Une nation qui déchante

par C’est Nabum
mercredi 20 mai 2020

Silence

Nous ne sommes jamais au bout de nos surprises avec ce merveilleux gouvernement si rempli d’amour et de considération pour son peuple. J’aimerais sans cesse chanter ses louanges, proclamer haut et fort mon admiration pour la sagacité sans pareille de ses dirigeants, sabre au clair et clairon qui sonne, mais hélas, mille fois hélas, je m’aperçois que les lois d’exception qui désormais dirigent nos comportements, interdisent ces formes d’expression. J’en reste coi, muet et sidéré devant des mesures qui me laissent sans voix.

Reprenons tout, puisqu’il me revient de vous expliquer les dernières mesures, suppléant ainsi la porte-parole du gouvernement qui a définitivement choisi d’amuser la galerie plutôt que de transmettre un message intelligible. Ne lui jetons pas la pierre, elle excelle tant dans ce rôle d’amuseur public qu’il serait vraiment dommage que nous ne profitions pas de ce spectacle drolatique qui de plus a l’extraordinaire mérite de démontrer aux plus jeunes qu’il est possible de parvenir à des hautes fonctions sans la moindre compétence ni le plus petit atout personnel. L’ascenseur social est certes devenu un monte-charge, mais il a dans ce cas précis rempli à merveille son rôle.

La mesure passée sous silence par des médias qui paradoxalement reprennent en chœur les formidables dispositions d’un exécutif garant des libertés et qui a justifié à elle seule, ce coup de gueule salutaire, est l’interdiction imposée aux professeurs de musique de nos collèges de faire chanter les quelques élèves qui seraient à leur portée. Même la maman des poissons de Boby Lapointe ne pourra plus enchanter les pauvres enfants réduits au silence dans leur espace sécurisé.

Le quidam téléspectateur docile ne perçoit sans doute pas la puissance du symbole. Le chant est déclaré d’inutilité publique tout comme dans le même temps la musique avec les cuivres. Comment voulez-vous que notre armée, au cœur de la bataille, sans pouvoir charger au son du clairon ou marcher vers l’ennemi avec des paroles reprises en canon puisse avoir la moindre chance de succès. Sans l’entrain de la chanson, il n’est pas étonnant qu’il ait fallu plus de huit jours à nos glorieux soldats pour monter un hôpital de campagne capable de recevoir 30 lits ce qui fit du reste l’admiration de nos amis chinois qui reconnaissent ne pas être capables de faire aussi bien en si peu de temps. Si l’armée et les enfants déchantent, qui reprendra les merveilleuses paroles de notre si pacifique hymne national ?

D’autres décisions vont d’ailleurs dans le même sens. La Loi Avia remplit la même fonction : réduire au silence les voix discordantes, ceux que notre bon président appelle les trompettes dans sa manière si particulière de qualifier son peuple. Ce peuple qui n’a plus le droit de chanter, qui désormais parle et s’exprime sous le contrôle de systèmes espions et qui n’a plus l’autorisation de manifester, n’a d’autre perspective que la redoutable amende de 135 euros. Une punition d’une iniquité financière manifeste puisqu’elle frappe sans discernement les contrevenants sans tenir compte de leurs revenus. Pour réduire cette injustice le pouvoir envisage d’instaurer à sa place l’ablation de la langue.

Notre bon ministre de l’intérieur est d'ailleurs tout à fait favorable à cette mesure pour extirper l'esprit de contestation dans cette plèbe détestable. Il souhaite de plus priver de leurs droits civiques ceux qui auraient ainsi été punis. Plus de langue, plus de voix, la logique est plus évidente que la précédente tentative de priver d’un œil ceux qu’on ne voulait pas voir. Nous devons nous réjouir de ce retour à un peu plus d’humanité. Par contre, il restera en vigueur la possibilité d’arracher des membres supérieurs pour contrer d’éventuels votes à main levée.

L’idée générale qui préside à ce grand remodelage de la législation est de faire taire au plus vite toute forme de contestation. Les dictatures ont démontré leur capacité à se montrer bien plus efficaces que les démocraties dans la lutte contre la pandémie. C’est donc pour notre seul bien et dans le souci louable de préserver notre santé que toutes ces mesures sont prises à regret par nos grands démocrates qui se mettent désormais en marche au pas de l’oie sans tambour, ni trompette dans un silence de cathédrale sous les voutes calcinées de Notre Dame de Paris.

Chuttement leur.


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