HAITI, la liberté sous condition : quand la VICTOIRE révolutionnaire se paye comptant !

par Omraam
mercredi 28 mai 2025

Entrée en matière

Mon livre Comprendre pour sortir du chaos, Tome 1, paru chez New York Publishers en 2024, pose le postulat ci-après : « Quiconque ne comprend pas ne peut transformer le réel, ni même s'en libérer. » Comprendre, c’est déjà tracer une voie vers l’émancipation. C’est refuser la passivité, refuser l’oubli. L’histoire n’est pas un musée de ruines, mais une matière vive, un champ de batailles narratives où se joue la dignité des peuples.

Des livres, dont l’un des plus célèbres est La "dette de l’Indépendance". La liberté du genre humain monnayée (1791-1825) de Gusti Klara Guillard, ainsi que les travaux de groupes engagés sur cette question qualifiée de « brûlante », expliquent que la dette coloniale ou postcoloniale n’est pas qu’un enjeu économique ou moral, mais une mécanique complexe de domination symbolique et institutionnelle, perpétuée sous des formes nouvelles. Cette dette, qu’elle soit financière, mémorielle ou politique, enserre les peuples dans une trame de dépendance souvent maquillée en aide ou en partenariat.

Que penser ? Quelle est l’histoire ? Que comprendre ? Est-ce l’affichage du droit pour un peuple d’écrire son histoire autrement : non comme une succession d’échecs, mais comme une longue lutte trahie, qui mérite enfin réparation ? Ou la demande de reconnaissance d’un fait historique objectivement injuste ? Ou encore, uniquement un acte de dénonciation ?*

L’Histoire est une construction de sens, souvent écrite par les vainqueurs, mais sans cesse disputée par les voix du contre-récit, les mémoires étouffées, les peuples debout. Elle n’est ni figée, ni neutre : elle est politique, vivante, et porteuse d’avenir.

Cette démarche appelle à une lecture engagée, critique, où le lecteur n’est pas un simple spectateur, mais un acteur potentiel de la refondation. Ce texte n’offre pas de solutions toutes faites, mais des clés pour penser autrement : avec rigueur, avec lucidité, et surtout avec l’exigence de justice.

Exorde

Haïti est née d’un tournant décisif de l’histoire voire d’un renversement paradigmatique du monde colonial. En 1804, une armée d’esclaves devenus stratèges et visionnaires triomphe de l’une des plus puissantes armées coloniales du monde. Ce renversement de l’ordre établi ne fut pas seulement une victoire militaire : c’était un séisme symbolique, une rébellion victorieuse contre l’ordre esclavagiste mondial. Mais ce miracle eut un prix. Un prix imposé, injustifiable, et imposé à la pointe du canon.

Vingt-et-un ans après son indépendance, Haïti fut contrainte de verser une « indemnité » ** colossale à la France, son ancien bourreau, pour que celle-ci accepte… de reconnaître une liberté déjà conquise. Cette exigence, formulée en 1825 par le roi Charles X, et appuyée par une flotte de guerre, ne relevait pas du droit, mais de la force. Ce n’était pas une dette : c’était une extorsion***. L’une des plus flagrantes de l’histoire moderne, passée sous silence dans les récits dominants.

Derrière ce geste, une stratégie. Faire plier Haïti. Étouffer son exemple. Étouffer le rêve noir d’émancipation universelle. Un complot tacite, mais actif, unit les grandes puissances de l’époque pour contenir l’écho haïtien, pour marginaliser la première république noire et faire de son indépendance un fardeau économique plutôt qu’un triomphe civilisationnel. L’isolement, les blocages diplomatiques, les logiques d’endettement et de dépendance furent les outils de cette contre-révolution silencieuse.

Ce texte propose une relecture radicale de cet épisode. Il ne s’agit plus de dénoncer une simple « dette de l’indépendance », mais de nommer les choses : Haïti fut victime d’un racket impérial planifié, d’un chantage international, d’une punition économique destinée à faire payer l’audace noire. Cette lecture bouleverse les récits officiels et oblige à reposer la question des réparations et de la justice historique.

En ce sens, le combat n’est pas terminé. Il est mémoire, mais aussi avenir. À l’approche du 250e anniversaire d’Haïti en 2054, ce texte trace une perspective révolutionnaire : réécrire notre histoire avec dignité, construire un projet de société fondé sur la justice, la souveraineté, la mémoire restaurée. Haïti n’est pas un pays en ruine : c’est une république trahie qui, pourtant, peut encore surprendre le monde.

