Concert au jardin
par C’est Nabum
vendredi 18 juillet 2014
La nouvelle scène ....
De la simplicité avant toute chose.
J'ai eu l'immense honneur d'être convié à un concert au jardin : un spectacle sans scène ni billet d'entrée, sans affiche ni roulements de tambour. Rien que le bouche à oreille et le bonheur du partage, le plaisir de venir chez le voisin découvrir ses coups de cœur et ses passions. Une manière de faire qui tend à se répandre, une façon de contourner la rigidité, de plus en plus grande, des lourdeurs administratives.
C'est une soirée privée, un moment de convivialité qui ne se prend pas la tête, qui ne fait pas de courbettes devant le notable du coin, le mécène du jour ou le financeur institutionnel. Nulle place réservée, pas de discours pompeux ni de tenues de gala. C'est une bienveillante intrusion dans l'ordinaire des gens ; c'est une petite visite à l'improviste pour venir y dire deux ou trois choses, rien que pour le plaisir.
Hélas, le ciel avait semblé vouloir contrarier les efforts de nos hôtes. Il tombait des cordes quand nous sommes arrivés. Bien malin était alors celui qui aurait pu croire au succès d'une entreprise qui avait exigé de nos hôtes, une pleine journée d'efforts et de préparation. Lui avait joué de la perceuse pour protéger ce qui pouvait l'être des assauts de la pluie et du vent, pour permettre de faire de ses toilettes sèches, un wc public digne de ce nom, avec éclairage et confort. Elle, avait passé la journée en cuisine à confectionner une multitude de petits fours et mignardises, tous aussi succulents les uns que les autres.
Nous ne les connaissions pas et pourtant, l'espace des présentations, c'est comme si nous avions toujours fait partie de la famille. Simplicité et spontanéité, chaleur et respect ! Inconnus de nous , ils nous connaissaient pourtant bien : le miracle de la toile faisant de nous, des habitués de la maison. Nos textes et nos chansons leur étaient familiers : ils étaient lecteurs fidèles. Quel étrange mystère souvent renouvelé ! ….
Nous n'étions pas les seuls visiteurs attendus, un peu avant les voisins et amis. Trois autres « artistes »- puisque c'est ainsi que nous étions étiquetés, même si je ne peux accepter à mon propos cette formulation bien trop prétentieuse selon moi- étaient présents pour faire une petite balance. Il y avait là un groupe issu de la musique traditionnelle, riche d'une longue expérience de ce genre qui connut son heure de gloire dans les années 1970-1980. Des cinq membres du groupe initial, ils n'étaient cependant plus que deux à perpétuer le répertoire de la formation Sourdeline.
Il y avait encore Jean Gagneau, un chanteur-compositeur-interprète, un de ces artistes sans concession aux modes et aux tendances, qui poursuit sa route sans dévier de ses convictions. Un son , un style, de longues ballades sans doute biographiques : un plaisir intense qu'il sut partager l'espace de trois chansons très personnelles.
Nous étions là, le chat noir et le chat gris, égarés pour la première fois, loin de nos bases ligériennes avec des chansons qui n'avaient rien à voir avec la Loire. Monsieur Legris, au synthétiseur, interprétait , pour la première fois en public, des textes différents. Je lui donnais la réplique avec deux fables, de mon cru naturellement. La fête pouvait commencer et ce fut par une surprise : l'arrivée surprise d'un père et de son jeune fils, deux cornemuses au vent. Des sonneurs qui ouvraient le bal et nous proposèrent un petit récital avant l'apéritif. Quel souffle ...
La soirée était surtout l'occasion de mettre en valeur l'immense talent de Brigitte Lecoq en l'honneur de laquelle avait été constitué ce concert au jardin. Après les amuse-bouches et les amuse-oreilles dont je viens de vous tracer bien vite le portrait, elle nous a conviés à une promenade au travers de son répertoire, fait de reprises et de créations personnelles, de poèmes de Ronsard, et de chansons, toutes plus ciselées les unes que les autres.
Ce fut un moment rare et le ciel lui accorda une trêve qui en fit une plongée au pays des rêves. Sa voix, d'une incroyable expressivité, nous transporta ! Elle interpréta avec flamme des textes de Barbara, Yvon Dautin, Gilbert Lafaille, et quelques-unes de ses compositions, avec une égale conviction. Pour couronner le tout, elle chanta, a capella, des poèmes de Ronsard, un moment rare, s'il en fut, qui me laissa sous le charme. Brigitte nous proposa une autre belle surprise. Elle avait travaillé deux morceaux avec Nicolas, l'accordéoniste de « la Bouline » et du duo « Bâbord, Tribord ! ». Une complicité est née entre ces deux-là, elle ne demande qu'à fructifier !
La mise en son était assurée par son compagnon, un routier de la profession qui a partagé autrefois le parcours des plus grands. Non seulement cette soirée avait le charme des fêtes improvisées mais elle bénéficiait d'une incroyable qualité sonore. C'était un vrai régal. Chacun put s'exprimer à sa manière comme le très discret Christophe Duval qui présentait quelques-unes de ses toiles dans le cher jardin de notre hôtesse. Le peintre venait, en toute modestie, d'exposer ses œuvres au Grand Palais, excusez du peu …
Les dernières notes s'estompèrent vers 22 heures 30 afin de ne pas importuner les quelques voisins qui ne s'étaient pas déplacés. Bien longtemps après, encore, les groupes se formèrent pour discuter, échanger, établir des contacts. Cette soirée en appelait certainement de nouvelles, ce fut un moment d'une incroyable intensité, d'une plénitude parfaite. La proximité entre le public et ceux qui se proposaient à sa curiosité, était totale. C'est ainsi que je conçois le spectacle et je suis tout disposé à renouveler l'expérience. Merci à vous, amis dont je tairai le nom par respect pour votre quiétude, d'avoir ainsi donné tant de vous-mêmes pour cette soirée hors du temps.
Spectaculairement leur.
Photographies Christian Beaudin