La France va-t-elle s’ancrer dans un « nationalisme populiste » durable ?

par Daniel MARTIN
jeudi 25 avril 2024

Si on se réfère à une certaine constante des sondages pour les élections Européennes, en ajoutant les voix des deux listes « drivées » par la famille Le Pen (Jordan Bardella et Marion Maréchal-Le Pen) plus une ou deux autres qui sont marginales, on frôlerait les 40 %, dont 32 % pour le seul candidat RN. Certes, ce n’est pas une élection pour élire la représentation nationale, mais

Un constat, depuis 2023 le RN fait la course en tête

Depuis Mai 2023, 47 études d’opinion par des sondages ont été réalisés. Des sondages, dont la publication s’est intensifiée depuis janvier 2024, permettent d’observer l’évolution des intentions de vote pour les différentes listes candidates aux élections européennes.

Première observation, la liste du RN qui est conduite par Jordan Bardella, a toujours fait la course en tête. Donné aux alentours de 25 % d’intentions de vote en mai 2023, le RN a depuis largement consolidé sa place de leader dans les sondages. Selon un sondage du 22 Avril 2024, Enquête Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio, dont il est précisé que ces résultats doivent être interprétés comme une indication de l'état des rapports de forces actuels et non comme un élément prédictif des résultats le jour du vote. Ce sondage indique toutefois que la liste RN est désormais créditée de 31,5% . Loin derrière, la liste Renaissance et ses alliés, Modem, Horizons » ralliée par l’UDI, conduite par Valérie Hayer, est créditée de 17% des voix, . L'écart se resserre avec la liste portée par la liste du Parti socialiste et Place publique de Raphaël Glucksmann est créditée à 12% des intentions de vote.

Derrière ce trio, les listes Les Républicains (LR) arrivent en 4e position, avec 8% des intentions de vote, tandis que celle de La France insoumise (LFI) recueille désormais 7% des intentions de vote. La liste passe ainsi derrière celle d’EELV  à 7,5% devant Reconquête à 5,5%. en fin de peloton La liste du PCF totalise 2% des intentions de vote de même que celle de l’écologie au centre et du parti animaliste. D’autres listes sont à 1% ou moins. ( https://www.tf1info.fr/elections/exclusif-elections-europeennes-decouvrez-les-resultats-de-notre-sondage-quotidien-du-22-avril-2296412.html )

Entre incertitude et préférence Européenne d’une majorité de Français

Une incertitude demeure toutefois par rapport à ce scrutin, c’est la participation. Selon ce dernier sondage du 22 Avril 2024, on note que 45 % des personnes interrogées ont l'intention d'aller voter. C'est un point de moins qu'il y a un mois. Lors des élections européennes de 2019, la participation s'établissait à 50,1%. Selon ce sondage, les deux tiers des personnes interrogées (63%) assurent que leur choix est toutefois définitif.

Certes, il s’agit d’une élection Européenne avec un scrutin proportionnel de liste à un tour, alors que les élections présidentielles et législatives Françaises sont un scrutin uninominal à deux tours et pour les élections présidentielles, si moins de 50 % et une voix au premier tour, il y a un second tour et il ne peut y avoir que deux candidat(e)s. Sauf désistement de l’un(e) ou de l’autre au profit du 3eme, ce sont les deux premiers arrivant en tête à l’issue du premier tour qui peuvent se maintenir pour le second tour.

Nous sommes à trois ans de l’élection présidentielle et sauf dissolution, également des élections législatives, l’on peut encore envisager des évolutions favorables ou encore plus défavorables pour les candidat(e)s des partis de gouvernement et leurs alliés (PS, Renaissance, LR), tant à l’élection présidentielle que législative. Toutefois, à condition de se démarquer démarquer totalement de la France insoumise de Jean-luc Mélenchon, le PS pourrait sauver son honneur ( à l’instar de ce qui semblerait être le cas avec Raphaël Glucksmann pour l’élection Européenne, alors que pour l’instant cette perspective apparaît incertaine. A quelques nuance près, la tendance est la même tant pour Renaissance que LR. Ce qui signifie que de façon durable, la France rejoindrait le camp dominé par les thèses nationaliste et populistes portée par le RN, autorisant ainsi Marine Le Pen à aspirer à la fonction suprême...

