Battre à plat de couture
par C’est Nabum
vendredi 10 juillet 2015
Les nerfs en pelote !
De fil en aiguille ...
Il en va des expressions comme des idées. Elles vous conduisent parfois sur de curieuses pentes, vers d'étranges pensées. Qu'importe si autrefois le tailleur, quand il trouvait des coutures saillantes, les aplatissait avec le dé à coudre ; l'image a changé de destination, s'est imposée dans le monde sportif, toujours gourmand de métaphores.
Il est temps de reprendre au pied de la lettre la formule, de lui accorder quelques petites retouches et de lui proposer un modèle cousu main. L'artisan des mots suppléera la tapissière qui depuis longtemps a rangé sa boîte à ouvrage. Il est peut être possible de faire de la dentelle avec les mots ; hasardons-nous à cet ouvrage qu'il convient de ne pas remettre sur le métier.
Or donc, il était un quidam qui était dans de beaux draps ! Celui qui file un mauvais coton risque fort de connaître la mésaventure. De fil en aiguille, son sort va être scellé si d'aventure, il rencontre un belliqueux pour lui chercher des noises. La roue ne tournera pas en sa faveur et le pauvre risque de s'aplatir devant son agresseur à moins qu'il n'ose l'affrontement.
Alors, inexorablement, il sera laminé, écrasé, broyé. Son agresseur va lui tailler un costard, le rhabiller pour l'hiver tout en mettant à nu son système de défense. La défaire sera cuisante si, par malheur, il a mis les pieds dans le plat. Ce plat qui sera son revers de la main : celle qui viendra le frapper en pleine face pour consommer un plat qui se mange bien plus souvent chaud que froid. Le risque n'attend pas son heure : celle-ci surgit, spontanée et incontrôlable.
Le voilà dûment battu , les yeux au beurre noir et la tête comme une courge. Heureusement qu'il n'avait pas une tête d'œuf car il eût subi alors le châtiment du fouet : cette redoutable sentence qui fait monter la pression plus encore que les blancs. Malheur à celui qui met alors son petit grain de sel ; la sauce recouvre de la vigueur et la sarabande peut reprendre de plus belle.
Après les coups, il sera bon d'aller recoudre quelques plaies. Ayant été rossé sur toutes les coutures, il faudra faire le point qui convient pour raccommoder ce qui peut l'être encore. Quant à se rabibocher, rien n'est moins sûr. Le ton est monté si haut, le différend fut si grand que l'espoir d'une réconciliation est purement illusoire.
Il faudra attendre la cicatrisation avant d'espérer recoller les morceaux. Je sais la procédure inverse et illogique, curieuse tout autant que surprenante, mais il en va ainsi. Les atteintes morales sont bien plus longues à se remettre que celles du corps. Quand les passions s'effilochent, quand le lien se déchire, quand l'amitié se brise, l'art du couturier des cœurs ne sera que de peu d'effet.
Je me pique d'aimer ce genre de joute lexicale. J'ose espérer que mes propos ne vous froissent pas, que mon ambition ne vient pas faire de faux plis dans vos lectures du matin. Je ne suis qu'une pâle doublure ; j'ai bien plus de revers à ma veste que de médailles à son endroit. Soyez indulgents et pardonnez ce pauvre billet dérisoire.
Si le maître queux aime à constituer des plats, ils ne sont certes pas de cet acabit. La toile a besoin d'un surfilage : nous nous y sommes appliqués. Le propos tombe, certes, comme un cheveu dans la soupe, ce n'est pas une raison pour me faire la grimace. Prenez garde, je suis chaud du bonnet et j'ai l'humeur irritable.
Il ne faudrait pas qu'à votre tour, vous veniez goûter de l'expression : « Battre à plat de couture ! » Même si, faire et défaire c'est toujours de l'ouvrage, je ne pense pas que vous trouviez cette redite à votre convenance. Restons-en là, le sur-mesure n'est pas dans vos cordes, et le prêt-à-porter n'est pas dans les miennes. Les nerfs en pelote, je laisse ce billet sans queux ni tête d'aiguille. Seul le quidam est passé à la casserole ...
Lexicalement vôtre.