Taser, le faux débat

par Francis, agnotologue
lundi 27 octobre 2008

Beaucoup de choses concernant le Taser ont été dites sur Agoravox, et ce qu’on peut en lire tourne essentiellement autour de la question de savoir si le Taser est létal ou pas (1). Pourtant, il serait trompeur de s’en tenir à cette seule question.

État des lieux. Le décret du ministère de l’Intérieur "relatif à l’armement de la police municipale", en date du 22 septembre, a été publié le lendemain par le Journal officiel : il "autorise les policiers municipaux à porter le pistolet à impulsions électriques. Ces types de pistolets sont déjà en service dans la gendarmerie et la police". (2)

"Ces armes sont classées dans la 4e catégorie, celle des armes à feu de défense. Elles nécessitent une autorisation préfectorale pour être utilisées. Tous les policiers et gendarmes en service possèdent cette autorisation. Conformément à la loi française, le Taser ne peut être utilisé par la police qu’en état de légitime défense, c’est-à-dire lorsque la personne qui l’utilise ou un tiers est menacé, et que son utilisation est proportionnelle à l’attaque." (3) On notera le flou d’une telle définition qui autorise toutes les interprétations.

 

Quelle utilisation ? Selon Rama Yade, "Le recours au pistolet à impulsion électrique Taser par la police doit être ’strictement encadré’, notamment dans son usage contre des mineurs, et pour éviter que quelqu’un n’y laisse la vie". (4) On notera également la précision relative aux mineurs !

Sur le site de La Provence, on peut lire : "Le Taser a-t-il sauvé une vie mardi, à Marseille, en venant se substituer à une arme de service ? C’est ce que soutiennent d’une même voix les syndicats policiers Alliance (plutôt de droite) et Unsa (plutôt de gauche), pour commenter l’usage d’un pistolet à impulsion électrique sur un adolescent de 15 ans". (5)

Question : Les policiers auraient-ils dans ces circonstances fait usage de leur arme à feu s’ils n’avaient pas possédé un Taser ? Si la réponse est oui, l’heure est grave.

De nombreux exemples d’utilisation par les polices américaines, consultables sur internet, ne montrent pas toutes, loin s’en faut, des situations de légitime défense ni de menace de la vie d’autrui. "Sur 310 personnes en Amérique du Nord qui sont décédées des suites d’une ou plusieurs décharges électriques du Taser, plusieurs étaient intoxiquées soit à l’alcool ou étaient sous l’effet de drogues diverses. La majorité ont été impliquées dans une altercation avec la police, ont été manipulées avec force et plusieurs étaient restreintes physiquement d’une façon ou d’une autre". (6) On notera que pour faire 310 morts, il aura fallu des milliers de tirs.

 

La liberté d’expression menacée ? Selon Naomi Klein : "Les Tasers ne sont pas un remplacement aux armes à feu, ils sont un remplacement à la discussion, la négociation".

Andrew Meyer assistait à une séance de question dans une université de Floride. Il a posé des questions qui ont laissé Kerry sans voix. J’ai vu la vidéo qui semble être aujourd’hui indisponible. Le texte dit : "Le courageux et honnête citoyen Andrew Meyer, armé seulement de ses documents, a été emmené manu militari par les policiers et tasé. Qu’a fait l’assistance pour aider cet homme bâillonné ? Rien. Ce qui se passe dans cette salle est à l’image de ce qui va se dessiner à grande échelle. Chacun d’entre nous y est représenté". (7)

 

Alors, progrès démocratique ou dérive totalitaire ? De ces observations, on peut d’ores et déjà craindre deux choses : dans la plupart des cas, quand il n’y aura pas mort d’homme, il est peu probable que le policier aura à justifier son acte. Et quand il y aura des accidents, on mettra cela sur le compte à "pas de chance" et le policier en sera quitte. Par conséquent, il est indéniable que les policiers feront beaucoup plus fréquemment usage du Taser qu’ils ne le faisaient par le passé des armes à feu, trop dangereuses… pour eux !

Ceux qui nous gouvernent : sans risque de se tromper beaucoup, on peut dire que ceci aura deux conséquences : une augmentation des homicides lors des interpellations, mais aussi et c’est le but, une soumission sans faille en cas d’interpellation. Cela me rappelle ce qu’on écrivait sous la dictée lors de l’incorporation militaire : "il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière et de tous les instants." C’est alors que l’expression favorite des grands médias concernant les gouvernants, "nos gouvernants", prendra tout son sens.

Terroriser les terroristes : devant la grogne que l’on sent monter, les gouvernements occidentaux semblent avoir entrepris de faire changer la peur de camp en traitant tous leurs citoyens comme des terroristes potentiels.


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