Résumé exécutif

Ce texte revisite l'histoire d'Haïti sous l'angle de l'extorsion impériale, soulignant comment, après avoir conquis son indépendance en 1804, Haïti a été contrainte en 1825 de verser une indemnité exorbitante à la France pour obtenir la reconnaissance de sa souveraineté. Cette exigence, imposée sous la menace militaire, s'inscrit dans un complot des grandes puissances visant à étouffer l'exemple haïtien et à maintenir l'ordre colonial mondial. L'analyse met en lumière les conséquences économiques et sociales de cette extorsion, tout en appelant à une réappropriation de l'histoire et à une justice réparatrice. En perspective des 250 ans de la fondation d'Haïti en 2054, le texte propose des orientations pour un avenir souverain et émancipé.

Mots-clés

Extorsion impériale, Complot des grandes puissances, Indemnité coloniale, Justice réparatrice, Souveraineté économique, Mémoire historique, Révolution haïtienne, Dette odieuse, Indépendance confisquée, Réappropriation identitaire

Introduction

En 1825, vingt-et-un ans après avoir proclamé son indépendance au prix d’une révolution sans précédent, Haïti fut contrainte, sous la menace explicite d’une intervention militaire française, de verser à la France une indemnité de 150 millions de francs-or. Cette exigence, loin d’être une reconnaissance diplomatique de sa souveraineté, fut en réalité une extorsion impériale déguisée, imposée à un peuple noir coupable d’avoir brisé ses chaînes et défié l’ordre esclavagiste mondial. Loin de représenter une dette contractée librement, cette rançon constituait un acte de vengeance économique, un châtiment pour avoir affirmé une liberté que les puissances coloniales jugeaient insupportable.

Au lieu de célébrer l’un des plus grands exploits de l’humanité – la victoire d’esclaves insurgés sur l’une des armées les plus puissantes de l’époque –, la communauté internationale a choisi l’ostracisme, l’humiliation et le silence. La reconnaissance attendue n’a pas pris la forme d’un droit, mais d’un tribut, transformant l’acte de libération en un péché originel. Cette logique a scellé le destin d’Haïti dans une relation perverse à la modernité occidentale : celle d’une nation née libre, mais rapidement tenue en laisse par les instruments financiers du néocolonialisme.

Cette extorsion fut bien plus qu’un fardeau économique : elle posa les fondations d’un système mondial de répression contre les peuples colonisés émancipés. En forçant Haïti à racheter son indépendance, la France établissait un précédent historique, un signal adressé aux autres colonies : la révolte coûtera cher, même lorsqu’elle réussit. Ce « contrat de soumission » inaugura une ère où la violence militaire cédait la place à la domination économique, et où l’arrogance impériale trouvait une nouvelle arme : la dette odieuse.

Pour honorer ce paiement inique, Haïti dut recourir à des emprunts massifs auprès de banques françaises, entrant ainsi dans un cycle de dépendance et d’appauvrissement structurel. Dès les premières décennies de sa souveraineté officielle, le pays fut pris au piège d’une mécanique d’exploitation économique aux effets durables : destruction du tissu productif, surimposition, exode des élites, et paralysie des institutions nationales. Le poids de cette dette entrava le développement du jeune État, le poussant vers une instabilité chronique.

Mais au-delà des chiffres et des traités, ce que représente cette extorsion, c’est un crime contre l’Histoire et la dignité humaine. Elle incarne un vol de mémoire et une blessure civilisationnelle. Deux siècles plus tard, le traumatisme reste vivace, transmis de génération en génération comme un cri silencieux. Revendiquer aujourd’hui la reconnaissance de cette injustice n’est pas un caprice idéologique, mais une nécessité morale, politique et juridique. Car réparer Haïti, c’est aussi réhabiliter l’idée que la liberté ne doit jamais être monnayée.

Indépendance confisquée

La révolution haïtienne – unique en son genre par son caractère radical et son aboutissement – fut bien plus qu’un événement national : elle représentait un séisme politique et moral pour l’ordre colonial mondial. Pour la première fois, des esclaves africains et leurs descendants avaient non seulement brisé leurs chaînes, mais aussi fondé un État souverain sur les principes d’égalité, de dignité et de justice. Cet acte de libération, porteur d’un souffle universel, bouleversait la hiérarchie raciale et économique sur laquelle reposait l’Empire.

Face à cette rupture historique, les puissances coloniales réagirent avec une stratégie de représailles voilées. En 1825, la France imposa à Haïti une indemnité écrasante sous la menace des canons, avec la complicité silencieuse des grandes nations esclavagistes de l’époque. Il ne s’agissait pas seulement de récupérer des « pertes économiques » liées à l’abolition de l’esclavage, mais de rétablir un contrôle indirect, en réduisant à néant les bases économiques de la jeune république. Derrière l’acte officiel de reconnaissance, se dissimulait une volonté assumée de reconquête par les voies de la finance.

