Crise de rentabilité et fuite vers la finance : la fin d’un monde !
par politzer
vendredi 9 mai 2025
Crise de rentabilité et fuite vers la finance : une lecture marxiste
La financiarisation n’est pas un accident du capitalisme, c’est son stade parasitaire.
1. Marx et la baisse tendancielle du taux de profit : le début de la crise
Karl Marx a démontré que dans le capitalisme, le taux de profit tend à baisser à long terme, car le capitaliste, pour rester compétitif, remplace le travail vivant (source de la plus-value) par du capital fixe (machines, technologies). Cela augmente la composition organique du capital, tout en comprimant la plus-value relative.
La concurrence féroce entre capitalistes les pousse à vendre moins cher, donc à rogner leurs marges. D'où une crise de rentabilité chronique, à peine repoussée par des contre-tendances (intensification du travail, délocalisations, guerre, etc.).
2. Hudson : la financiarisation comme stratégie de fuite
Michael Hudson, bien qu’étranger au marxisme orthodoxe, décrit avec lucidité la fuite du capital vers la finance face à la chute de rentabilité productive.
Au lieu d’investir dans la production (moins rentable, plus risquée), le capital se déplace vers :
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les rentes (intérêts, dividendes, loyers),
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la spéculation (titres, dérivés, bulle immobilière),
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l’endettement généralisé (ménages, États, entreprises), qui permet de maintenir l’illusion de la consommation sans hausse des salaires.
Cette dynamique est présentée par Hudson comme une réponse rationnelle du capital à sa propre contradiction. Il nomme cela : le capitalisme rentier.
3. Le cas français : financiarisation à la sauce hexagonale
Depuis les années 1980, la France a suivi le mouvement mondial :
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Crise de rentabilité post-Trente Glorieuses,
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Dérégulation des marchés financiers,
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Spéculation immobilière,
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Montée des rentes dans les grandes entreprises du CAC 40.
L’État, loin de réguler, a accompagné ce processus : défiscalisation des revenus financiers, privatisations, incitations à la titrisation, endettement public pour relancer la consommation.
4. Ce que ne dit pas Hudson : une critique marxiste radicale
Michael Hudson pense qu’on pourrait "corriger" la financiarisation par la régulation, voire par un jubilé inspiré de l’Antiquité. Mais du point de vue marxiste, cela revient à panser les plaies sans supprimer la cause : le besoin de valorisation du capital dans un monde où la production devient trop peu rentable.
La financiarisation n’est pas un accident moral ni une mauvaise orientation. C’est le visage contemporain du capitalisme en déclin, qui préfère parasiter que produire.
Dès 1916, Lénine observait que le capital financier marquait une étape du capitalisme où la production cède le pas à la spéculation, aux monopoles et à la rente : « Le capitalisme est devenu parasitaire et pourrissant. » Cette vision est confirmée, non contredite, par le capitalisme du XXIe siècle.
5. Conséquences politiques : crise sociale et opportunité révolutionnaire
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Désindustrialisation et perte de souveraineté productive.
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Explosion des inégalités entre rentiers et travailleurs.
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Crises récurrentes (2008, COVID, dette publique, inflation).
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Défiance populaire, mais sans direction politique révolutionnaire.
Il n’y aura pas de sortie pacifique de la financiarisation. Elle est un symptôme avancé de la mort de la rentabilité capitaliste. Seule une réappropriation collective du crédit, de l’investissement et du travail peut rouvrir la voie à une véritable planification émancipatrice.