Le clou du spectacle

par C’est Nabum
lundi 30 juin 2025

 

Bis-repetita

 

Voici une faribole qui ne risque pas de percer le mur d'incompréhension qui se dresse devant moi quand j'arpente les sentiers escarpés d'une langue en désuétude. Mots et expressions obsolètes vont surgir à l'improviste, histoire de perdre en chemin les adeptes de la novlangue ! La preuve en est administrée d'entrée de jeu…

 

Un clou qui ne valait pas grand-chose

Se mit en quête de faire son trou

Pour cela, devait prendre la pose

Sur une belle planche d’acajou

 

Le prix des choses ne se comptent plus en clous ni même en sous. Je risque de passer pour un palabreur éculé tandis que les mécontents ne me rendront pas la monnaie de ma pièce. Quant à savoir pour eux que l'acajou est une essence, il faudrait s'adresser à des auditeurs de vieille souche.

 

Il voulait connaître la vie de château

Hélas, il souffrait de maux de tête

Comment ne pas en devenir marteau ?

Il lui fallait admettre sa défaite

 

Cette fois, c'est la migraine qui guette tous ceux qui ne savent pas qu'un clou à une tête qui peut être ronde, carrée ou bien fantaisie, dorée, cuivrée ou de différentes variantes. Et ce fameux marteau de tapissier à bout aimanté n'attirera pas les foules qui n'ont que faire de cet outil...

 

Il fut abusivement mis au clou

Sans pouvoir assurer sa défense

Dans les puces de la Porte Saint-Cloud

Il rêvait d'une nouvelle chance

 

C'est sur la pointe des pieds que nous pénétrons dans l'univers des expressions. La mise au clou a depuis belle lurette tiré sa révérence et il est peu probable qu'on me fasse crédit alors que je ferai plutôt pitié avec mes puces de Saint-Cloud qui ne sont pas vraiment à la Défense ; une liberté poétique qui arrachera des récriminations dans les banlieues.

 

Un cyclotouriste en goguette

Désirait dénicher un vieux clou

Parmi toutes ses nombreuses emplettes

Trouva le pauvre écervelé, c'est fou

 

Cette fois c'en est trop. Le cyclotouriste passe encore quoi que ce terme sort désormais du cadre habituel de l'usager des deux roues. Mais le vieux clou ne dira rien qui vaille à tous ceux qui ne connaissent ni le terme goguette ni celui d'emplette. Faut-il être écervelé pour les penser encore à mon écoute.

 

Trop émoussé, le clou prit la chambre

Histoire de se refaire la cerise

Mais pour ce pitoyable ingambe

Une fuite d'air prouva sa méprise

 

La parabole de la chambre ne manque pas d'air tandis que cet ingambe est une forme de rustine pour leur boucher un coin. Vaine percée dans le champ de la poésie éthérée, j'ai le sentiment que même la pointe de mon stylo est émoussée...

 

Un bienfaiteur le remet en selle

Souhaitant le porter au pinacle

Ce metteur en scène très ficelle

Voulut en faire le clou du spectacle

 

Là, c'en est trop. Remettre en selle sera sans nul doute pris au premier degré et ceci fort cavalièrement que j'en sue ici sous forme de métaphore. Je ne risque pas d'être porté au pinacle, terme du reste qui n'a rien de sexuel, j'aurais pu alors espérer être compris. Mais voilà que surgit une nouvelle expression qui fait tomber le rideau sur mes vers.

 

Lorsque les trois coups du brigadier

Enfoncèrent la future vedette

Dans le trou du souffleur fut expédié

Qui espérait crever les planchettes.

 

La suite sera dramatique. Mais que vient faire la police sur une scène de théâtre, c'est du grand Guignol avec le bâton du brigadier qui en devient marteau et le clou qui se refuse à crever les planches, pour sauver la rime. Tout va à vau-l’eau désormais.

 

Et tout au fond de ce trou ingrat

Se trouva, loin des feux de la rampe,

Ce malheureux qui jamais ne perça !

D'un héros, il n'avait pas la trempe !

 

Que le clou rende son dernier soupir dans le trou du souffleur demandera explications pour que les derniers courageux s'accrochent aux feux de la rampe. J'en ai des sueurs froides mais hélas, elles n'ont rien à voir avec cette trempe qui les laisse sur leur soif.

 

 

Sa pauvre histoire ainsi s'acheva

Dans l'indifférence générale

Loin des applaudissements, des hourras !

Il ne valait pas un clou, c'est fatal

 

Parachever ce suicide littéraire avec un nouvel idiome passé totalement de mode tout en brisant la syntaxe classique pour le besoin des rimes ne risque pas de me permettre de retomber sur mes pieds. Qu'importe, j'en assume la perspective.

 

Qu'un quidam sème des clous sur la route

Espérant que vous vous dégonfliez

Alors, sans l'ombre du moindre doute

Vous penserez à le crucifier

 

Et pour conclure, rien de mieux qu'un petit blasphème de derrière les bigots. Ce clou-là pourtant n'a jamais connu le Golgotha ce qui n'interdit pas de me mettre en croix pour cette faribole iconoclaste.

 


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