Cette imposition servait un objectif idéologique : démontrer que l’émancipation des Noirs, si elle n’était pas empêchée par la force, pouvait être condamnée à l’échec par l’étranglement économique. Haïti devenait alors un laboratoire de la punition postcoloniale, une démonstration à l’usage des autres peuples colonisés. Le message adressé était sans équivoque : une nation noire libre serait vouée à la pauvreté, à l’isolement diplomatique et à l’instabilité. Ce n’est pas seulement un pays que l’on cherchait à faire plier, mais une idée : celle d’une humanité noire souveraine, prospère et capable de se gouverner elle-même.

L’indemnité n’était qu’un outil au service d’un projet plus vaste : maintenir Haïti dans une position de dépendance systémique. En affaiblissant ses bases économiques et institutionnelles dès ses premières décennies, les grandes puissances plaçaient le pays dans une trajectoire de vulnérabilité chronique. Cette stratégie de marginalisation, mise en œuvre au nom du droit international et du « réalisme diplomatique », n’avait d’autre finalité que d’empêcher l’émergence d’un modèle alternatif au sein du monde post-esclavagiste.

L’ironie tragique de l’histoire est que l’indépendance, conquise par les armes et au prix d’un sacrifice incommensurable, fut immédiatement vidée de sa substance. La souveraineté politique fut piégée dans une camisole économique. En exigeant que le sang versé soit racheté en or, les anciennes puissances coloniales confisquèrent l’essence même du projet haïtien. L’indépendance, au lieu d’être une promesse d’avenir, devint un champ de bataille où s’affrontaient espoir et humiliation, volonté de liberté et contraintes imposées.

Enfin, cette confiscation n’a pas seulement eu des effets sur le plan matériel ; elle a engendré une profonde blessure psychique et civilisationnelle****. Le peuple haïtien, sommé de payer pour sa liberté, fut contraint d’intérioriser l’idée que sa dignité avait un prix. Cette blessure n’a jamais été pansée. Elle traverse les générations, les institutions, les imaginaires, et demeure au cœur des défis contemporains d’Haïti. Pour comprendre la complexité de ses crises actuelles, il est impératif de remonter à cette spoliation fondatrice : une indépendance arrachée, mais confisquée dans l’ombre des chancelleries et des banques.

Complot des puissances

L’imposition de l’indemnité de 1825 n’était pas un geste isolé, ni le simple fruit d’une volonté unilatérale de la France. Elle s’inscrivait dans un complot global, discret mais efficace, ourdi par les grandes puissances impérialistes du XIXe siècle. Ce complot, tacite mais structuré, visait à contenir la portée révolutionnaire de l’exemple haïtien. L’idée qu’un peuple noir, anciennement esclave, puisse non seulement se libérer par lui-même mais aussi prétendre à la souveraineté, représentait une menace existentielle pour l’ordre esclavagiste mondial encore dominant.

Dans ce front invisible, la France fut l’instrument le plus visible, mais non le seul acteur. Les États-Unis, l’Angleterre, l’Espagne et les autres puissances européennes observaient avec une inquiétude stratégique l’évolution de la jeune république. Leur silence, leur retard à reconnaître Haïti, leur refus d’établir des relations commerciales équitables ou encore leur complicité avec les banquiers internationaux, participaient à une même stratégie : isoler, affaiblir, dissuader. Ce fut une guerre sans déclaration, une diplomatie de l’étouffement, qui plaçait Haïti dans une position de paria au sein du concert des nations.

Ce complot était multiforme. Diplomatiquement, il s’incarnait dans la non-reconnaissance officielle d’Haïti pendant des décennies. Économiquement, il prenait la forme d’un blocus informel, d’embargos déguisés, de pratiques commerciales inéquitables et d’un accès restreint au crédit international. Militairement, il se traduisait par la menace permanente d’interventions navales, de coups d’État appuyés de l’extérieur, ou par le financement d’oppositions internes instrumentalisées. Les puissances esclavagistes, même lorsqu’elles se proclamaient abolitionnistes, ne pouvaient tolérer que l’exemple haïtien inspire d’autres insurrections. Il fallait faire d’Haïti un cas d’école du chaos post-libératoire.

Cette conjuration contre Haïti s’est prolongée bien au-delà du XIXe siècle. Elle a évolué, changé de visage, mais non de nature. De la pression coloniale à l’ingérence diplomatique, des dettes illégitimes aux occupations militaires (comme celle des États-Unis en 1915), le même mécanisme s’est répété : empêcher Haïti de maîtriser son destin. Cette stratégie globale d’entrave a nourri une instabilité chronique, vidé de leur substance les institutions démocratiques, et perpétué une économie dépendante et désarticulée. Le complot ne se résumait pas à un moment historique ; il est devenu une structure.

