Objectif neutralité carbone 2050 : ambition louable ou suicide programmé ?

par Jean-Pascal SCHAEFER
jeudi 8 décembre 2022

L'Union Européenne peut être fière, elle est à la tête des grands ensembles économiques mondiaux pour ses efforts de réduction de son empreinte carbone.

Mais nos industries pourront-elles survivre à la trajectoire visée pour 2050 ?

 

Ambition carbone : quelques questions

Devons-nous vraiment être fiers de du leadership mondial de l’UE en matière de performance carbone ?
Pouvons-nous questionner cette ambition ?
Est-il ou non légitime, pour un citoyen Français, de se demander où cette ambition peut bien mener notre pays ?

Les chemins qui ont mené à la délocalisation

En 1990, je débute ma carrière chez Peugeot Motocycles. Très belle entreprise, un rien paternaliste, fière de ses productions françaises, et engagée dans une véritable révolution. Ayant relancé le scooter en France depuis le milieu des années 80 grâce au soutien technique du japonais Honda, elle internalise de plus en plus ses productions.

Cette même année, je visite la nouvelle fonderie de moteurs de Dannemarie, à la frontière avec l’Allemagne et la Suisse. Flambant neuve, on pourrait lécher le sol.

Vingt ans après, l’usine ferme. L’essentiel de la production de l’entreprise est désormais délocalisée en Chine.

Un exemple comme tant d’autres, d’entreprises françaises que les règles du commerce international, imposées par l’OMC et l’Union Européennes, ont amené à produire ailleurs, mais en continuant à vendre en France. En détruisant les emplois, en délocalisant la production, et en déplaçant loin, très loin, l’impact carbone.
Je le répète : les produits en question restent vendus en France.

En marche vers un pays sans usines

Tertiarisation de l’économie. La numérisation et la bureaucratie ne se sont jamais aussi bien portées. Mais le secteur industriel Français s’efface, sans un bruit.

Vient le choc des années 2020, et la découverte de nos fragilités. Plus de production de masques en France. Pratiquement plus de production de médicaments. Les Français découvrent que la seule usine de production d’oxygène médical en France est en train de fermer.

Nous entendons alors de beaux discours sur la souveraineté. Des entrepreneurs militants relancent une production locale. Deux ans après, leurs entreprises coulent les unes après les autres.
Passons maintenant aux causes.

OMC et UE : les deux mamelles de la destruction de l’industrie ?

L’OMC a fait disparaître la plupart des barrières douanières. Et l’Union Européenne pose le dernier clou sur le cercueil de l’industrie française.

Il n’est plus possible de protéger nos industries. La Chine, devenue l’atelier du Monde, réalise des économies d’échelle gigantesques, hors de portée des industriels Français.

Quant à l’UE, elle interdit les clauses de préférence nationale dans les marchés publics.

Et l’histoire continue. Nous émettons toujours trop de CO2 en France, et pour l’UE, il faut continuer à baisser, pour atteindre la « neutralité carbone ».

Relocaliser en l’état n’est pas réaliste

Mais jusqu’à quand allons-nous accepter ce suicide programmé, cette disparition totale de notre industrie ?

Comment se fait-il que les émissions de CO2 importées ne soient pas prises en compte dans le bilan de l’UE ? Pourquoi les impacts environnementaux ne sont-ils pas considérés par l’OMC ?
Je me hasarde à une hypothèse.

La logique capitaliste n’intègre pas le climat dans ses équations.
La production en Chine, massifiée, robotisée quand nécessaire, exécutée par des individus mal payés, sous contrôle social numérique quand cela se justifie, avec des règles environnementales minimalistes, permet de produire à moindre coût.

Sur les marchés Occidentaux, là où sont commercialisés les produits, on n’observe pas de baisse des prix. Seules les marges augmentent, et en bout de chaîne, la rémunération des actionnaires. Et tout particulièrement des fonds de pension qui ont pris le contrôle (via la nomination des directeurs généraux) de la plupart des grandes entreprises mondiales.

Relocaliser ? Impossible, car cela signifierait nécessairement une baisse des marges, dont les très grands actionnaires ne veulent pas.
Nous sommes donc dans une impasse.

Garder l’espoir ?

Des approches vertueuses seraient pourtant possibles, avec des industries certes émettrices de carbone, mais faisant l’objet d’optimisations énergétiques, bien contrôlées sur le plan environnemental et social.

Cela aurait un prix : la baisse des marges des entreprises.
Cela n’arrivera donc pas, sauf peut-être si les citoyens de notre pays portent au pouvoir des acteurs décidés à sortir, certes progressivement, mais fermement, de ces carcans qui nous mènent tout droit à l’effondrement.

Sinon, la tertiarisation se poursuivra, nous serons dépossédés de nos terres agricoles, nous deviendrons un pays-musée, un pays d’esclaves. Loin de ce peuple Franc qui nous a donné un nom.

 


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