Un fantastique nanovoyage dans le corps

par Joël de Rosnay
mercredi 20 avril 2005

Tout le monde se souvient de l’extraordinaire film de science fiction de 1966, « Le voyage fantastique », au cours duquel une équipe de scientifiques, réduite à l’échelle moléculaire, utilisait un micro sous-marin, injecté à l’intérieur du corps d’un savant, pour détruire au laser une tumeur du cerveau.

Ce film prédisait l’avènement de microtechnologies de traitement médical aujourd’hui largement utilisées, par exemple pour détecter et corriger des arythmies cardiaques, déclencher des pompes miniatures implantées chez des diabétiques afin d’administrer régulièrement une dose d’insuline, ou des « pilules intelligentes » capables de libérer au moment et à l’endroit requis, une dose de médicament. Mais le plus surprenant est sans nul doute l’irruption des nanotechnologies dans cet univers, ouvrant la voie à ce que l’on appelle déjà la nanomédecine.

Un nanomètre est un milliardième de mètre. Si une personne de 1m80 est grandie un million de fois, elle mesurerait 1800 km. Sa tête se trouverait à Paris et ses pieds à Athènes. A cette échelle, le nanomonde tiendrait dans une tête d’épingle ! De nombreux laboratoires travaillent sur des nanorobots moléculaires capables d’effectuer des tâches complexes, par exemple à l’intérieur du corps. Mais cet objectif ne sera pas atteint avant des dizaines d’années.

Une capsule ingérable

Une importante étape sur cette route vient cependant d’être franchie avec la commercialisation d’un microrobot médical capable de voyager à l’intérieur du corps et de filmer en vidéo l’ensemble de son parcours. Il s’agit de la capsule ingérable M2A, également appelée « gutcam », inventée par un ingénieur israélien spécialiste des missiles et commercialisée par la société israélienne Given Imaging.

Cette capsule, de la taille d’une gélule de multivitamines, est simplement ingérée avec un verre d’eau. Sa technologie repose sur les progrès réalisés dans les caméras numériques et la téléphonie cellulaire. Elle est équipée d’une caméra vidéo couleur, d’un système d’éclairage, de circuits électroniques de communication et de batteries.

En se déplaçant durant 8 heures à travers la totalité du tube digestif, elle prend deux images seconde, soit environ 57.000 images, transmises à un capteur ressemblant à un walkman, fixé à la ceinture du patient. Elle est ensuite excrétée par les voies naturelles et éliminée dans les toilettes.

Détecter

Cette technique, approuvée par la Food and Drug Administration (FDA), est désormais utilisée dans plusieurs cliniques et hôpitaux dans le monde pour remplacer la coloscopie et détecter polypes, saignements ou tumeurs.

Elle permet également de visualiser l’intérieur de l’intestin grêle, ce qui n’est pas possible avec la coloscopie classique. Un colloque international sera consacré aux capsules d’endoscopie, du 23 au 25 mars à Berlin.

Spatial et militaire

L’inconvénient de cette technique est évidemment son coût. Même si la capsule jetable est d’un prix raisonnable (480 euros), la logistique informatique et de lecture revient à 28.000 euros et chaque patient paye actuellement 1050 euros par traitement.

Ce voyage à l’intérieur du corps est le produit de techniques de miniaturisation de la NASA et du savoir-faire militaire israélien sur les systèmes vidéo utilisés pour les bombes intelligentes ("smart bombs"). Ce qui démontre que les retombées de la recherche spatiale et militaire peuvent aussi déboucher sur des applications civiles susceptibles de sauver des milliers de vies humaines.


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