Il est donc crucial de désacraliser le récit officiel des relations internationales. Derrière les discours de neutralité, de coopération et d’assistance, se cache une histoire plus sombre : celle d’un consensus occidental pour maintenir Haïti à genoux. Le pays, dès sa naissance, n’a pas affronté un adversaire unique, mais un système. Un système où l’émergence d’une république noire libre, égalitaire et souveraine représentait une anomalie insupportable, qu’il fallait corriger ou faire disparaître. C’est à ce prix que les puissances ont garanti la survie de leur ordre mondial.

Dette odieuse

L’indemnité imposée à Haïti en 1825 n’a pas seulement vidé les caisses d’un État naissant. Elle a structuré, dès l’origine, une économie coloniale inversée, où les anciens esclaves devenus citoyens durent financer leur propre punition. Pour honorer cette exigence démesurée, Haïti n’avait pas d’autre choix que de contracter une série de prêts à des taux exorbitants, principalement auprès de banques françaises, créant ainsi une spirale d’endettement artificiel et une dépendance financière inscrite dans la durée.

Cette dette n’était pas simplement une charge budgétaire : elle constituait un outil de domination systémique. L’État haïtien, au lieu d’être le moteur du développement national, fut converti en agent de collecte au profit d’intérêts étrangers. Son administration fut façonnée pour prélever l’impôt, non pour éduquer, soigner ou bâtir. Le fisc devint une institution de saignée, non de solidarité. Ainsi, l’État post-révolutionnaire fut vidé de sa substance sociale, captif d’un modèle néocolonial où la souveraineté se résumait à l’illusion du drapeau, tandis que les leviers économiques réels échappaient à la nation.

La notion même de dette odieuse prend ici tout son sens : une dette contractée sous la contrainte, au profit exclusif des anciens oppresseurs, sans bénéfice pour la population, et en violation des principes fondamentaux du droit international. Ce fardeau, injustifiable moralement et économiquement, n’a pas seulement appauvri Haïti : il a contribué à perpétuer une architecture mondiale d’inégalité. En ce sens, la dette d’Haïti ne fut jamais une obligation légitime, mais un outil de reconquête déguisé.

Les conséquences sociales furent tout aussi dévastatrices. Le paiement des intérêts et des tranches successives de remboursement accapara des parts massives du budget national, étouffant toute politique publique ambitieuse. L’école, la santé, les infrastructures, l’agriculture – tous ces secteurs vitaux furent sacrifiés sur l’autel de la dette. Une génération entière grandit dans un pays amputé de ses ressources, condamné à la survie sous la tutelle des banques et des créanciers internationaux. La dette devenait un instrument de contrôle de la temporalité haïtienne : chaque échéance bridait l’avenir.

Au plan symbolique, la dette fut un poison lent. Elle imprégna l’imaginaire collectif d’une culpabilité imposée : comme si la liberté acquise n’était qu’un fardeau à payer, non un droit inaliénable. Elle généra une culture de résignation, une administration hantée par la logique du remboursement, et des élites politiques souvent cooptées par les intérêts financiers étrangers. Loin de construire un projet de société, la jeune république se vit imposer une mission impossible : exister en payant sans fin pour sa propre naissance.

Justice réparatrice

Haïti, catalyseur du débat mondial sur les réparations !

À l’occasion de la 4ᵉ session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine (avril 2025), Haïti a de nouveau affirmé son rôle central dans la dynamique internationale pour les réparations post-coloniales. Comme le rappelle Carl-Henry Cadet dans Le Nouvelliste, « deux cents ans après avoir été contrainte de payer une rançon pour sa liberté, Haïti se trouve aujourd’hui au cœur d’un élan international en faveur des réparations ». Cette prise de parole officielle, hautement symbolique, réinscrit l’histoire haïtienne dans une perspective universelle de justice historique et de réparation morale, économique et politique. Haïti, par son passé révolutionnaire unique, incarne la continuité d’un combat pour la reconnaissance des crimes coloniaux et pour la réparation des dettes illégitimes contractées sous la contrainte impériale.

Reconnaître l’indemnité imposée à Haïti en 1825 pour ce qu’elle fut réellement — une extorsion historique organisée — constitue le premier pas vers une justice véritable. Il ne s’agit pas seulement de réparer un tort ancien, mais de corriger un déséquilibre encore à l’œuvre dans les rapports Nord-Sud. Cette reconnaissance est indispensable à la reconstruction de l’estime de soi nationale, à la réappropriation d’une mémoire confisquée et à la réactivation d’un récit haïtien libéré de l’humiliation imposée. Sans cette mise en lumière, Haïti restera enfermée dans un passé qui continue d’alimenter ses crises présentes.

La justice réparatrice ne relève pas d’une faveur à accorder, mais d’une obligation morale, juridique et historique. Elle doit prendre la forme d’actes concrets : restitution des sommes extorquées, annulation de la dette héritée de cette injustice, engagements de coopération fondés sur l’équité, et reconnaissance officielle des responsabilités des États impliqués. Il ne s’agit pas de reconstruire le passé, mais de réparer ses impacts actuels, en restituant à Haïti les moyens de reconstruire un avenir digne. C’est un devoir de vérité et de justice pour toutes les nations impliquées dans ce crime fondateur.

