Les rendez-vous de la mission Val de Loire

par C’est Nabum
lundi 8 octobre 2012

Marine et langue de bois ...

Vidéo  :

Une troupe joyeuse de mariniers distingués s'est donnée rendez-vous matutinal au Girouet, haut lieu de la gastronomie et de l'animation de notre fleuve à Orléans. La fine fleur du gratin ligérien se met en route, cap à l'ouest pour se rendre à Tours. Dans la voiture, les essieux se lamentent, à l'intérieur, la conversation bat son plein.

La politique fluviale est à l'ordre du jour. Il s'agit de l 'aménagement de notre fleuve, de la navigabilité du canal et des incohérences des financeurs locaux. La crise repousse aux calendes grecques les promesses d'antan. Le canal se remplit de lentilles aussi vite qu'il se vide de son eau. Les atermoiements du syndicat du canal ne sont pas nouveaux, seul l'indemnité et le ticket de présence fonctionnent bien …

Un canal sans bateau, avez-vous vu ça ? La navigation y est même interdite aux bateaux munis de moteur thermique. Nous devons faire pression pour qu'arrive enfin l'autorisation de mener à bien une animation programmée de longue date. Le président du canal ayant le souhait d'endormir la demande pour ne pas se mouiller. Rien de plus simple quand une partie de ce gouffre financier est à sec.

La discussion vire sur d'autres terrains, un débat consensuel et agréable, nos vins de Loire. Les papilles se réveillent. Il fallait bien ça pour supporter ce qui allait suivre. Pourtant, la journée s'annonçait prometteuse ; la Loire comme thème fédérateur. Hélas, bien peu de ceux qui prirent la parole, connaissent la fille Liger intimement.

L'adjoint au maire de Tours ouvre la séance dans la magnifique salle de conférence du Vinci. Comme tous ses camarades représentants du peuple, il commence par saluer, par ordre hiérarchique ceux qu'on veut toujours distinguer de la piétaille. Pourquoi n'avons-nous pas droit au premier salut puisque nous sommes les plus nombreux ? Cette République se dénature par tant de grimaces protocolaires ...

Sur l'estrade, monsieur le préfet de Région, dans son fauteuil, met une touche finale à son intervention future. Il écoute peu ce personnage subalterne. Il en fera tout autant avec le président du conseil régional. Manifestement, son discours lui résiste et il semble ne pas avoir très envie d'être là... Pourtant, Monsieur Le Président tient sa salle, il connaît le dossier, aime le projet Loire. Il y a du savoir-faire oratoire dans sa prestation !

Puis, Monsieur le Préfet prend le relais. Il annone, il hésite, il ratiocine. Son discours est d'un ennui à vous décrocher la mâchoire. C'est platement technocratique, lugubrement soporifique, parfaitement inutile. Ce monsieur n'a jamais parcouru les rives de notre fleuve, manifestement, il en ignore la beauté et le mystère. Qu'il ait au moins la délicatesse de se taire lui qui n'écoutait pas les interventions précédentes !

Il nous a plombé la matinée et quand derrière lui se présente une universitaire canadienne et anglophone au français difficile à comprendre, nous décrochons tout à fait. Elle se coltine l'inévitable historique de l'Unesco en général et des inscriptions au patrimoine mondial de l'humanité. Trop c'est trop pour deux mariniers désireux de larguer les marres afin de découvrir les subtilités des vins de Touraine ...

Ensuite, une table ronde se tient sur la grande scène, histoire de faire quelques ricochets. La Loire suit son cours, immuable et ténébreux quand nos discoureurs tournent en rond pour ne pas dire grand chose. Des sujets pompeux qui n'iront pas alimenter mon moulin à paroles. Tant pis, le repas et sa grande convivialité se profile comme point d'orgue de cette journée dédiée à notre Patrimoine commun.

Patatras ! Les quelques quatre cents convives allaient découvrir la subtilité des maîtres de céans. Si vous organisiez un congrès sur la Loire et son patrimoine, vous viendrait-il à l'idée d'oublier sa magnifique gastronomie ? Je me doute que le commun des mortels ne commettrait pas cette bourde. Pourtant ce furent des plats qui n'avaient rien d'autochtone qui nous furent servis. Nul n'est prophète en son pays quand il s'agit de se mettre à table.

Cette fois, la noble assemblée ligérienne s'égailla dans différents ateliers. Bateliers devant l'éternel s'il existe et la Loire ce qui est plus sûr, nous choisîmes de nous rendre « au mur de discussion » sur le patrimoine fluvial La formule est belle, il n'y avait pas de quoi redouter le pire ! Hélas, un nouveau ploutocrate du verbe incompréhensible nous servit un propos liminaire à vous décourager les plus vaillants amoureux du fleuve. L'art du conférencier étant manifestement de rendre indigeste les choses les plus belles ...

Au pays de la communication toute puissante et de la vacuité du sens, nous eûmes ensuite droit à une « designer » de communication. La formule devait nous en boucher un coin. La suite, bien contraire fut constituée de frustration et de faux-semblant. Une réflexion menée au pas de charge, cadencée au chronomètre, menée tambour battant pour respecter à tout prix une forme qui doit naturellement primer sur le fond.

Vingt minutes pour débattre d'un sujet relatif au patrimoine et préparer un compte rendu débité en deux minutes, pas plus. Le designer veille au grain, sa seule fonction c'est de respecter le temps imparti. On eut pu tout aussi bien l'appeler la pointeuse. Nous sortons de cette réunion bâclée au pas de charge, parfaitement désabusés.

Heureusement, comme souvent d'ailleurs, l'intérêt de ces réunions réside dans les rencontres informelles, les discussions en marge du programme officiel, les échanges d'adresse, les invitations et les apartés. Là, nous eûmes notre content d'émotions et de surprises. Nous pouvions repartir, heureux d'avoir trouvé d'autres fondus du fleuve, bien loin des savants parleurs à la triste mine qui héritèrent du droit de nous barber.

Conférencièrement vôtre.


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