La remise en question des 35 heures
par Rage
lundi 31 décembre 2007
Nous y sommes. Après le déblocage des heures supplémentaires dans la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat (TEPA), puis l’annonce du rachat de jours de RTT, le gouvernement veut faire sauter un nouveau verrou, son véritable objectif. Il reprend à son compte la proposition de Laurence Parisot, la présidente du Medef, qui envisageait que la durée du travail puisse être négociée par les branches ou dans les entreprises après la signature d’accords majoritaires.
La diversion égyptienne après la semaine de « Mickey », après la parade libyenne et les bras de fer syndicaux n’auront pas suffi : la remise en question des droits les plus fondamentaux sur le travail est en ligne de mire, particulièrement pour F. Fillon en cette fin d’année.
Et voilà que l’on entend déjà dire que la durée de cotisation sera allongée à 41 ans, puis 42 ans, que les franchises médicales seront appliquées le plus tôt possible et... que la croissance stagne et la consommation des ménages se rétracte.
La provocation permanente ne semble pas émouvoir des Français définitivement résignés à se flageller, préférant voir leur voisin ramer quitte à y perdre eux-mêmes plutôt qu’à constater qu’on les prend pour des veaux et qu’ils travaillent pour des miettes.
Cachons l’essentiel, dispensons du packaging commercial.
Les prétextes suffisant d’habillage à réforme dur, certains diront que cette simplification du droit du travail permettra une « flex-sécurité » seule susceptible de remettre le pays sur les rails de la croissance. On poussera alors les entreprises à négocier de gré à gré, en sachant pertinemment que le rapport de force est du côté du patronat plus que des salariés.
En travaillant plus longtemps et plus souvent, l’illusion d’avoir plus sur la feuille de paie se paiera d’autant plus fort que les prix augmenteront et que l’individualisation des coûts de la vie portera directement atteinte au porte-monnaie.
On ne parlera pas de l’accroissement des « accidents de travail », du mal-être en entreprise, des suicides à EDF ou Renault, de la défaillance du management à la française (le non-management), de la fatigue-stress-prozac et autres médicaments de soutien... Parlons plutôt de ces merveilleuses entreprises où les patrons sont sympas et où tout le monde vient le matin le sourire aux lèvres pour gagner 4 000 €/nets hors prime.
Pendant que le président se pavane devant une presse people assujettie, la cour s’occupe de la basse besogne à l’Assemblée nationale pendant les fêtes. Le retour en arrière de 2008 n’en sera que plus brutal.
Droit du travail, dimanche ouvré, durée légale du travail, jours de repos : si l’homme pouvait travailler 24 h/24, Mme Parisot serait favorable au travailler plus pour gagner plus. Elle s’en fout elle, puisqu’elle a des actions à gogo (chez l’ami Wendel), qu’elle est payée pour produire des sondages pro-UMP (Ipsos) pondus par des CDD sur sièges éjectables et qu’elle aligne les rentes du Medef-UIMM via caisses noires et autres indemnités de représentation.
Pendant ce temps-là, personne ne se demande ce que pèse réellement le Medef et qui compose cette puissante entité de lobbying.
Quant au gouvernement, peu importe qu’il y ait une majorité de Français qui aille au travail par défaut plus que par envie ou même passion : tant qu’on peut faire travailler la masse pour en avoir plus dans la poche du rentier, c’est une affaire qui marche.
La stratégie court termiste que l’on nous impose de force est une stratégie aveugle et profondément dangereuse : on majore des heures sup’ qui ne seront plus payées - déjà qu’elles ne le sont pas - puisque la durée à géométrie variable du travail sera relevée. Les RTT monnayables deviendront un luxe que seuls quelques cadres pourront se payer. La société du travail sera d’autant plus injuste qu’il n’y aura plus aucune règle commune.
Il ne sera donc plus rare de voir des « mannards » faire 55 heures payées 40 alors que les mieux casés bénéficieront d’un régime très avantageux en plus d’un salaire déjà conséquent. Il sera alors aisé de monter ceux qui n’auront pas contre ceux qui auront, permettant d’aligner vers la bas tout le monde dans un soucis « d’équité » comme dirait l’autre, sauf quand cette équité les concerne (alignement vers le haut de l’indemnité-épargne présidentielle).
Le gouvernement vise la distorsion du marché du travail avec pour effet immédiat la flex-insécurité couplée à l’augmentation individualisée du coût de la vie (énergies, santé, assurances, loyers/prêts...). Démontant les outils de régulation par des attaques méthodiques ainsi que les systèmes par répartition, montrant les déficits comme insoluble, on nous fait croire que seul la voie du « chacun pour soi » est possible. Cette voie est pourtant une chimère ancienne dont on sait où elle mène : le chacun pour soi devenant rapidement le « beaucoup pour moi, rien pour les autres ». Cela s’appelle l’Ancien Régime et la féodalité.
Le système du culte de l’argent, du pouvoir et des paillettes est pourtant voué à l’échec. La politique du « tous contre tous » n’ayant pour seule finalité que d’opposer les Français entre eux dans une désinformation constante dont le seul but final est de désorganiser la masse pour mieux tirer les marrons du feu : la diversion, toujours la diversion.
En donnant plus de temps de leur vie à travailler, croyant encore que travailler plus signifie travailler mieux ou même produire mieux (quid de la productivité ou même de l’efficacité ?), on condamne les jeunes à ramer plus, les seniors à se prostituer salarialement, les retraités à vivoter, les actifs à s’user plus pour payer plus. Cela fait des années que les Français veulent vivre mieux et dénonce l’immobilisme. Ils ont voté pour l’illusion de l’action et le rideau de fumée.
Derrière la fumée, c’est le camp de travail forcé.
Dommage. On vous a pris pour des veaux... et on vous l’a déjà dit.