Décembre 1945. L’escadrille 19 disparue dans le Triangle des Bermudes : un mystère éternel

par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
jeudi 26 juin 2025

Le 5 décembre 1945, cinq bombardiers Avenger décollent de Fort Lauderdale, en Floride, leurs moteurs grondant sous un ciel d’azur. À leur tête, le lieutenant Charles Taylor, un pilote aguerri. Quelques heures plus tard, un cri déchire la radio : “Nous sommes complètement perdus”. Puis, silence. L’escadrille 19 s’évanouit dans le Triangle des Bermudes. Un hydravion de secours, un Martin Mariner, suit le même sort. Était-ce une tempête, une erreur humaine ou un mystère insondable ?

 

Le dernier vol de l’escadrille 19 : une mission banale, un destin tragique

Dans l’air salé de Fort Lauderdale, le 5 décembre 1945, cinq TBM Avenger de l’escadrille 19 s’élèvent à 14h10 pour un exercice de navigation. Le lieutenant Charles Taylor, commandant, note dans son journal de bord : “Visibilité parfaite, tout est en ordre”. La mission est routinière : voler 160 miles (257,5 kilomètres) à l’est, larguer des bombes d’entraînement, rentrer. Les pilotes, jeunes et confiants, plaisantent sur la radio, leurs voix mêlées au bourdonnement des moteurs. Absolument rien ne laisse présager l’horreur.

 

 

À 15h40, la tour de contrôle capte un message alarmant. “Mes compas sont détraqués. Je ne sais plus où nous sommes”, transmet Taylor. Les opérateurs tentent de guider l’escadrille 19. Les pilotes décrivent un océan “étrange, comme blanc”. À 18h20, un dernier appel, désespéré : “Nous entrons dans des eaux blanches… Nous sommes perdus”. Puis, plus rien. Les cinq avions, avec leurs quatorze hommes, s’évanouissent dans l’immensité de l’Atlantique.

L’US Navy réagit vite. À 19h27, un hydravion Martin Mariner, avec treize hommes à bord, décolle pour fouiller la zone. Mais, à 19h50, il disparaît à son tour, sans un appel de détresse. “C’est comme si la mer les avait avalés,” écrit un officier dans un rapport interne. Aucune trace, ni débris, ni tache d’huile. Le Triangle des Bermudes, entre Miami, les Bermudes et San Juan, commence à tisser sa légende.

 

 

Le Martin Mariner : un géant des mers englouti

Le Martin Mariner, surnommé “l’éléphant volant” pour sa taille massive, est un hydravion robuste, conçu pour les sauvetages en haute mer. Ce soir-là, son équipage, treize hommes aguerris, embarque avec des cartes, des lampes de signalisation et un espoir tenace. “On va ramener ces gars”, promet le pilote, le lieutenant Walter G. Jeffrey, dans une note griffonnée avant le décollage. À 19h30, l’appareil s’élève, ses moteurs grondant dans la nuit tombante.

 

 

À peine vingt minutes plus tard, le contact est perdu. Un opérateur radio, à Banana River, capte un faible signal à 19h50, mais il s’éteint brutalement. Contrairement à l’escadrille 19, le Mariner n’émet aucun appel de détresse. Un cargo, à 50 miles de la zone, rapporte “une lueur orangée dans le ciel, comme une explosion”. Cette observation alimente les spéculations. Les Mariner, connus pour des fuites de carburant, étaient surnommés “bombes volantes” par les équipages. Une étincelle aurait-elle suffi à les consumer ?

L’absence de débris intrigue. Les archives météorologiques signalent des vents violents et un front orageux imprévu ce soir-là. Le Gulf Stream, courant rapide du Triangle, aurait pu disperser tout vestige. Mais le silence du Mariner, ajouté à celui de l’escadrille 19, épaissit le mystère. “Deux escadrilles perdues en une nuit, c’est du jamais-vu”, note un amiral dans une lettre interne.

 

Le Triangle des Bermudes : un piège naturel ou surnaturel ?

Le Triangle des Bermudes, 1,5 million de kilomètres carrés entre Miami, les Bermudes et Porto Rico, est un cimetière marin depuis des siècles. En 1880, le brick Ellen Austin disparaît sans trace, selon un registre britannique. En 1918, l’USS Cyclops, avec 309 hommes, s’évanouit sans un SOS. En 1945, l’escadrille 19 et le Mariner, totalisant 27 disparus, rejoignent cette liste funeste. La presse, avide de sensationnel, baptise la zone “le Triangle maudit”. Mais que disent vraiment les faits ?

 

 

Les archives météorologiques de décembre 1945 décrivent un front orageux soudain, avec des vents de 50 nœuds (92,6 km/h). Les compas défaillants, signalés par Taylor, pourraient résulter d’anomalies magnétiques, fréquentes là où le nord géographique et magnétique convergent. “Le temps a tourné en un clin d’œil”, note un météorologue naval. Les Mariner, vulnérables aux fuites de carburant, pouvaient exploser au moindre incident. Pourtant, ces explications rationnelles peinent à dissiper le trouble.

Les récits locaux parlent de “lumières étranges” dans le ciel ce soir-là. Certains évoquent des courants sous-marins ou des poches de gaz méthane, capables d’engloutir un avion. Mais aucune preuve ne corrobore ces théories. Le Triangle, avec son silence oppressant, devient un miroir des peurs humaines, un espace où la science et le mythe s’entrelacent.

 

Les hommes et l’enquête : visages d’une tragédie inexpliquée

Charles Taylor, 28 ans, commandant de l’escadrille 19, est un vétéran du Pacifique, avec 2 500 heures de vol. “Un type solide, mais têtu comme une mule”, écrit un mécanicien dans une lettre à sa sœur. Ce jour-là, il ignore les suggestions de ses subalternes pour rentrer tôt, scellant leur destin. le sergent George Paonessa laisse une note dans son casier : “Si je ne reviens pas, dis à maman que je l’aime”. Ces mots, tirés d’archives personnelles, donnent un visage humain au drame.

 

 

L’enquête de l’US Navy, ouverte le 7 décembre 1945, mobilise des dizaines de navires et d’avions. “On cherche une aiguille dans une botte de foin”, note un officier dans un mémorandum. Les Avenger, en parfait état, et le Mariner, bien équipé, auraient dû laisser des traces. Un opérateur radio capte un signal tardif, vers 20h, mentionnant “des lumières”, mais il est jugé non fiable. Le rapport final, en avril 1946, conclut à une “cause inconnue, probablement une erreur de navigation et des conditions météorologiques”. Ce verdict, froid, laisse les familles dans l’angoisse.

Le film Rencontres du troisième type (1977), réalisé par Steven Spielberg, évoque l’escadrille 19, imaginant les avions réapparus dans un désert, enlevés par des extraterrestres, une fiction amplifiant encore un peu plus le mythe. “On ne saura jamais tout”, griffonne un amiral dans une note manuscrite. Aucune épave n’a été retrouvée, malgré les technologies modernes. Chaque année, en moyenne, quatre avions et vingt bateaux s'évanouissent mystérieusement dans cette zone, sans laisser de trace. Le Triangle des Bermudes, avec ses disparitions inexpliquées, reste une légende qui a commencée à la fin des années 1940. Mais l’histoire, exigeante, préfère la prudence : tempêtes, erreurs humaines et anomalies magnétiques suffisent-elles ? L’escadrille 19 et son hydravion de secours demeurent des échos dans l'immensité de l’Atlantique. 

 


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