La mémoire n’est pas un luxe ni un simple exercice académique. Elle est une puissance politique, un levier de transformation. Tant que cette injustice restera ignorée ou relativisée, elle continuera de produire ses effets insidieux : déni, confusion, fragmentation du lien social. Exiger réparation, c’est rompre le cycle de la dépossession. C’est affirmer que le droit des peuples à l’autodétermination ne peut être conditionné à des contraintes économiques illégitimes. C’est rétablir la justice non seulement pour Haïti, mais pour tous les peuples dont les histoires ont été confisquées.

La réparation n’a de sens que si elle s’accompagne d’un changement de paradigme. Elle implique une refondation du rapport entre l’Europe et le Sud global, basé non sur la charité, ni sur les mécanismes d’« aide » souvent conditionnés, mais sur la reconnaissance mutuelle, la souveraineté respectée et l’histoire assumée. Il s’agit de sortir de la logique du paternalisme pour entrer dans celle du partenariat. La justice réparatrice est donc une opportunité pour le monde de sortir de l’hypocrisie morale et de poser les fondements d’une diplomatie éthique.

Enfin, rendre justice à Haïti, c’est aussi reconnaître la modernité de son combat. La révolution haïtienne fut l’un des premiers cris universels en faveur de l’égalité humaine. La réparation, dans ce sens, ne concerne pas uniquement Haïti : elle engage l’ensemble de l’humanité. Car refuser de réparer, c’est accepter que le crime paie. C’est dire que la force prime sur le droit, que la couleur de peau peut encore décider de la valeur d’une souveraineté. Or, bâtir un monde plus juste commence par reconnaître ceux que l’Histoire a tenté d’effacer, et leur rendre ce qui leur a été volé.

Conclusion – L’histoire est un champ de bataille

L’histoire n’est pas une suite d’événements figés dans la poussière des archives ; elle est un champ de bataille où se livrent encore les luttes pour la vérité, la justice et la mémoire. Haïti, pionnière de la liberté moderne, a vu son exploit transformé en crime par ceux que sa victoire dérangeait. Au lieu d’être saluée, sa souveraineté fut rançonnée. Ce ne fut pas une dette, mais une extorsion. Une punition économique orchestrée par les puissances impériales, dans un silence complice, pour étouffer le souffle d’une révolution noire devenue État. Une punition qui se prolonge encore aujourd’hui, dans les mécanismes d’inégalités structurelles, les politiques de dépendance et les récits tronqués de l’histoire mondiale.

Mais cette mémoire douloureuse ne doit pas servir seulement à dénoncer. Elle doit réveiller, éclairer et inspirer. Haïti n’est pas la terre des défaites : elle est la matrice des renaissances. Chaque époque porte en elle sa propre révolution. Celle de 1804 fut militaire et radicale. Celle de 2054, pour les 250 ans de l’indépendance, doit être éthique, intellectuelle, culturelle, économique. Une révolution douce mais déterminée, fondée sur la dignité, la souveraineté réelle, la justice réparatrice, la mémoire assumée et la créativité enracinée. Une révolution du futur enracinée dans la réparation du passé.

Ce combat est celui de la vérité contre le silence, de la justice contre l’oubli, de la souveraineté contre la tutelle. Il ne s’agit plus de quémander une place dans l’histoire, mais de la reprendre, de la reconfigurer à la hauteur du courage haïtien. Haïti n’a pas vocation à survivre en périphérie du monde : elle a vocation à proposer un modèle neuf, radical et humain, pour elle-même et pour le Sud global. Cela ne pourra se faire sans rupture avec l’ordre ancien, sans redéfinition des alliances, sans audace collective.

Car il n’y a pas de paix durable sans justice historique. Il n’y aura pas d’Haïti debout sans mémoire assumée et transformation réelle. Le temps est venu d’en finir avec la conditionnalité de notre liberté, d’en finir avec le mensonge qui nous lie encore à la dette. Le sang versé pour la liberté ne peut plus être racheté. Il doit être honoré. Il doit devenir levain. Et c’est à nous, héritiers d’un acte fondateur, d’écrire enfin l’histoire d’Haïti sans rançon — libre, debout, éclairée.

Annexe

2054 ou l’avenir d’Haïti

À l’horizon du 250e anniversaire de son indépendance, Haïti se tient à la croisée des chemins. L’année 2054 ne saurait être un simple jalon commémoratif : elle doit devenir un moment de refondation nationale, un point de bascule où le pays choisit, consciemment, de reprendre possession de son histoire et de son avenir. Cette renaissance ne pourra advenir sans une vision audacieuse fondée sur la souveraineté réelle, la justice historique, l’éducation transformatrice, la maîtrise de ses ressources, et un développement durable enraciné dans les réalités locales.