Il convient toutefois d’observer que malgré le peu d’enthousiasme que semble porter les français à ces partis, selon ce sondage, les listes PS, Europe Ecologie Les Verts, celle des partis présidentiels « Renaissance, Modem, Horizons » ralliée par l’UDI et celle de LR, bien que chacune des listes soit donnée loin de celle du RN, globalement et malgré des nuances plus ou moins prononcées entre elles, ont peut qualifier ces liste de pro-Européennes. Ce qui signifierait, si on se réfère aux sondages, que par le total électoral prévu pour ces listes, une majorité de Français(es) considère que notre pays a besoin de l’Europe et ne peut la contourner ou s’en extraire.

Ce que démontre aussi ces derniers sondages par rapport au peu d’enthousiasme que semble accorder l’électorat aux « partis de gouvernement »

Parmi les partis politiques dits « de gouvernement », on ne peut pas dire que ces trois partis avec leurs alliés respectifs que sont le PS, LR et Horizon soient au « beau fixe ». la cause réside dans les erreurs qu’ils ont commis ou ne cessent de commettre, tant en terme stratégique que programmatique.

On peut regretter que lors des précédentes élections, et l’élection Européenne du 9 Juin ne devrait pas y déroger, alors que tous parlent de transition écologique, voire d’écologie, aucun n’a évoqué et n’évoque la problématique fondamentale que pose la croissance démographique avec son rapport à l’occupation de l’espace territorial, tant pour se loger et se déplacer que ses effets sur le plan économique liés au numérique et à son évolution constante et nouvelle, que l’on définit aujourd’hui par « intelligence artificielle ».

Alors que les effets de « l’ intelligence artificielle » vont avoir un impact, que l’on subira tel tel un coup de fouet au visage, faute de n’avoir pas su s’attarder préalablement à des réflexions sur le sujet et pris les mesures qu’il conviendrait de prendre, notamment en regard de la nature des activités qui vont être profondément modifiées. Par exemple, avec la fin du « présentéisme » absolu dans l’entreprise qui sera progressivement et très majoritairement remplacé par le travail à distance (télétravail). Si le télétravail présente l’avantage de réduire les mobilités et pour lequel des dispositions devront être prises par les collectivités locales afin de le faciliter, cet avantage important ne doit pas pour autant masquer certains aspects négatifs.

On peut penser que de nouvelles activités apparaîtront certainement et que l’on ne peut imaginer aujourd’hui, comme nous ne pouvions imaginer le rôle des plateformes numériques à la fin des années 1980. toutefois, il ne faut pas sous-estimer les impacts négatifs de « l’intelligence artificielle sur l’emploi, dont certaines populations peu instruites, en l’absence de formation adaptée en seront exclues, ou les difficultés pour l’approvisionnement des métaux rares issus des terres rares, dont plus de 90 % sont détenus par la Chine alors que ses réserves sont d’environ 30 %.

Les raisons principales du déclin des partis « de gouvernement » Sur le plan stratégique

Concernant le PS Il est incontestable que le déclin, voire l’effondrement de ce parti a commencé sous le quinquennat François Hollande avec « les frondeurs » de l’aile gauche et s’est poursuivi ensuite avec l’arrivée d’Emmanuel Macron et le débauchage d’un partie de ses anciens parlementaires. Avec sa dilution au sein de la NUPES la direction actuelle du PS, en décidant de s’inféoder à la France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, n’a pas amélioré la situation de ce parti, loin s’en faut...l’éclaircie pour l’élection Européenne que l’on peut constater au travers du dernier sondage, est surtout due à la personnalité de Raphaël Glucksmann et sa constante sur les dossiers par sa présence assidue au parlement Européen.

