Une histoire de Pont

par C’est Nabum
jeudi 7 septembre 2023

Aller-retour aux Ponts de Cé

Passer un pont ancien n'est jamais une mince affaire d'autant plus en période d'étiage. Pour notre escadre itinérante, le franchissement du Pont de pierre de l'endroit renvoie aux multiples difficultés de ce passage dans l'histoire lointaine de la marine de Loire. Si César s'y cassa les dents devant selon la légende se satisfaire d'un demi-tour sur l'édifice d'alors qui était en bois, pour les mariniers il y avait grand péril à franchir à contre un seuil des plus périlleux.

C'est de là sans doute que s'est justifiée la compagnie des marchands naviguant sur la rivière Loire et les fleuves se rendant à icelle au XIII° siècle. Il était indispensable d'établir des systèmes de solidarité pour couvrir les naufrages qui n'étaient pas rares d'autant qu'en cette époque, toucher du bois, ne portait pas chance quand celui-ci était une pile de pont.

Pour nos aventuriers, certes motorisés mais quand même, une veine d'eau située à quelques encablures de l'arche marinière, effraie et exige des dispositions particulières. Les bateaux s'allègent des passagers surnuméraires, acteurs de l'animation trouvant refuge et embarquement de courtoisie. Seul l'équipage se prépare, les uns à la bourde et le pilote à la barre pour défier un courant d'autant plus virulent que le manque d'eau aggrave les choses et paradoxalement sa puissance en cet endroit.

Les moteurs sont lancés au maximum de leur puissance, le bateau semble pourtant faire du sur-place, luttant contre des flots tumultueux. Quelques pilotes profitent du contre-courant pour arriver en meilleure posture que ceux qui affrontent bille en tête la terrible vague. Dans le hurlement des chevaux, les badauds nombreux commentent l'épreuve, encouragent l'effort des pousseurs de bourde et s'exclament quand finissant par vaincre la résistance du courant, l'embarcation amorce progressivement son franchissement victorieux.

Seul un bateau moins bien motorisé bénéficiera de l'aide d'un mieux loti que lui. Une bouée sur les flots qu'il faut saisir au vol avant que de bénéficier d'une traction motorisée complémentaire. C'est fort de ce complet succès que l'armada vient quérir les passagers derrière le pont pour une nouvelle étape qui nous mènera au Thoureil, un des plus beaux petits ports de la Vallée.

Pour ma part, si vous avez suivi, je descends à mi-chemin pour monter sur mon kayak qui cette fois a suivi à distance et à la traîne le Grand Rocher. Le chenal est incroyablement sinueux, la course des bateaux relève du déplacement d'un marinier sous l'emprise de la boisson. La ligne droite n'existe pas sur une rivière qui elle aussi s'amuse à emprunter un parcours des plus sinueux. Vue du ciel, la trajectoire de ce peloton qui avance à la queue-leu-leu peut paraître totalement absurde.

C'est donc avec une trajectoire plus conforme à la configuration du cours que je pagaie vers notre point de départ. C'est alors que je découvre le bonheur incomparable du silence sur notre dame Liger. Je profite alors d'un moment de quiétude auquel je vous convie tous à jouir un jour ou l'autre pourvu que vous ayez tous les sens aux aguets.

Je fus doublé par un kayakiste sportif qui pendant quelques instants tint conversation pour s'enquérir de ma destination et forcément d'essayer de comprendre une démarche renversante avant que de me dire, je file plus vite, pour profiter du silence. Il avait bien raison, c'est là une offrande que nous offre la Loire quand elle fuit les diverses présences humaines. Un bonheur sans pareil !

De retour à ce fameux pont, c'est seul et sans assistance que j'affrontais la méchante veine. J'en fus quitte simplement pour des turbulences sans méchanceté, le frêle esquif se laissant plus volontiers secouer qu'un fûtreau ou une toue. Je n'avais plus qu'à charger mon barda pour rejoindre l'animation suivante.

À suivre peut-être...


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