Les pérégrinations d’un cœur d’artichaut
par C’est Nabum
samedi 15 décembre 2012
Une histoire à la noix !
Fable jardinière ...
À force de semer à tout vent, même quand on est un peu dur de la feuille, un artichaut fort apprécié par la gente potagère finit par se faire une tête de chou. Nul ne saura jamais pourquoi, mais bien des rivaux se frottaient les fans. « Adieu les histoires à l'eau de rose, les romances à deux sous » s'exclamaient nos frustrés déconfits. Que nenni, une belle laitue s'exclama « Qu'il est chou ! » L'autre de lui décocher un cher joli sourire de ses yeux en amande et la dame fondit.
Un plus jaloux que les autres vint ramener sa fraise, s'indignant du succès de ce légume ordinaire. « Moi qui ai une peau de pêche, je ne parviens pourtant jamais à mettre du beurre dans mes épinards et de belles conquêtes dans mon plumard » s'indigna cette mauvaise graine. « Ce n'est que pour celui-là qu'elles se mettent toutes en rang d'oignons pour attendre leur tour. Elles se bercent toutes d'illusions persuadées qu'elles sont qu'il leur fait la cour quand il se contente de piétiner leur jardin !
Vous devinez aisément que de tels propos finissent toujours par vous faire prendre un marron. Une grande asperge le traite de cornichon avant que de succomber à son tour devant le bel artichaut breton. Le ronchon ne s'en tient pas pour dit, il a de l'oseille et pense jouer le tombeur de ses dames. Ce qui fonctionne parfois pour les grosses légumes, est passé de mode dans notre panier de saison.
« Il faut avoir un pois chiche dans la tête pour agir de la sorte » lui rétorque un vieux légume qui faisait le poireau dans une longue file d'attente où tous ses compagnons étaient en rang d'oignons. Le mauvais coucheur reçut la remarque en pleine poire. Cette fois, il était déconfit. C'est un bulbe de cerfeuil, haut comme trois pommes qui venait de le poignarder dans le dos. Il était soupe au lait, il vit tous les autres se fendre la pêche, son sang ne fit qu'un tour et la discussion tourna au vinaigre !
Chez les légumes c'est une manière courante d'entretenir l'amitié et de conserver ses amis. Pourtant cette fois, l'affaire vira au brouet indigeste. Le mauvais compagnon en avait gros sur la patate, il ne pouvait accepter qu'on mît en doute sa virilité lui qui avait belles racines solidement plantées en terre. Il se fâcha tout rouge tant et si bien que les autres s'étonnèrent de voir une tomate passer du vert à l'écarlate en si peu de temps.
Les plus cossards se firent un sang de navet. L'altercation tournait à l'algarade, une bien mauvaise salade. L'un des belligérants allait finir par manger les pissenlits par la racine, « C'est trop bête ! » s'exclama un citron convaincu qu'il fallait faire un zeste pour apaiser les tensions.
C'est pourtant à cet instant que le couvercle de la cocotte minute finit par exploser. Le belliqueux appuya sur le champignon, lui brisant le pied. L'autre avala son chapeau et faillit s'étrangler d'indignation. Pendant ce temps, bien à l'écart de cette agitation déraisonnable, notre artichaut coulait de doux instants avec une citrouille nullement effrayée par la réputation de notre lascar.
Tout ce beau monde finit pourtant dans le panier à salade quand les poulets surgirent à l'improviste. Après avoir cuisiné tout ce petit monde, ils les laissèrent mijoter de longues heures en cellules. L'inspecteur qui avait les oreilles en chou-fleur, un souvenir lointain de son passé de rugbyman, accommoda tout ce joli monde aux petits oignons. Un agent ramena sa fraise et mis son grain de sel à ce joli potage.
On se régala au commissariat. Jamais plus belle soupe on ne vit dans tout le pays. Un agent que tous appelait Poil de carotte décréta que, pour que la soirée fût belle, il fallait ajouter une petite poire pour la soif. Comme on se trouve en pays d'Olivet, William, puisque tel était son véritable nom mit à exécution cette drôle d'idée alambiquée. Car dans notre pays, tout finit sans modération, c'est la seule morale de cette folle macédoine de légumes !
Jardinièrement leur.