 

Ce que 1804 a commencé dans le feu et la bravoure, 2054 doit le prolonger dans la conscience et la construction. Haïti ne peut plus se contenter de résister : il lui faut désormais initier, innover, se reconstruire de l’intérieur en valorisant ses savoirs traditionnels, sa culture, sa jeunesse et son territoire. Il ne s’agit pas de reproduire les recettes de l’extérieur, souvent inadaptées ou extractives, mais de révéler le génie propre d’un peuple qui, depuis des siècles, défie l’adversité avec une créativité tenace. L’avenir ne naîtra pas d’un plan imposé, mais d’une vision endogène, assumée et partagée.

2054 doit donc devenir un projet de civilisation haïtienne. Une réinvention des institutions publiques en lien avec les besoins réels des citoyens ; une réforme agraire et environnementale audacieuse ; une souveraineté numérique et culturelle ; une diplomatie active au sein du Sud global. C’est en osant ces ruptures que l’on pourra honorer les sacrifices de 1804. Car faire mémoire, ce n’est pas répéter : c’est transmuter la douleur en projet, la perte en puissance, l’utopie en réalité.

Mais cette transformation ne sera possible que si l’on affronte lucidement les blessures du passé. Le chemin vers 2054 passe par une réconciliation nationale profonde, une justice restaurative et une refondation de la confiance entre l’État et le peuple. Il faudra restaurer l’école, repenser la santé, démocratiser l’économie et protéger les terres et les mers d’Haïti. L’ambition ne doit pas être modeste, car l’histoire d’Haïti ne l’a jamais été. Le pays des vainqueurs de Vertières n’a pas vocation à survivre en silence, mais à renaître en éclat.

Enfin, 2054 doit être une invitation au monde. Une invitation à regarder Haïti non comme un symbole de détresse, mais comme un phare de résilience, de fierté et de vision. Ce pays, qui a été le premier à proclamer que tous les êtres humains naissent libres, peut encore enseigner au monde que la liberté n’a de sens que lorsqu’elle s’accompagne de justice, de mémoire et d’espérance. Que le sang versé en 1804 devienne, en 2054, non plus un cri de douleur, mais un hymne de lumière.

Notes

*Le président du Comité national haïtien des restitutions et réparations (CNHRR), Fritz Deshommes, a évoqué à la séance ordinaire du Conseil permanent de l’Organisation des États Américains (OEA), le mercredi 23 avril 2025, les cinq raisons pour lesquelles Haïti doit réclamer la restitution de la « dette » de l’indépendance. En plus de ces raisons, il a invité l’OEA à mettre en place un groupe de travail pour aider les États haïtiens et français à « trouver un terrain d’entente » et à « dépasser les traumatismes du passé ».

**Historique de la dette de l’indépendance d’Haïti et des demandes de restitution

1. 1825 : Le décret de Charles X et le racket impérial

En avril 1825, le roi Charles X de France envoie une flotte armée au large de Port-au-Prince, imposant à Haïti le paiement de 150 millions de francs-or pour indemniser les anciens colons. Sous la menace d'une nouvelle invasion, Haïti accepte cette exigence, équivalente à plusieurs dizaines de milliards d'euros actuels.

2. 1838 : Réduction et rééchelonnement de la somme

En 1838, un nouvel accord réduit la somme à 90 millions de francs-or. Haïti contracte des prêts auprès de banques françaises à des taux élevés, plongeant le pays dans un siècle de servitude financière.

3. Fin XIXe - XXe siècle : Silence historique et isolement diplomatique

La "dette de l’indépendance" est progressivement effacée des manuels d’histoire. Haïti subit un isolement géopolitique et économique, renforcé par l’occupation américaine de 1915 à 1934.

4. 2003 : La demande de restitution par Jean-Bertrand Aristide

En 2003, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide réclame officiellement à la France la restitution de 21 milliards de dollars. Cette demande est rejetée par la France, et Aristide est renversé en 2004, un événement que certains lient à sa demande de restitution.

5. 2015 : François Hollande et la “dette morale”

En mai 2015, le président français François Hollande évoque une “dette morale” envers Haïti, sans engagement de compensation financière. Cette déclaration suscite déception et colère en Haïti.

6. 2022 : Révélation du "racket impérial" par le New York Times

En 2022, une enquête du New York Times qualifie la dette imposée à Haïti de "racket impérial", estimant son impact économique entre 21 et 115 milliards de dollars.

7. 2024 : Création du Comité National Haïtien de Restitution et de Réparation (CNHRR)

En mai 2024, un groupe de travail d'universitaires de l'Université d'État d'Haïti (UEH) forme le CNHRR, qui acquiert un statut officiel après une réunion de la CARICOM en juillet 2024. En octobre 2024, le comité soumet des recommandations au gouvernement haïtien, dont la déclaration de 2025 comme "Année de la restitution française à Haïti".

