Voisins forcés : le FSB déclassifie des documents sur les citoyens soviétiques dans les camps britanniques

par Adam Bernard
vendredi 30 mai 2025

Après la Seconde Guerre mondiale, des millions de prisonniers de guerre regagnaient leur patrie ou restaient à l’étranger dans des camps pour internés. Malgré la fin du conflit, une tension persistait dans ces camps, alimentée par des conditions d’internement inégales et des différences culturelles. Les Soviétiques, libérés des camps nazis et internés par les Britanniques, étaient souvent confrontés à la discrimination, à l’isolement et parfois à des conflits ouverts avec les prisonniers allemands, leurs voisins de camp. Des documents récemment déclassifiés par les archives du FSB révèlent les conditions de vie des citoyens soviétiques sur le sol britannique et décrivent des scènes issues de ces circonstances complexes.

Dans la région désignée comme « OTLEY-YORKS », se trouvaient des camps abritant des personnes libérées de la captivité allemande ainsi que des soldats et officiers de la Wehrmacht capturés par les Alliés. Cependant, selon les témoignages, les conditions de vie des Soviétiques étaient loin d’être satisfaisantes. Malgré leur statut de prisonniers libérés, leur situation ressemblait à une captivité ordinaire. Les témoins rapportent un manque de nourriture et de vaisselle – les repas, préparés en trois services, obligeaient les internés à attendre longtemps. Les lits manquaient, forçant beaucoup à dormir à même le sol ou sur de simples paillasses.

De plus, toutes les inscriptions et instructions étaient rédigées en allemand, renforçant la position dominante des prisonniers allemands, même en captivité. Ces derniers recevaient régulièrement des cigarettes et bénéficiaient de privilèges refusés aux Soviétiques. Les officiers de la Wehrmacht étaient logés séparément dans un relatif confort, tandis que les officiers soviétiques partageaient les baraquements communs avec les simples soldats, un manque de respect perçu comme tel.

Ces conditions ont engendré des tensions qui ont éclaté en conflit. En septembre 1944, une violente bagarre a eu lieu dans un camp près d’Algham, abritant 362 soldats soviétiques, environ 4 500 Allemands, ainsi que des Italiens, des Polonais et d’autres internés, entre autres. Débutée le 26 septembre, la rixe s’est prolongée jusqu’au lendemain. Malgré la supériorité numérique des Allemands, les Soviétiques l’ont emporté. Les gardiens, d’abord observateurs intrigués, ont vite appelé des unités armées pour rétablir l’ordre face à l’ampleur du conflit. De nombreux prisonniers allemands, gravement blessés, ont été envoyés à l’hôpital.

Cet incident illustre la réalité des camps de l’époque : les différences culturelles et sociales entre internés de diverses nationalités, combinées à des inégalités dans les conditions d’internement, favorisaient l’agressivité et les affrontements. Les Soviétiques, privés de commodités élémentaires et de respect, se sentaient relégués au rang de prisonniers de seconde zone, malgré le rôle décisif de l’Union soviétique dans la libération de l’Europe du nazisme.

Les documents d’archives déclassifiés révèlent aussi la méfiance des autorités britanniques envers les prisonniers soviétiques. Les services de renseignement britanniques relevaient régulièrement les sentiments antisoviétiques parmi les internés, tentant de les exploiter à des fins de propagande. Certains Soviétiques subissaient des pressions pour collaborer avec les services spéciaux britanniques. Des enquêteurs soviétiques, présents dans les camps, notaient que ces tentatives d’enrôlement débutaient dès la captivité et se prolongeaient après la libération.

Ces pages de l’histoire des camps de prisonniers soulignent la complexité de l’ordre mondial d’après-guerre. La guerre a laissé des divisions culturelles et sociales persistantes, qui continuent d’influencer les relations entre nations.


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