Faire l’amour ou travailler
par politzer
mercredi 23 avril 2025
Les motifs théologiques comme habillage des raisons économiques
Les textes religieux présentent les restrictions sexuelles comme des impératifs divins, mais des analyses contextuelles montrent que ces règles ont souvent coïncidé avec des besoins économiques, sans que ceux-ci soient explicitement mentionnés.
Exemple dans le judaïsme :
Motif théologique : Les lois de la Torah (Lévitique 18, 20) interdisent l’adultère et régulent la sexualité pour maintenir la pureté du peuple élu.
Raison économique sous-jacente : Dans une société agraire (XIIIe-Ve siècle av. J.-C.), la clarté des lignées et des héritages était cruciale pour éviter la fragmentation des terres. Les règles sur le mariage et l’adultère garantissaient que les ressources (terres, bétail) restaient dans la famille ou la tribu. Par exemple, l’interdiction des relations hors mariage réduisait les conflits sur la paternité, protégeant l’économie familiale.
Habillage : La justification divine (« Soyez saints, car je suis saint ») donnait une autorité absolue à ces règles, les rendant incontestables, alors qu’elles servaient aussi à stabiliser l’économie agraire.
Exemple dans l’islam :
Motif théologique : Le Coran (sourate 24:2) punit l’adultère pour préserver la piété et l’ordre divin.
Raison économique sous-jacente : Au VIIe siècle, dans une Arabie marchande en expansion, la stabilité des familles était essentielle pour le commerce et les alliances tribales. Les règles sur le mariage et l’héritage (sourate 4:11-12) assuraient une répartition claire des richesses, tandis que l’interdiction de la zina (adultère) évitait les disputes sur la paternité qui auraient pu fragiliser les réseaux économiques.
Habillage : En présentant ces règles comme des commandements d’Allah, les autorités religieuses leur donnaient une légitimité transcendant les intérêts matériels, tout en consolidant l’ordre économique.
Exemple dans le christianisme :
Motif théologique : Le célibat clérical (formalisé au IVe siècle, renforcé au XIe siècle avec les réformes grégoriennes) est justifié par la nécessité de se consacrer à Dieu (1 Corinthiens 7:32-34).
Raison économique sous-jacente : Le célibat empêchait les prêtres d’avoir des héritiers, ce qui évitait la dispersion des biens ecclésiastiques (terres, richesses). Cela renforçait le pouvoir économique de l’Église, qui accumulait des ressources sans les voir accaparées par des familles cléricales.
Habillage : La rhétorique de la pureté et de la consécration divine masquait cet avantage économique, présentant le célibat comme une vertu spirituelle plutôt qu’une stratégie de consolidation du pouvoir matériel.
2. Les motifs théologiques comme légitimation du patriarcat
Les restrictions sexuelles ont souvent renforcé des structures patriarcales, en contrôlant la sexualité féminine pour maintenir la domination masculine. Le discours théologique, en invoquant des idéaux nobles, a pu servir à naturaliser ces hiérarchies sociales.
Judaïsme :
Motif théologique : La pureté rituelle (niddah, Lévitique 15:19-24) et l’interdiction de l’adultère sont présentées comme des moyens de plaire à Dieu.
Dynamique patriarcale : Ces règles contrôlaient surtout la sexualité des femmes, garantissant la certitude de la paternité pour les hommes. Par exemple, les sanctions pour adultère étaient souvent plus sévères pour les femmes, et la niddah imposait des restrictions principalement aux femmes. Cela renforçait le pouvoir des hommes sur les corps féminins et les lignées.
Habillage : En encadrant ces règles dans un discours de sainteté, le judaïsme ancien légitimait le contrôle masculin comme une nécessité divine, masquant son rôle dans la perpétuation du patriarcat.
Christianisme :
Motif théologique : Les épîtres de Paul (Éphésiens 5:22-24) placent la femme en soumission à son mari, dans une analogie avec l’obéissance de l’Église au Christ.
Dynamique patriarcale : Les restrictions sur la sexualité (chasteté avant mariage, fidélité) pesaient davantage sur les femmes, dont la virginité était une valeur sociale clé. L’idéalisation du célibat ou de la virginité (comme chez Marie) glorifiait un modèle féminin passif, tandis que les hommes avaient plus de latitude (par exemple, dans la polygynie tolérée dans certaines communautés primitives).
Habillage : Le langage de la pureté et de l’ordre divin naturalisait la subordination des femmes, présentant le patriarcat comme une structure voulue par Dieu.
