage, en même temps qu’à celui du gouvernement. Mais fi des
réalités pour les idéologues !

Le même mouvement subversif toujours identifiable a repris clandestinement du service et vient
de fomenter sur le territoire une violence plus dévastatrice encore qu’en 1988, prenant moralement en otage le gouvernement en cette période sensible d’une élection nationale et de la tenue des Jeux
Olympiques.
 
Il est pour le moins surprenant que les services de renseignements n’aient rien vu venir de cette
opération d’envergure qui met le gouvernement en position critique. Les préposés à la fonction devront lui rendre des comptes et il devrait commencer par là. Le problème à résoudre à présent procède toujours de la situation électorale de base, mais une inquiétante donnée nouvelle vient de surgir. La perte de confiance des Loyalistes envers le pouvoir central pour garantir la démocratie locale et assurer leur sécurité les pousse aujourd’hui à se faire justice eux-mêmes, faisant surgir le spectre d’une guerre civile pouvant déboucher sur une partition du Territoire. D’aucuns y voient d’ailleurs une solution.

En définitive, le gouvernement n’a plus d’autre alternative que le plein exercice de son pouvoir régalien pour contraindre énergiquement tous les protagonistes à retrouver le droit chemin des engagements pris et des accords signés. Sa main ne doit pas trembler, mais le réflexe munichois du
report du débat constitutionnel n’est pas un signe de bon augure. 
 
Michel Franceschi, général (2S), ex Commandant Supérieur des Forces Armées de Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=5962


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