La banalité du mal et du mensonge

par Jules Elysard
jeudi 25 avril 2024

Depuis le 18 avril, « la chaîne interminable du mal » et « l’autel des pauvres ambitions » ont enflammé les médias. Mélenchon a mis en cause, à juste titre, le président de l’université de Lille et le préfet du Nord, responsables l’un et l’autre des interdictions successives d’une conférence. Concernant le premier, il a évoqué la notion de « banalité du mal », qui a fait la gloire de Hannah Arendt. A la même époque, Stanley Milgram mettait en lumière une notion voisine : la « soumission à l’autorité »[i].

Ces deux notions ont été abondamment reprises depuis la fin du XXè siècle pour dénoncer l’idéologie managériale, et spécifiquement le management pervers. L’exemple de France Télécom Orange est éloquent.

 

Pourquoi Mélenchon a-t-il choisi de se référer à Hannah Arendt plutôt qu’à Stanley Milgram ? Peut-être parce que l’une est plus à la mode que l’autre aujourd’hui ? Mais surtout parce qu’elle n’est pas de son bord ; elle est de droite et fréquemment citée par quelques adorateurs.

Mais « quand le sage montre la lune, le sot regarde de doigt  ». Aussi ces adorateurs ont-ils fait remarquer que Mélenchon s’était trompé de livre : il ne citait pas Les origines du totalitarisme, mais Eichmann à Jérusalem. La belle affaire ! Ils auraient pu remarquer qu’il provoquait des controverses, comme l’avait fait Hannah Arendt en exposant sa notion.

 

Ces gens qui se présentent comme des journalistes, voire des philosophes, et écument les plateaux médiatiques ne sont en réalité que des « commissaires politiques » (XXè siècle) ou des « influenceurs » (XXIè siècle). Payés par nos impôts ou par des milliardaires, ces gens mettent à l’index Mélenchon, matin, midi et soir. Ils protestent bien sûr de leur honnêteté, intégrité, déontologie. Autrefois jadis naguère, on aurait parlé d’inquisiteurs et d’inquisitrices : la foi catholique était leur déontologie.

Aujourd’hui, à l’ère de la société du spectacle, c’est la science (le recours aux experts, aux sondages) devenue idéologie.

Hegel résumait le progrès scientifique, l’évolution de l’esprit, par ces mots : « Le faux est un moment du vrai ». Debord actualisait la formule en 1967 : « Le vrai est un moment du faux »[ii]. En 1988, il pointait les nouveaux progrès de la falsification en définissant « le faux sans réplique » :

« Le seul fait d’être désormais sans réplique a donné au faux une qualité toute nouvelle. C’est du même coup le vrai qui a cessé d’exister presque partout, ou dans le meilleur cas s’est vu réduit à l’état d’une hypothèse qui ne peut jamais être démontrée. Le faux sans réplique a achevé de faire disparaître l’opinion publique... »[iii]

 

Dans la démocratie contemporaine, ce n’est plus « cause toujours », mais « ferme ta gueule »[iv]. Et estime toi heureux si tu n’es pas convoqué par la police.

 

Annexe

Comment il faut parler aux « journalistes ».

 

[i] En 1979, l’expérience de Milgram connaîtra une plus grande publicité avec la film d’Henri Verneuil, I comme Icare.

[ii] La société du spectacle (1967), thèse 9 : « Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »

[iii] Commentaires sur la société du spectacle (1988), thèse 5.

[iv] Selon les mots de Jean Louis Barrault.


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