Défendre le principe du système de retraite par répartition
par Sylvain Reboul
mardi 4 décembre 2007
Les propositions de Thomas Piketty sur les retraites sont à ce jour les seules qui répondent à l’enjeu qui consiste à sauver le régime de répartition et donc la solidarité entre tous les salariés.
Qu’on en juge :
Il propose :
1) d’unifier tous les régimes de retraites dans un cadre unique en fusionnant le régime général avec les régimes Arrco (non-cadres) et Agirc (cadres) ainsi que le régime de l’Etat et du privé dès lors que ce serait une bonne chose pour tous de pouvoir passer volontairement de la fonction publique au privé et vice versa ;
2) que toutes les années de cotisations devront compter de telle sorte d’arriver après 40 années cotisées à un taux de remplacement garanti par l’Etat. Il convient donc pour cela de supprimer le durée minimale de cotisation de 15 ans dans le fonction publique ;
3) d’appliquer le taux de remplacement après 40 ans de cotisation (ou taux plein) à l’ensemble des salaires et non pas à ceux des 6 derniers mois (fonction publique) ou des 25 meilleures années (privé). Chacun pourra donc, comme en Suède, partir quand il le souhaite et toucher une retraite en proportion des points qu’il a accumulé et qui lui seront délivrés pendant toute la durée de ses cotisations ;
4) que le coefficient de conversion devra dépendre des évolutions démographiques (espérance de vie, ratio, actifs/inactifs) ;
5) de calculer la décote/surcote, fonction du nombre de cotisations en dessous ou au-dessus des 40 ans, sur la base de l’âge de départ à la retraite et de l’espérance de vie prévisible afin d’assurer l’équilibre financier du système unique. Il convient de prendre en compte, en effet, le fait que partir à la retraite un an plus tard conduit non seulement à verser une année supplémentaire de cotisations, mais surtout à toucher sa pension une année de moins (par exemple dix-neuf ans au lieu de vingt ans, soit 5 % de pension totale en moins).
Ces propositions sont limpides et traitent de tous les problèmes à la fois en les liant (unification, transparence, équilibre financier), au contraire de la démarche de NS qui consiste à séparer le régime de la fonction publique de celui du privé afin de diviser les salariés, voire les dresser les uns contre les autres, pour mieux les manipuler. Or nous savons que la question des régimes spéciaux ne concerne qu’une toute petite partie du déficit de l’ensemble des régimes de retraite. On peut donc s’étonner que, mis à part Ségolène royale et François Bayrou, d’accord sur ce point (et à mon sens sur d’autres), aucun responsable politique ou syndical ne s’en inspire, voire y fasse allusion, ne serait-ce que pour les discuter (et ne parlons pas des journalistes qui considèrent que ce qui ne vient pas des institutions est peu ou prou sans intérêt). Il faut donc supposer qu’elles heurtent encore trop le désir de certains de préserver des avantages acquis (ex : privé/public) derrière la complexité de différents régimes qui entretient une opacité propice et celui des autres de mettre en cause la régime de répartition au profit de régimes privés de capitalisation.
Or, comme le souligne Thomas Piketty, ce qui justifie la retraite par répartition c’est, d’une part, que les marchés financiers et immobiliers sont incapables de transférer une épargne garantie sur plusieurs dizaines d’années, et que, d’autre part, certains actifs risqueraient de ne pas épargner suffisamment pour leurs vieux jours.
Je signale que Thomas Pickety est un économiste mondialement reconnu ; il est directeur d’études à l’EHESS et de l’Ecole d’économie de Paris qui regroupe des économistes français étrangers.