La controverse du beurre

par C’est Nabum
samedi 29 avril 2023

Drame de la convivialité.

Qui n'a jamais passé quelques jours avec des amis dans une maison de vacances ignore tout de ce drame qui se joue au petit déjeuner. Au-delà des mille et une difficultés que suppose ce moment de partage tant les habitudes des uns et des autres sont d'une incroyable diversité au point d'être souvent en difficulté pour harmoniser ce délicieux moment, surgit toujours, à un moment donné, le sujet épineux du beurre.

Il convient en premier lieu d’aplanir la polémique. Le beurre, le seul qui vaille, le seul qui soit, en dépit des pisse-vinaigres, des diététiciens et des méridionaux, pour ne citer que les principaux querelleurs de la chose, ne peut être que salé. Laissons les batailles de chapelle pour nous consacrer ici au cœur de la polémique. Considérons une plaquette de beurre de 250 grammes, dans son emballage issu de la grande distribution tout en notant que pour les véritables puristes, seule la motte atteint les sommets du bon goût.

Écartons d'entrée les ersatz de cette si belle matière grasse qui sont confinés dans des petites boîtes plastiques tout en présentant une consistance qui nous éloigne du sujet même de notre polémique matinale. Non seulement la chose ne mérite pas le nom de beurre mais qui plus est, elle manque de tenue.

C'est donc autour de la plaquette issue du commerce que va se focaliser le conflit larvé qui sourde dans ce petit groupe d'amis, tout proche de la rupture. Ils ignorent encore que se joue là le destin de cette confrérie occasionnelle dont l'existence va soudain basculer. Il convient d'avancer pas à pas, pour mieux saisir les rouages de ce qui leur restera à jamais sur l'estomac.

La plaquette est close, il convient de l'ouvrir. Un maladroit ou un plus pressé que les autres n'a pas déplié le savant pliage qui emballe ce délicat parallélépipède rectangle. Le papier déchiré signe un forfait qui ne manque pas d'attirer les foudres des autres. Le rangement de la plaquette en souffrira immanquablement et apportera son lot de désagréments olfactifs par la suite.

Puis, alors que la tension est palpable, l'un des convives se muni d'un couteau pointu, qui plus est à dents. C'est le point de départ d'une nouvelle altercation. Le beurre exige son couteau à bout rond en hommage au chapeau éponyme des bretons. Bagatelle rétorque le fautif qui se moque éperdument de telles sornettes.

C'est alors que de son outil inapproprié, il lacère le sommet de la plaquette sur toute sa longueur, laissant des délicats sillons qui ne sont pas du goût de tous. Le silence se fait. Dans la collectivité, sur certains visages se lit la consternation. Pour d'autres, indifférents à l'étiquette beurrière, seule l'impatience pointe son nez.

Sans que le débat puisse être engagé, le suivant s'empare d'un couteau à beurre pour faire taire toute polémique mais attaque le malheureux parallélépipède par un coin. C'est l'explosion du maître queux qui va sonner le glas de ce petit déjeuner. La rupture manifeste de la forme dérange notre ami car par la suite, il perdra tout repère pour évaluer la quantité de beurre pour la cuisine d'autant plus que dans le même temps, venu de l'autre côté de la tablée, un autre indélicat attaque la plaquette par l'autre côté.

Cette fois s'en est trop, c'est le geste de trop et qui met le feu aux poudres. Les noms d'oiseau volent dans la maisonnée. L'affaire tourne au vinaigre. Il faudra attendre l'heure de l'apéritif pour sonner la paix des braves. L'amour vache en somme prévalait dans cette petite et néanmoins occasionnelle communauté humaine.

À contre-forme.


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