Helyett se déchaîne

par C’est Nabum
vendredi 1er septembre 2023

 

Acatène, tout un art

 

« En vert » et contre tous, telle devait être la devise d'Alphonse Picard un virtuose de la mécanique. En 1900, il construit son premier vélo qu'il baptise « L'Arcatène ». À en croire la légende, c'est un vélo sans chaîne et c'est la première flèche qu'il va décocher d'où cet Arc qui vient créer le trouble chez les étymologistes.

Je constate que dès le départ, certains perdent les pédales. Il est donc nécessaire de pratiquer le rétropédalage pour s'arrêter un peu sur ce terme d'Acatène. Du latin « catena » qui signifie chaîne et flanqué du privatif « a », ce mot renvoie à l'absence de chaîne pour assurer la transmission du mouvement. Le cardan était alors sur les dents pour prendre le relais de la chaîne dans l'esprit des gens alors qu'il existe d'autres procédés pour assurer la transmission du mouvement : la courroie crantée, le galet, le pignon.

Remarquez qu'au cours de leur formidable histoire industrielle, les ateliers de l'usine que fonda Auguste Picard explorèrent tous les possibles, allant jusqu'à motoriser des bicyclettes qui quoique désormais des vieux clous, n'en sont pas moins les ancêtres du vélo à assistance électrique. C'est donc en bord de Loire que s'établit alors le laboratoire du vélo de demain.

Notre père Auguste et ses fils avaient des fourmis dans les jambes et une ambition qui ne se satisfaisait pas d'être seulement prophètes en leur pays. Il est vrai qu'à Sully-sur-Loire, nombreux étaient les usagers de leur production et je repense encore avec nostalgie au vélo et à la mobylette Helyett de mon père. C'est d'ailleurs juché sur ce fier destrier que je fis mes premiers pas d'instituteur.

Les ateliers produisent des engins roulants de toute nature, de toute forme, de toute transmission. Ils font feu de tout bois dans une effervescence incroyable. La petite reine a trouvé son palais. Mais si l’innovation est la clef de voûte de la boîte, le pragmatisme n'en demeure pas moins le souci économique. Helyett se lance dans la compétition avec un succès qui ne se démentira pas jusqu'en 1962.

Les vélos sullylois vont gagner sur tous les fronts avec des titres olympiques, des courses sur route et la plus grande de toutes : « Le tour de France ». C'est d'ailleurs sur un vélo Helyett que monsieur Jacques Anquetil remportera sa première grande boucle. Le vert bouteille était la couleur de ce maillot en laine au merveilleux charme « vintage » comme on le dit en « haut solognot ».

Ainsi survient le second mystère qui tracasse Bruno Herpin, l'initiateur, créateur et animateur du musée Helyett à l'emplacement même de l'usine d'autrefois. Cette couleur verte à laquelle n'ont jamais dérogé les frères Picard, d'où vient-elle ? Si des personnes peuvent lui apporter la clef de ce mystère, il en sera très heureux. Ne nous engageons pas dans des supputations aussi incertaines que oiseuses pour revenir à cette grande aventure.

En 1910, notre entrepreneur sullylois achète un bâtiment dans le faubourg Saint-Germain pour installer des ateliers mécaniques. Avec ses deux fils Gabriel et Raymond, il fabrique ses premiers modèles auxquels il convient de donner un nom. C’est parce que la femme de Raymond apprécie une opérette de Boucheron et Audran du nom de « Miss Helyett » que la firme prend ce nom ! "Helyett" devient ainsi la raison sociale de l’entreprise et une marque déposée en 1919. La Manufacture des Cycles Helyett-Picard frères est née.

Un musée est né pour assurer la transmission de ce patrimoine qui fit la fierté des sullylois. « L'Arcatène » ne veut pas s'arrêter en si bon chemin. Le vélo ayant le vent en poupe, notre entreprenant créateur entend faire de ce lieu un point de rencontre et de service au-delà de la visite de sa formidable collection. Une buvette, une terrasse, des locations de vélo, des services et bientôt peut-être la mise à contribution d'une Loire qui coule juste devant.

Des projets plein la tête, Bruno Herpin se consacre totalement à sa petite entreprise. Il envisage des animations et vous vous doutez bien que votre serviteur sera du nombre mais encore des créations qui pour l'heure doivent rester secrètes. Il ne reste plus qu'à convaincre les gens du coin de rejoindre tous les touristes de passage qui ont déjà donné vie à ce petit musée au grand cœur.

Comme un petit vélo me trotte dans la tête, le fils du sellier ne pouvait que venir jouer les facteurs pour porter l'ambition de Bruno Herpin au-delà du sullias. Vous n'avez pas fini de lire des histoires de vélos qui se déchaînent en mon beau pays d'en-France.

À contre-chaîne.


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