8. Mars-Avril 2025 : Intensification des actions pour la restitution

En mars 2025, le CNHRR organise une retraite de travail axée sur l'élaboration d'un plan d'utilisation des fonds à restituer. Le 17 avril 2025, à l'occasion du bicentenaire de l'ordonnance de 1825, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) annonce officiellement la création du CNHRR par arrêté publié dans Le Moniteur. Ce comité de 21 membres, rattaché au rectorat de l'UEH et au ministère des Affaires étrangères, a pour mission de structurer et renforcer la revendication haïtienne de réparations pour les crimes liés à l’esclavage, à la colonisation et à la rançon imposée à Haïti.

Le même jour, le président français Emmanuel Macron reconnaît publiquement l'injustice de l'indemnité imposée en 1825 et annonce la création d'une commission mixte franco-haïtienne pour examiner l'histoire commune des deux pays. Cette commission, co-présidée par le diplomate français Yves Saint-Geours et l'historienne haïtienne Gusti-Klara Gaillard Pourchet, est chargée d'étudier l'impact de l'indemnité financière imposée par la France.

Bien que la déclaration de Macron reconnaisse symboliquement l’injustice de la rançon imposée à Haïti, elle reste largement insuffisante. Aucun engagement concret de réparation ou de restitution n’est annoncé. La création d’une commission d’historiens sans mandat clair apparaît comme une manœuvre dilatoire, visant à gagner du temps sans passer à l’action. Ce geste diplomatique, purement symbolique, ne répond pas aux revendications légitimes du peuple haïtien. Une véritable avancée nécessiterait des mesures concrètes, comme la restitution des fonds extorqués et la réparation effective du préjudice historique.

***Les exigences, consignées dans l’ordonnance de 1825 de Charles X, sont de trois ordres  :

 -d’abord, une condition d’ordre territorial : seul le territoire de l’ancienne « Partie française de Saint-Domingue » est concerné par la reconnaissance. Le terme « Haïti » ne figure d’ailleurs pas dans l’ordonnance ;

 -ensuite, une obligation d’ordre commercial et fiscal : l’ancienne colonie est sommée d’accorder au commerce français une réduction de 50% des droits de douane tant à l’importation qu’à l’exportation ;

 -et enfin, une exigence d’ordre financier : l’ancienne colonie doit dédommager les anciens colons-propriétaires, à hauteur de 10% de la valeur que leurs biens immobiliers avaient en 1789. Le montant total du dédommagement, et à la seule charge d’Haïti, est fixé unilatéralement à 150 millions de francs-or, soit 30 millions de dollars ; il est à payer en seulement cinq années.

****Dans une tribune parue dans Le Monde le 10 mai 2025, l’économiste français Thomas Piketty prend une position claire et argumentée sur la dette imposée à Haïti par la France en 1825 :

« Il est temps que la France reconnaisse cette injustice historique et s’engage dans un processus de restitution, à hauteur d’au moins 30 milliards d’euros, pour réparer un préjudice documenté qui continue de peser sur le destin d’un peuple. »

— Thomas Piketty, Le Monde, 10 mai 2025

Il poursuit, en dénonçant avec force le caractère impérialiste de cette dette :

« La dette imposée à Haïti en 1825 constitue un acte d’extorsion impérialiste sans équivalent. La France doit ouvrir des discussions sur ses modalités de réparation. »

Bibliographie commentée

Regard géopolitique et littéraire sur les paradoxes haïtiens dans une langue brillante et tranchante.

Ce texte ouvre des pistes de recherche car le suivi des soixante ans de versement de l’indemnité de 1825 est une histoire particulière et passionnante qu’il reste encore à compléter.

Ouvrage fondamental sur la nature du pouvoir, de l’impérialisme et du colonialisme. Indispensable pour comprendre la violence systémique dans les régimes politiques modernes.

Biographie littéraire de Louverture mêlant rigueur historique et souffle narratif. Ouvrage marquant sur la figure centrale de l’indépendance haïtienne.

Lecture nationaliste de la révolution haïtienne, en contrepoint des lectures européocentrées.

Casimir y défend l’idée d’un projet haïtien propre, issu de la société paysanne et opposé à l’État importé.

Critique géopolitique des ambitions impérialistes américaines. Une grille de lecture essentielle des interventions modernes dans les pays du Sud.

Analyse des représentations croisées entre les deux pays. L’ouvrage explore la construction mutuelle d’identités à travers la littérature et la politique.

Étude ethnologique des pratiques religieuses en Haïti. Démythifie le vaudou et le réinscrit dans la culture nationale.

