André Pironneau : « inventeur » de Charles de Gaulle, ou bien, rien que son « perroquet » ? (2)

par Michel J. Cuny
vendredi 27 juin 2025

Tout n’aurait-il fait que commencer le 18 juin 1940 à la B.B.C. ? Une sorte de création divine pour sauver la France ?...

Autre façon de poser la même question : devrions-nous immédiatement passer par pertes et profits l’étrange André Pironneau, secrétaire général du journal L’Écho de Paris durant les deux décennies 1920 et 1930 ?

Cette affaire-là va nous mener très loin, beaucoup plus loin que quiconque aurait pu oser le penser, puisqu’il s’agit d’aller aux sources d’une légende apparemment intouchable pour la faire voler en éclats, et même bien au-delà…

Commençons tout doucettement en nous tournant vers ce livre publié en 2020 aux Presses universitaires de Rennes sous le titre Charles de Gaulle et l’irruption hitlérienne – Le gaullisme précurseur, 1932-1940, par MM. Gilles Le Béguec, Jean-Paul Thomas et Jean Vavasseur-Desperriers.

Cela ne nous fera d’abord aucun mal, puisque les auteurs se gardent bien de dévoiler le "pot aux roses" : ils ne font que tourner autour, pour ne surtout rien nous en dire… Mais ils ne nous en auront pas moins montré le chemin, et c’est là un bien grand mérite.

Remarquons-le aussitôt : d’une certaine façon, l’Introduction rédigée par Jean-Paul Thomas nous dit tout… et « tout » cela, pour finir par ne rien nous dire du « tout »…

Ceci étant écrit, il faut bien partir de quelque chose… Eh bien, allons-y :
« La découverte exhaustive des articles d’André Pironneau a été pour nous un point de départ. » (page 19)

Nous y avons lu ces deux mots : « découverte  » et « exhaustive ». Cinquante ans après la disparition d’un personnage aussi important que Charles de Gaulle, quelque chose aura été « découvert  » et, jusqu’au dernier détail… Passons à la suite :
« Les sources étaient pour certaines fort accessibles (particulièrement depuis la numérisation par Gallica des principaux titres de la presse tombée dans le domaine public) ; à commencer par ce dont la découverte a été le déclencheur de notre recherche : les éditoriaux et articles de Pironneau dans L’Écho de Paris puis L’Époque (beaucoup plus de quarante en fait concernant de près ou de loin la campagne gaulliste). » (page 20)

C’est que, dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle s’était lui-même arrêté à cette quantité-là. Reprenons la citation placée en épigraphe de l’Introduction que nous étudions :
« Je fis, d’abord, alliance avec André Pironneau, rédacteur en chef de L’Écho de Paris, puis directeur de L’Époque. Il […] publia quarante articles. » (page 15. La coupure est de J.-P. T.)

Ainsi, depuis 1954, date de parution du premier tome de l’œuvre magistrale du Général, Pironneau aurait pu être suivi à la trace… par les historiens, et pour leur permettre d’y voir plus clair… Or, Jean-Paul Thomas ne peut manquer de le souligner avec force :
« C’est par lui, et par sa campagne dans L’Écho de Paris (première partie) que nous devons commencer ; car c’est en partant de son rôle, établi dans le sens que lui donnait de Gaulle – mot à mot, jusqu’à un « d’abord » que nous ne banaliserons pas – qu’on déchiffre le puzzle de ce commencement. » (page 22 )

Il y a donc un « puzzle »… Certainement, de quoi nous amuser pendant longtemps, à condition, bien sûr, de nous permettre de disposer d’au moins quelques pièces… Et, manifestement, nous n’allons pas découvrir là qu’un vague pipi de chat…
« La plus importante des sources qu’on vient de citer sera réévaluée, au plus haut niveau : nous montrerons au chapitre V que la majorité du texte des « quarante articles » de Pironneau – en fait un peu plus de quarante – dans sa campagne pour « l’armée mécanique  » furent rédigées par Charles de Gaulle lui-même ; et qu’ils constituent donc, de lui et sur ce sujet, le fonds le plus considérable d’inédits (l’équivalent de près de cent cinquante pages d’éditeur) – inédits au sens où ils n’ont jamais été signés, ni publiés sur autre support qu’un périssable journal, mais lu par la suite. » (page 23)

Incroyable ! L’essentiel des inédits de notre très grand homme (surhomme !) nous aurait échappé… Par millions, les commandes vont se précipiter en direction du désormais fameux puzzle… Quel coquin : avoir su faire d’André Pironneau un parfait perroquet de la grande cause de la France !

Mieux, si possible… Et nous voici déjà dans la deuxième partie, cette fois encore due à Jean-Paul Thomas :
« Les « quarante articles » sont en fait près d’une cinquantaine, dont on donne la liste en annexe, identifiables sans difficulté, sauf possible erreur marginale d’imputation […MJC]. » (page 110)

Plus grand encore que prévu, le puzzle ! Dieu veuille qu’aucune pièce n’en fût perdue !... Or, « on [en] donne la liste en annexe  ».

Effectivement, dès la page 114 d’un livre qui en compte 315, une liste apparait avec les dates de publication dûment indiquées… Disons-le tout de suite, et rien que pour ménager un certain suspense : le dernier article serait du 12 novembre 1937, alors qu’un œil un peu plus curieux pourrait consulter la source… et découvrir avec une certaine stupeur qu’en juin 1940 encore, etc., etc.

Pauvre France ! Elle ne va faire que commencer à vraiment souffrir, et jusqu’au plus profond d’elle-même.

Michel J. Cuny

 


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