Pourquoi tant de gens détestent Ségolène Royal

par Bernard Dugué
jeudi 20 novembre 2008

Ce n’est pas un scoop, il existe un front anti-Ségolène au PS. Un sondage, à prendre avec des pincettes, suggère que 6 Français sur 10 ne veulent pas de Mme Royal à la tête du PS. Que sait-on au juste de Ségolène Royal ? Une chose est certaine, elle ne laisse pas indifférent. Les uns lui vouent une adoration sans borne, les autres une haine indélébile. Etonnant dirait Desproges.

Des gens tout à fait sérieux, cultivant la rationalité, pensent que Mme Royal est la personne d’avenir capable de prendre la tête du PS, le réformer et (se) présenter un candidat capable de battre Nicolas Sarkozy qu’on pressent mûr pour un second mandat. Une Royal qui serait prête à écouter les militants, les accueillir, en baissant le prix de l’adhésion, les entendre pour rédiger un programme de synthèse. A écouter les plus fans, on croirait à un conte de fée politique.


Pourtant, quelque chose dérange. Pour ma part, je n’apprécie guère Mme Royal. Je vais tenter de m’expliquer sur ce sujet car quelque part, mon âme est terriblement troublée de ce sentiment foncièrement incorrect. Pourquoi n’ai-je pas envie de voir Mme Royal jouer les premiers rôles ?


Une anecdote pour commencer. Il est un fait avéré, c’est qu’à la Région Poitou-Charentes, Mme Royal n’est pas très appréciée par une partie de son personnel qui la juge autoritaire, autocrate, peu encline au dialogue. On se souvient aussi de la manière dont elle avait mouché une journaliste dans un avion. Derrière tant de lumière et de sourire radieux, il y a une zone d’ombre mais n’est-ce pas naturel quand on navigue dans ce milieu politiciens où le plus important est de flinguer ses adversaires, pour après parvenir aux affaires. Mais revenons à cette anecdote. Lors d’une réunion d’un club associatif citoyen, j’évoquais certaines pratiques locales où les associations sont chapeautées, bichonnées, introduites, subventionnées par le « notable local ». Je fis alors une allusion sans détour à la présidente du Poitou. Ce qui m’attira les foudres d’une dame, la cinquantaine, qui me fit comprendre qu’il était inconvenant de s’attaquer à Mme Royal car elle représente le seul avenir pour les forces de gauche. S’en est suivi un échange de mail plutôt musclé. En fin de compte, je compris quel enthousiasme et quelle dévotion semble susciter cette dame douée d’un fort charisme. Et ma foi, si c’est pas un phénomène religieux, cela y ressemble fort.


Cet événement s’est produit avant que Mme Royal ne soit investie par les primaires en 2006. La suite a confirmé ce phénomène de grande messe lié aux rassemblements autour de Ségolène. Avec le recul actuel, d’aucuns ont pu comparer cet engouement avec celui porté par Obama. Mais la France n’étant pas les Etats-Unis, le pays de la rationalité n’apprécie pas forcément ce côté messe et messianisme exposé ostensiblement dans les médias.


Ségolène prétend être proche des Français, d’entretenir une relation toute spéciale. C’est exact. Mais comment ne pas penser à une sorte de relation fusionnelle comme on en trouve dans les assemblées sectaires. Dans les réunions organisées par Raël, on peut trouver ce genre d’atmosphère. Oh, que n’ai-je pas dit, comparer Ségolène à Raël, je vais me faire lyncher, j’ai cassé l’ambiance, la dynamique. Mais « dame Raison » ne m’en voudra pas de dénoncer ce côté irrationnel, ces atmosphères presque magiques, cette politique qui se joue plus sur la foi que la raison, cette dévotion, cette canonisation de sainte Ségolène avant même que le miracle de son élection ne se soit produit. Cela ne fait pas sérieux. Et c’est toujours ennuyeux quand une politique se joue sur des sentiments et des fusions. Une secte au pouvoir, ce n’est jamais bon. N’oublions pas que la majorité des Français ne fusionnent pas avec Ségolène. Quant au programme proposé par Mme Royal, il n’est guère original. Sorte de patchwork de différentes idées piquées ça et là pour habiller tous les Pierre et les Paul de la grande transformation socialiste.


J’ai quand même lu ce fameux contrat de gouvernance figurant sur le site Désir d’avenir. On y lit que le PS doit être exemplaire, meilleur que la société qu’il est amené à transformer. C’est un peu troublant, ce manichéisme anthropologique. En fait, on retrouve chez Ségolène Royal tous les travers qu’on a pu reprocher à Nicolas Sarkozy. C’est même peut-être pire. Atmosphère de kermesse, de scoutisme. Agitation permanente, exemple, cette réunion des partis des 27, des ONG, des syndicats, du n’importe quoi à vrai dire. Et le style Ségolène, girouette, disant une chose, par exemple le Smic à 1500 euros bruts, pour se renier quelques jours après. Cette improvisation dans les déclarations. Et surtout cette auto persuasion révélant une mégalopathie (terme emprunté à Sloterdijk) extrême. Cette dénégation de réalité quand elle se base sur la présidentielle de 2007 pour asseoir une légitimité. D’ailleurs, le soir même de l’élection, elle était tellement euphorique dans son bain de foule qu’un journaliste étranger de passage aurait pu croire qu’elle avait gagné. Ségolène Royal souffre d’un trouble de la représentation d’un réel qu’elle mesure au miroir de ses ambitions. L’Histoire sait que ce genre de personnalité ne donne pas les meilleurs résultats.


En fin de compte, si tant de gens n’aiment pas Ségolène, c’est pour des raisons conscientes mais aussi parce qu’elle leur rappelle Sarkozy et que si c’est pour être gouverné par une Sarkozette, toutes ces causeries médiatiques sont vaines. Autant ramener Mme Royal à une possible ministrable car telle est sa place.



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