L’originalité de cet ouvrage ne réside pas seulement dans le thème, trop peu étudié, de l’histoire franco-haïtienne, mais bien plus dans sa conception interdisciplinaire, qui permet d’aborder différents aspects d’un passé polémique. Haïti-France.

Une narration accessible et rigoureuse de la révolution haïtienne. Dubois restitue l'intensité des luttes et leur portée historique mondiale.

Analyse marxiste des rapports de dépendance d’Haïti à l’économie mondiale néolibérale.

Texte fondateur de la pensée anticoloniale, Fanon y développe une critique radicale de la colonisation et de ses effets psychologiques et politiques sur les peuples dominés.

L'auteur, médecin et anthropologue, décrit les inégalités structurelles mondiales à travers l'exemple d’Haïti. Une œuvre à la croisée de la médecine et de la politique.

Analyse du rôle des élites haïtiennes dans la perpétuation de la crise démocratique. Un ouvrage critique sur les blocages politiques structurels.

Roman-récit envoûtant entre mythe, politique et mémoire ancestrale.

Un texte fondateur de l’égalité raciale, qui s’oppose aux doctrines racistes du XIXe siècle.

Examen critique de la relation entre Haïti et les États-Unis du XIXe siècle à aujourd’hui. Montre les stratégies de domination diplomatique.

Un travail précurseur qui analyse l’exploitation des ressources haïtiennes à travers le prisme de la dette. L’ouvrage met en évidence les mécanismes de spoliation économique et leur inscription dans une stratégie de dépendance structurelle.

Exploration historique et philosophique de l’extorsion subie par Haïti en 1825.

Une analyse pionnière de la dette haïtienne comme outil de spoliation économique.

Cette étude approfondie met en lumière la dimension idéologique de l’extorsion, en montrant comment la liberté même des peuples noirs fut traduite en valeur monétaire. Une contribution fondamentale pour la compréhension éthique de la dette haïtienne.

Enquête critique sur l’éviction de Jean-Bertrand Aristide et le rôle des puissances internationales dans la gestion du chaos haïtien.

Chef-d’œuvre de l’historiographie de la révolution haïtienne. James y dresse le portrait de Toussaint Louverture et analyse le soulèvement d’esclaves dans une perspective marxiste.

Réponse virulente aux menaces d’intervention étrangère. Vision intransigeante de la souveraineté nationale.

Analyse historique rigoureuse des ressorts internes et externes de la crise haïtienne, avec pistes concrètes de changement. Une œuvre stratégique pour comprendre les dynamiques contemporaines du pays.

Réflexion à la fois sociologique et symbolique sur les failles profondes révélées par le séisme de 2010. L’auteur y déploie une lecture critique de la société haïtienne à travers l’événement catastrophique.

Récit d’un journaliste témoin du séisme de 2010 et des échecs massifs de l’aide internationale. Analyse politique du désastre humanitaire.

Réflexion stratégique sur les institutions, l’État et les modèles de développement.

Réflexion magistrale sur les catégories de race, d'économie globale et de modernité postcoloniale. Une œuvre de référence pour les études décoloniales.

Étude des transformations sociales, économiques et culturelles dans les sociétés caribéennes. Haïti y occupe une place centrale dans la réflexion.

Étude politique sur l’histoire constitutionnelle et les impasses institutionnelles haïtiennes.

L’auteur évoque directement la question de la restitution de la dette haïtienne comme une nécessité morale dans le combat pour l’égalité globale.

Ouvrage fondamental pour comprendre l’interventionnisme étranger dans la première moitié du XXe siècle. Documente les rivalités impériales en Haïti.

Analyse du passage au capitalisme de marché. Essentiel pour comprendre les mécanismes historiques de dépossession et de marchandisation des sociétés.

Manifeste de la valorisation de la culture populaire haïtienne et de la négritude avant l’heure.

Étude détaillée de l’occupation américaine (1915-1934) et de sa justification culturelle. Un ouvrage capital pour comprendre le rôle des représentations dans la domination.

Étude critique du rôle des ONG en Haïti après le séisme. Montre comment l’aide peut renforcer la dépendance et miner la souveraineté locale.

Réflexion philosophique et historique sur les promesses non tenues des Lumières et de la modernité coloniale.

Ouvrage historique sur les mouvements radicaux haïtiens post-occupation. Une lecture essentielle pour comprendre les luttes sociales du XXe siècle.

Analyse incontournable de la fabrication de l’histoire et de l’invisibilisation des luttes noires dans les récits dominants.

Récit à la fois personnel et journalistique sur Haïti après le séisme. Un regard occidental lucide et informé, empreint d’affection et de critique.

Analyse comparative des relations haïtiano-dominicaines. Le livre révèle les dynamiques historiques de conflit et d’interdépendance sur l’île.

23/4/2025

Muscadin Jean-Yves Jason

Archiviste. Chercheur en histoire et AnthropoSociologie.


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