L’ermite errant

par C’est Nabum
mercredi 14 décembre 2022

 

Le pèlerin factice.

 

Il est bien loin l'époque où la bonne parole se répandait par le truchement de vénérables et sages personnages, cénobites, anachorètes ou récollets, qui sans trêve ni repos, évangélisaient à tour de bras et de miracles. Les dragons de nos contrées du reste payèrent un lourd tribu à la nécessité dans laquelle ils se trouvaient de frapper les esprits récalcitrants en pratiquant une hécatombe dans leurs rangs.

Les temps ont changé, l'idée du dragon a fait long feu alors qu'ils seraient fort utiles pour apporter leur contribution à la crise énergétique. Ce manque d'à propos de leur part démontre à l'évidence, qu'ils n'entendent pas servir à nouveau les desseins d'une humanité bien ingrate. Pour eux plus question de se laisser dorer la pilule pour entrer à nouveau dans la légende.

Nicolas se dit que l'urgence climatique exigeait qu'il prenne le relais des glorieux anciens, ces bons saints qui firent souvent don de leur vie pour la bonne cause. Cependant, après une étude de marché, il ne put établir un plan média cohérent en se mettant dans les pas de ces prédécesseurs. Un ermite immobile n'a de nos jours que peu d'espoir d'être entendu même en abusant des réseaux sociaux.

Il lui faut pour créer le buzz, porte d'entrée à la sainteté contemporaine, non seulement investir la toile mais plus encore sillonner le pays afin de se montrer, de faire la Une de la presse quotidienne régionale avant que d'espérer faire son trou au plan national afin d'avoir la chambre d'écho que sa mission impose. Il décida de se faire ermite errant, vagabond céleste, pèlerin des réseaux.

Nicolas se mit donc en marche, muni d'une longue perche, accrochée à ses épaules, pour se filmer en permanence tandis que sur sa tête, une webcam met en lumière son chemin de choix. Une liaison internet obtenue grâce à un forfait illimité, lui permet d'occuper la toile 24 h sur 24. Assurant ainsi une couverture totale de son projet, il apparaît bien vite comme le bon samaritain de l'environnement.

Nicolas s'est lancé dans la traque impitoyable des dérives de notre civilisation. Il pourfend, stigmatise, pointe d'un doigt accusateur tous ceux qui souillent, détruisent, agressent la nature d'une manière ou d'une autre. Il devient rapidement la bête noire des malotrus, des gaspilleurs éhontés, des dispendieux énergétiques, des goujats de la planète. Il a une audience de plus en plus importante, il est écouté, adulé, réclamé. Il est devenu le chantre de l'environnement.

Son errance prend alors des allures de tour du monde. Il n'use plus ses godillots, il survole les territoires, brûle la chandelle par tous les bouts, se comportant à l'instar de ceux qu'il stigmatise. Mais lui, c'est pour la bonne cause, celle dont il fait une marque déposée pour vendre des produits douteux à forte valeur ajoutée.

Faites ce que je prône sans vous préoccuper de ce que je fais vraiment. Nicolas s'est fait un Nom qui justifie quelques écarts, des passions qui vont à l'encontre de ses recommandations. Il se sent au dessus du commun, ses désirs ont si souvent tendance à devenir réalité qu'il s'offusque lorsqu'une dame ne cède pas à son merveilleux charisme. Il pousse alors le bouchon un peu trop loin, dérapage ordinaire dans ce monde des paillettes.

Nicolas ne sera guère inquiété. L'ermite errant peut bien avoir quelques entorses à son comportement, ce n'est pas demain qu'on écornera l'image d'une icône, d'un maître vénéré, d'un prince de l'écologie. Le vert est dans l'usufruit, les dividendes font prébendes. Nicolas a fondé un Empire, l'ermite errant n'ayant jamais fait vœu, ni de pauvreté, ni de chasteté. Sa cause quant à elle, n'était sans doute que vil prétexte pour réaliser un plan de carrière et amasser un joli pactole.

À contre-emploi.


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