Augustin d’Hippone : un théologien entre deux mondes
par Franck ABED
jeudi 15 mai 2025
Saint Augustin, père de l’Église et penseur inclassable, demeure l’un des plus grands théologiens de l’histoire du christianisme. Plus de 1600 ans après sa mort, ses œuvres continuent d’inspirer théologiens, philosophes et écrivains. Pourtant, son parcours fut loin d’être linéaire : il fut d’abord un homme du monde avant de devenir un homme de Dieu. Retour sur un itinéraire intellectuel et spirituel exceptionnel.
Une jeunesse agitée, entre ambition et plaisirs
Né en 354 à Tagaste (dans l’actuelle Algérie), Augustin est le fruit d’un couple mixte : un père païen, Patricius, et une mère chrétienne, Monique, dont la piété marquera profondément son destin. Brillant élève, Augustin excelle dans la rhétorique et se destine à une carrière prestigieuse. Mais sa jeunesse est aussi marquée par une quête de plaisirs. Il entretient une longue liaison avec une femme dont il aura un fils, Adeodat.
Séduit par la pensée manichéenne, il rejette d’abord le christianisme de son enfance, lui préférant une philosophie dualiste qui tente d’expliquer l’existence du mal. C’est à Milan, en 384, qu’un tournant s’opère : il y rencontre Ambroise, évêque influent, dont les homélies le bouleversent.
La conversion et la rupture
La lecture de la Bible et des œuvres philosophiques néoplatoniciennes ébranle ses certitudes. En 386, dans un jardin de Milan, il entend une voix d’enfant lui dire : « Prends et lis » (« Tolle, lege »). Il ouvre alors les Épîtres de Paul, et ce qu’il lit le décide à renoncer à sa vie passée. Il se fait baptiser en 387, puis retourne en Afrique, bouleversé, transformé.
Après la mort de sa mère à Ostie, il fonde un monastère à Hippone, puis devient évêque de la ville en 395. Sa vie, dès lors, se partage entre l’étude, la prière et la lutte contre les hérésies.
Un penseur majeur de la chrétienté
Augustin laisse une œuvre monumentale : ses Confessions racontent son cheminement intérieur, sa quête de vérité, ses errances, puis sa conversion. La Cité de Dieu, écrite en réponse au sac de Rome en 410, oppose la « cité terrestre » — régie par l’orgueil — à la « cité céleste » — fondée sur l’amour de Dieu.
Il affronte les hérésies donatiste et pélagienne, affirmant la primauté de la grâce sur les mérites humains. Pour lui, le salut ne peut venir que de Dieu, et non des seules bonnes actions. Sa pensée influencera durablement toute la théologie occidentale, jusqu’à Luther et Pascal.
Un homme de son temps, un esprit pour tous les temps
Augustin meurt en 430, alors que les Vandales assiègent Hippone. Il meurt dans une Afrique en train de basculer, mais sa pensée, elle, franchira les siècles.
Par son honnêteté intellectuelle, sa profondeur spirituelle, sa lucidité sur la condition humaine, Augustin demeure une figure incontournable. Philosophe du cœur et de la raison, il est ce pont entre l’Antiquité finissante et le Moyen Âge chrétien, entre la Rome des empereurs et celle des évêques...