Voguéo, un gadget ?

par Scaevola
jeudi 21 août 2008

Deux mois après sa mise en service, Voguéo a-t-il trouvé sa place ? Un petit tour à bord s’impose.

Son annonce n’avait pas provoqué à l’époque un grand émoi sur Agoravox, on peut même sentir dans les rares commentaires une certaine réserve, voire une certaine dose de sarcasmes, mais, après deux mois d’exploitation, il est possible de dresser un premier bilan de ce qui est présenté comme une expérimentation, et c’est un utilisateur régulier qui vous livre ses impressions.


Pour mémoire et en résumé, Voguéo présente les caractéristiques suivantes :

Ces quelques détails connus, il est temps de tester le service et, avant tout, il faut trouver l’embarcadère : sur ce point, il n’y a rien à dire, la signalétique est bien en évidence et le logo Voguéo flotte en haut d’un mat à chaque escale. Le voyageur venant d’une gare ou d’une station de métro sera, lui, guidé par des affichettes. A l’embarcadère, un afficheur indique, comme pour un autobus classique, l’heure des deux prochains départs ; un plan et les horaires sont bien visibles eux aussi.


Selon l’heure, une file d’attente plus ou moins importante se forme : utilisateurs réguliers, curieux, touristes. Enfin le bateau - flambant neuf - arrive à quai, il ralentit, le matelot enfile son gilet de sauvetage, puis il amarre, ouvre le portillon et enlève la chaîne qui retient les passagers désireux de débarquer. Un comptage scrupuleux s’engage alors, car il ne sera pas question d’accueillir plus que les soixante-quinze personnes autorisées. Aucun problème aux heures creuses, mais, à certaines heures, la situation est plus difficile et tout le monde ne montera pas. En effet, nombre de passagers utilisent Voguéo de façon circulaire ; une balade en bateau pour 3 euros, ça ne se refuse pas : une sorte de bateau-mouche du pauvre en somme, et les passagers surnuméraires n’ont plus qu’à attendre le bateau suivant, et tant pis s’ils avaient un train à prendre.


Quant aux heureux élus qui ont gagné le droit de monter à bord, ils doivent encore attendre que le matelot-compteur leur permette - au compte-goutte - d’acheter ou de valider leur titre de transport et, apparemment, nous ne sommes pas dans une logique d’efficacité, pas plus que d’amabilité, le débarquement/embarquement aura duré cinq minutes.

Le trajet s’effectue - enfin - à petite vitesse, laissant aux passagers tout loisir de contempler les berges du fleuve et l’habitat précaire qui les borde : eh oui, il y a encore des bidonvilles à Paris !


Ne nous méprenons pas, sur le fond, l’idée d’utiliser la Seine comme moyen de transport en commun est une bonne idée et, concernant la desserte actuelle (Alfort Ecole vétérinaire - Gare d’Austerlitz), Voguéo offre un trajet en trente minutes, soit le même temps que le métro (Ligne 8 puis 5) ou le bus (ligne 24), l’argument du temps de trajet, si cher à ses détracteurs, ne tient donc pas ici.


Outre le temps de trajet, il faudrait, pour être rigoureux, faire une comparaison sur le plan économique (hors investissement initial, en ramenant le budget annuel au service quotidien, chaque trajet coûte environ 250 euros) et, bien évidemment, écologique avec l’offre bus/métro/RER : malheureusement, on ne dispose pas pour le moment de données fiables sur le nombre de personnes transportées.


Une ombre au tableau toutefois, il paraît curieux d’avoir concédé la ligne à une société (Batobus) qui se retrouverait - en cas d’extension vers le centre de Paris - en concurrence avec ce "nouveau" moyen de transport et il y a fort à parier que cette société fera tout pour noyer le projet (sans jeu de mot) sans oublier qu’elle aura recours à un lobbying intense.


En conclusion provisoire, Voguéo est certes un gadget parce que les dessertes sont insuffisantes, la fréquence trop faible et la vitesse d’exploitation relativement lente, ceci sans oublier que ce trafic n’allège que très peu les autres moyens de transport, mais il reste que la Seine est un potentiel inexploité, on peut dès lors espérer le rétablissement d’une ligne Maisons-Alfort Suresnes comme cela existait au début du siècle dernier.


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