De quoi ce geste est-il le nom ?

par C’est Nabum
lundi 16 octobre 2023

 

Scène de square ordinaire.

 

Le soleil inonde le square en cet après-midi d'octobre. La température pousse petits et grands à prendre l'air à l'ombre des noisetiers tandis que les plus jeunes profitent des jeux mis à leur disposition. Une petite fille de trois ans, bavarde comme peuvent le faire les enfants quand ils s'inventent des histoires, va et vient entre les différents adultes présents et les quelques enfants.

Elle est charmante, sans inquiétude, elle discute avec les uns, avec les autres, dans un sabir qui n'appartient qu'à elle au cœur de ses inventions langagières de l'heure. Ce jeune couple sans enfant lui fait bon accueil, monsieur répond comme il peut à ce jargon incessant de la petite. Elle s'en va jouer, revient vers ces deux-là. Touché de sa gentillesse, l'homme lui offre une barre de céréale qu'elle accepte volontiers.

Elle poursuit sa campagne de séduction. Deux jeunes femmes sont venues accompagnées de trois enfants. La petite lie conversation avec les gamins, ils s'amusent en des jeux innocents, s'aident mutuellement pour gravir le toboggan, se poursuivent en des courses sans agressivité. Les trois enfants sont invités à s'asseoir auprès de leurs accompagnatrices pour déguster des clémentines. La petite suit le mouvement et reçoit des quartiers à son tour.

Un couple de personnes âgées arrive à son tour. Monsieur marche lentement, s'appuyant sur sa canne. Madame s'assied à son tour. La petite vient converser avec le monsieur. Il s'en amuse, lui répond aimablement. Madame ne dit rien, la gamine semble déranger ce moment qu'elle entend passer avec son compagnon.

La petite fille se dépense beaucoup, elle court, s'amuse et tousse un peu, d'une toux profonde qu'il est impossible de ne pas entendre. Personne ne s'en offusque, elle va et vient entre les groupes qui lui font toujours bon accueil jusqu'à ce qu'elle s'approche cette fois de la vieille dame alors qu'elle est prise d'une belle quinte de toux.

Madame ne dit rien. Elle se contente de tendre la main vers l'enfant, agite les doigts en faisant une vague qui l'invite, avec un profond dédain, à s'en aller plus loin. Monsieur ne réagit pas, regarde le geste de profond mépris de celle qui est assise à côté de lui. Il hausse les épaules, il ne doit pas être étonné de sa réaction. Cette fois, il a la prudence de ne pas parler à la petite…

L'enfant s'en retourne vers des gens plus avenants. Monsieur et madame ne tardent pas à s'en retourner d'où ils viennent, sans un salut, sans un regard. Madame s'est drapée dans sa superbe, la tête haute et le mépris en bandoulière tandis que monsieur suit comme il peut, en s'appuyant sur sa canne.

Pourquoi un tel geste de la part de cette femme ? Que craignait-elle au juste de la part de cette innocente enfant ? À n'en point douter la toux explique sa peur et sa fuite. Le résultat d'un matraquage médiatique, de la mise en garde du danger potentiel que représente l'autre, la crainte de la sournoise attaque virale, le désir de ne plus se mêler aux autres ni de partager leurs miasmes.

Madame a une grande idée d'elle-même, elle entend ne plus se joindre à cette masse insalubre qui pourrait la contaminer. Elle se contente pour ça d'un geste qui la déshonore, qui la place dans cette cohorte détestable de ceux qui voient un ennemi en chaque individu. Elle en a même perdu la parole pour exprimer son dédain et sa morgue. Le geste suffit à exprimer toute l'aversion qu'elle porte au genre humain représenté ici par une petite fille charmante de trois ans.

Je lui souhaite d'aller au diable ; l'enfer est peuplé de gens de son espèce et je suis certain que Satan en personne ne la gratifiera pas d'un tel geste. Au contraire, c'est à bras ouverts qu’il l'invitera à venir expier son indicible mépris et son insupportable dédain pour ceux qui furent jadis ses semblables.


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