Caniculingus
par C’est Nabum
jeudi 21 juillet 2022
Langues de feu.
Est-ce le relâchement estival qui impose son rythme et sa manière d'évoquer l'air du temps ? Celui-ci à n'en pas douter ouvre l'ère du caniculingus. Les langues de vipère se font un malin plaisir de perdre leur sang-froid, de préparer leur mue afin d'aborder au mieux les cataclysmes promis. Chacun y allant de sa prophétie pour mettre le feu aux esprits.
Le mercure a supplanté le plomb, lequel pourtant se complait à assommer le malheureux qui veut s'aventurer sous un soleil éponyme. Seuls les marchands de climatiseurs se frottent les mains, ils transforment la calamité en Or en attendant l'embrasement des cours. Les courbes ne cessent de monter, d'atteindre des pics de chaleur tandis que les glaciers fondent comme neige au soleil.
Les estivants se ruent sur les marchands de glace qui font leur beurre tandis que les terrasses ne désemplissent pas. Boire, s'hydrater, s'asperger, s'humidifier alimentent les conversations tandis que les alertes orange sèment la consternation dans les flashs d'information. L'expert en climatologie a supplanté l'épistémologiste qui se drape dans sa dignité outragée. Voilà des professions qui bien qu'ayant le vent en poupe sont depuis quelque temps en surchauffe.
Les chalands affrontent la fournaise au petit matin, cherchant les coins ombragés quand les aménageurs urbains ont daigné laisser des arbres dans leur périmètre d'invention. Ces derniers préfèrent de très loin ériger des centres commerciaux qui reçoivent les badauds en mal de climatisation. Le commerce tire profit de ce détournement de sens.
Les points d'eau sont en ébullition. La foule vient se presser dans ces ultimes refuges pourvu qu'ils soient artificiels. Les rivières touchent le fond, l'eau déserte leurs cours pour aller se réfugier dans les piscines privatives qui font le plein de privilégiés. Le chacun pour soi est en marche tandis que les plus fortunés naviguent à vue sur leurs yachts énergivores et que les plus crétins des humains, font vrombir leurs jets-skis pour devancer l'explosion finale.
Le réchauffement a des allures de dérèglement, la folie gagne les esprits tandis qu'il demeure des irréductibles pour expliquer que cette fournaise n'est que foutaise, propos absurdes de pessimistes indécrottables, incapables de prendre un peu de hauteur. Qu'importe du reste l'opinion que l'on défend, l'essentiel est de gloser sur la chose. Plus les esprits s'échauffent, plus le poisson est noyé.
Un monde cul par-dessus tête se focalise sur le sujet brûlant de l'heure, le nez dans le guidon et la langue toute disposée à répéter en boucle les âneries du moment. Chacun y allant de son petit refrain pour donner son avis sans rien modifier à son comportement. On suppute, on subodore, on extrapole les sacrifices à venir pour sauver ce qui pourra l'être encore avant que de réclamer une hausse des salaires pour continuer comme si de rien n'était à brûler les chandelles par tous les bouts.
Les adeptes du caniculingus ne se pénètrent pas de la nécessité de transformations radicales. Ils changent à la marge leurs comportement adoptant le tout électrique sans chercher à mesurer les conséquences dramatiques de tous ces équipements qui viennent gonfler encore notre pillage des ressources terrestres. L'essentiel pour eux est de disposer de ce certificat de bonne conduite que leur donne leurs immondes batteries.
Plus la menace se précise, plus les comportements sont inappropriés. La course en avant a même connu une formidable accélération. Plus ça chauffe, moins on s'oriente vers la sagesse. Le caniculingus n'est qu'une forme suicidaire de la langue de feu, celle qui brûle tout sur son passage, ne laissant que désolation et cendres. Les feux de forêt ne sont à ce titre que le prologue de l'embrasement général.
À contre-feu.