Islam :
Motif théologique : La modestie (hijab, sourate 24:31) et les règles sur le mariage sont justifiées par la protection de la pudeur et de la piété.
Dynamique patriarcale : Ces règles limitaient la liberté des femmes dans l’espace public et renforçaient le contrôle masculin sur leur sexualité. Par exemple, la polygynie autorisée pour les hommes (sourate 4:3) contrastait avec l’exigence de fidélité absolue pour les femmes. Le mariage, encadré par des contrats, donnait aux hommes un pouvoir économique et social sur les épouses.
Habillage : En invoquant la volonté d’Allah, ces règles étaient présentées comme un idéal moral, masquant leur rôle dans la consolidation du pouvoir masculin.
Hindouisme :
Motif théologique : Les Lois de Manu décrivent le mariage comme un devoir sacré, où la femme doit servir son mari comme un dieu (Manu 5:147-155).
Dynamique patriarcale : La sexualité féminine était strictement contrôlée pour préserver la pureté des castes et la lignée masculine. Les femmes étaient subordonnées à leur père, mari ou fils, et leur chasteté était essentielle pour maintenir l’honneur familial.
Habillage : Le concept de dharma (ordre cosmique) donnait une aura sacrée à ces hiérarchies, présentant le patriarcat comme une nécessité universelle plutôt qu’une construction sociale.
3. Pourquoi cet habillage théologique ?
Légitimation par le sacré : Dans les sociétés anciennes, la religion était le principal cadre de sens et d’autorité. En justifiant les restrictions sexuelles par des motifs divins, les autorités religieuses rendaient ces règles incontestables, car elles transcendaient les intérêts humains. Cela évitait les débats sur leur utilité économique ou leur caractère oppressif.
Naturalisation des hiérarchies : Le discours théologique présentait les structures patriarcales et économiques comme des réalités éternelles, voulues par Dieu ou l’ordre cosmique. Cela décourageait les remises en question, en particulier de la part des groupes subordonnés (femmes, classes inférieures).
Cohésion sociale : En unifiant les motivations économiques (stabilité, héritage) et sociales (patriarcat) sous une bannière spirituelle, les religions renforçaient la cohésion des communautés, même si cela servait les intérêts des élites (hommes, prêtres, chefs).
4. Preuves et limites de cette analyse
Preuves :
Textes implicites : Bien que les textes religieux n’évoquent pas directement des motifs économiques ou patriarcaux, leurs effets pratiques (contrôle des héritages, subordination des femmes) sont visibles dans les structures sociales qu’ils soutiennent. Par exemple, les lois sur l’héritage dans l’islam (sourate 4:11) favorisent les hommes, renforçant le patriarcat tout en assurant la stabilité économique.
Études historiques : Des chercheurs comme Max Weber (pour le protestantisme) ou Michel Foucault (pour le contrôle des corps) ont montré comment les normes religieuses servent des intérêts matériels ou de pouvoir, même si elles sont formulées en termes spirituels.
Anthropologie : Les restrictions sexuelles dans les sociétés traditionnelles (religieuses ou non) sont souvent liées au contrôle des ressources et des lignées, suggérant que les religions ont codifié des pratiques préexistantes pour des raisons pratiques.
Limites :
Manque de preuves explicites : Les textes fondateurs ne mentionnent pas d’intentions économiques ou patriarcales, ce qui rend l’analyse dépendante d’interprétations rétrospectives. Il est possible que les rédacteurs croyaient sincèrement à la dimension spirituelle de ces règles.
Diversité des contextes : Toutes les restrictions sexuelles ne servent pas des motifs économiques ou patriarcaux. Par exemple, le célibat bouddhiste, appliqué aux hommes comme aux femmes, vise la liberation spirituelle sans distinction de genre.
Risque d’anachronisme : Appliquer des concepts modernes (patriarcat, économie) à des textes anciens peut simplifier des réalités complexes, où la spiritualité et la pratique étaient entrelacées.
5. Conclusion
Les restrictions sexuelles dans les religions, bien que justifiées par des motifs théologiques nobles (pureté, obéissance divine), ont souvent servi à habiller des raisons économiques (stabilité des ressources, héritages) et sociales (maintien du patriarcat). Cet habillage est prouvé par :
Les effets pratiques des règles, qui renforcent les hiérarchies masculines et la gestion des richesses.
Les contextes historiques, où la religion légitimait les structures de pouvoir.
Les analyses critiques, qui révèlent des motivations implicites derrière le discours spirituel.
Enfin pour le père de la psychanalyse :