Concernant LR qui est aussi en piteux état politique, alors que durant plusieurs décennies, ce parti n’avait connu que des succès électoraux, ce qui lui avait permis d’avoir une majorité constante assez confortable à l’assemblée nationale pour pouvoir gouverner le pays, sans courir le risque d’une dissolution. Aujourd’hui, il en est réduit à quémander des alliances en extrême situation de faiblesse politique, et cela risque de durer… Pour tout projet de société, « Singer » quotidiennement le RN sur la question de l’immigration n’est guère innovant et peu enthousiasment dans une perspective électorale, ce qu’à l’évidence Monsieur Eric Ciotti ne semble pas avoir saisi. Lorsque Nicolas Sarkozy prodigue ses conseils par une déclaration telle que... « Il convient en effet de trouver un leader qui soit capable de rassembler les partisans de Zemmour, Macron et Ciotti. Sans rassemblement, la droite n’a aucune chance de gagner »... Ce que Nicolas semble oublier c’est, d’une part, que malgré le positionnement très à droite d’Eric Ciotti, au-delà de leurs discours de rassemblement des droites, Marion Maréchal-Le Pen et Eric Zemmour sont sur des positions les plus extrémistes à droite et s’il pouvaient s’allier avec un autre parti, ce serait probablement plutôt avec le RN que LR.

Concernant également Renaissance et ses alliés présidentiels (Modem, Horizon…) Dans une perspective électorale, à l’instar du PS et de LR, Renaissance qui est un pur produit d’Emmanuel Macron n’est pas dans une situation particulièrement réjouissante. Emmanuel Macron dans l’exercice, souvent autoritaire du pouvoir présidentiel et son attitude publique qui fut parfois méprisante à l’égard « des gens qui ne sont rien » en est incontestablement la cause principale. Si la suppression de la taxe d’habitation pour la résidence principale et ensuite celle de la redevance télé furent bien accueillies, mais rapidement oublié en regard de certaines réformes successives contre la majorité de la population, telle celle des retraites avec son report à 64 ans de l’âge de départ. On peut dire que cette réforme « mal ficelée », tant par sa méthode de définition que l’incohérence dans la façon de la conduire, a laissé des traces.. Ce ne sont pas les actuelles restrictions supplémentaires envisagées pour les chômeurs, les retraités, la santé, s’ajoutant à l’inflation synonyme d’explosion des prix alimentaires et d’autres produits divers qui vont améliorer la situation électorale de Renaissance et ses alliés ...

La dette astronomique et les choix ou non choix politiques d’Emmanuel Macron sont à l’évidence les meilleurs VRP du RN et ses thèses « nationalistes et populistes »

Il faut remonter au COVID avec la période du confinement et le « quoi qu’il en coûte », dont en Avril 2021, le ministre des Comptes publics d'alors, le ministre Olivier Dussopt, estimait que l'épidémie allait coûter 424 milliards en tout, pour les années 2020-2022.

Bruno Le Maire déclarait un peu plus tard que le soutien financier de l'Etat à l'économie française pendant la crise sanitaire du COVID-19 a atteint un montant de 80 milliards d'euros en termes de subventions aux entreprises et 160 milliards d'euros pour les prêts garantis par l'Etat (PGE) soit un total de 240 milliards d’euros.

Le problème c’est qu’aujourd’hui la dette de la France frôle les 3200 milliards, dont 42 milliards de charge (les intérêts) en 2024 et qu’il faut rembourser, notamment par des emprunt d’État, dont les coûts des intérêts sont de plus en plus élevés. Entre une population qui ne cesse d’augmenter avec des besoins correspondants, son vieillissement et un nouveau pallier du numérique de mégas données dit » intelligence artificielle » avec son impact sur l’emploi, que dire aussi avec la perspective du numérique quantiques utilisant, selon sa définition, des phénomènes issus de la mécanique quantique, une branche scientifique elle-même dérivée de la physique quantique. Ce domaine s’intéresse, essaye de comprendre et d’analyser ce qui touche à l’infiniment petit, c’est-à-dire aux particules élémentaires qui composent les atomes, et les atomes eux-mêmes. mais tout cela aura un coût social et économique Alors qu’il faut à la fois trouver des financement et réaliser des économies, on ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron fasse les meilleurs choix.

En supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui a été transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par la loi de finance du 30 décembre 2017, quelles que soient les raisons évoquées pour y justifier, on ne peut pas dire qu’en regard de la situation budgétaire, ce soit le meilleur choix possible. La base de calcul, du nouvel impôt sur la fortune immobilière (qui ne « touche » pas forcément les plus fortunés) a été réduite. Seuls les actifs immobiliers sont pris en compte, la valeur de la résidence principale faisant toujours l’objet d’un abattement de 30 %. Comme pour l’ISF, le seuil de déclenchement de l’imposition s’élève à 1,3 Million d’euros. Mais bien que le seuil de déclenchement de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) soit de 1,3 million d'euros, le barème commençant à partir de 800.000 euros (au taux de 0,5 %). Du coup, le contribuable à l'IFI acquitte d'entrée un impôt de 2.500 euros.

Comme le demandent certains gros fortunés et selon les recommandations de l’UE, il serait souhaitable de substituer une taxation temporaire sur la richesse à celle de l’IFI et en imposer une sur les superprofits, ce que refuse Emmanuel Macron

Il ne s’agit pas de rétablir l’impôt sur la fortune, mais il serait souhaitable de mettre, au moins de façon temporaire, à contribution par un effort de solidarité des très riches, comme certains d’entre eux le demandaient lors du forum économique mondial de Davos en 2023 ( https://www.radiofrance.fr/franceinter/a-davos-meme-des-riches-qui-le-sont-de-plus-en-plus-demandent-a-etre-plus-taxes-7512858 ). Cela pourrait être, par exemple, par une contribution solidarité richesse (CSR) au-delà de 5 millions d’euros, ce qui permettrait de supprimer l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui aujourd’hui ne concerne pas forcément les plus riches.

Par ailleurs, au vu de l’inflation et ses effets pour la population, notamment les plus modestes, pour les multinationales diverses qui profitent, de façon immorale, de la guerre en Ukraine, mais pas seulement, il conviendrait d’imposer une taxation temporaire sur les superprofits en suivant les critères définit par la commission Européenne. Les recettes des deux dispositifs peuvent être estimées à plus de 10/12 milliards d’euros par an. On peut comprendre que ces non choix soient très mal ressentis par la population au moment où Emmanuel Macron et son gouvernement veulent imposer des nouvelles restrictions aux chômeurs, aux retraités et à la santé, sans compter celles qui sont intervenues au niveau de la recherche ou de l’éducation nationale.

Dès lors, il est aisée pour Marine Le Pen et son homme à tout faire Jordan Bardella, par des discours teintés de « nationalisme populiste » de profiter de l’aubaine qui se présente. Mais peut-on lui en faire grief ? Quiconque à sa place ne ferait-il pas la même chose... Ce n’est pas en brandissant l’épouvantail du péril fasciste à son égard que l’on fera stopper son ascension vers le « pouvoir suprême »… Mais en revenant à la réalité sociétale et en prenant les mesures adaptées conformes aux problématiques posées, notamment écologiques, par le rapports démographie – occupation de l’espace territorial avec l’impact économique et climatique qui en découle, dont les nouveaux paliers des mégas données du numérique dit « intelligence artificielle » définiront l’avenir de nos politiques industrielles, militaires et commerciales, notamment en matière énergétique, car nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles et décarboner notre économie qui sont un enjeu majeur. Il convient surtout de démontrer que ce n’est pas avec moins d’Europe et par des replis nationalistes de chaque pays se traduisant par des coopérations d’opportunité par Etat, sans aucune stratégie commune que l’on améliorera la vie des citoyen(e)s Européens et Français.

Pour conclure

Soit on s’abstient et il ne faudra ni gémir, ni se plaindre, ou infirme les sondages et on vote pour une Europe forte, unie, rassemblée autour d’une politique commune ambitieuse pour répondre aux défis de notre temps face aux problématiques écologiques, sociales, sociétales, économiques, sécuritaires, ainsi que démographique et celles liées à l’évolution du numérique et ses impacts, et aux éventuels risques de guerre avec la Russie de Wladimir Poutine. Soit, on confirme les sondages et on vote pour une France qui s’isole durablement derrière des thèses nationalistes et populiste de coopérations d’opportunité par Etat, sans aucune stratégie commune. Des Etats agissant isolément qui seraient dès lors sans réelle possibilité de faire face aux défis complexes qui nous attendent.

 


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