Hervé de Montalzat

par C’est Nabum
mardi 20 août 2024

« Je vais vous guider » sur le marché de Saint-Antonin-Noble-Val

Il s'appelle Hervé de la classe 75/02 comme il s'est présenté spontanément. Il vit seul dans sa ferme avec ses poules et ses lapins lui qui jadis produisait des melons, bons vous verriez comme ! Il vit sa retraite en allant de ci de là, retrouver l'ambiance des marchés où il écoulait sa production. Je l'ai croisé dans un de ces marchés qui sont l'honneur de ce pays, un lieu chamarré, bruyant où la foule des estivants se mêle aimablement avec les gens du pays.

Il est neuf heures trente et déjà la foule se presse dans les ruelles étroites de Saint-Antonin-Noble-Val. Il faut jouer des coudes pour se frayer un passage ; chacun ayant pris les devants pour faire les commissions avant les fortes chaleurs promises pour la journée. Le marché est à la hauteur de ce somptueux village lové contre les gorges de l'Aveyron. Rues en pentes, pavées, halle, monuments très anciens, petits ruelles transversales et tunnels couverts donnent un charme incomparable dans ce qui constitue un des plus beaux marchés de France.

Les odeurs et les étals sont à la hauteur de l'écrin dans lequel se déroule cette formidable symphonie des sens. Toute la richesse de la production du Sud-Ouest se trouve ici mêlée aux incontournables propositions pour piéger les touristes. C'est la loi du genre et chacun finalement aime à se faire prendre à ce petit jeu pervers.

Pour éviter de m'égarer dans mes choix, j'interpelle un homme de belle taille, portant fièrement le chapeau de Caussade, la moustache avantageuse et le sourire rayonnant. Il s'offre à me servir de guide et durant plus d'une heure va me mener de producteurs en producteurs, parmi ceux qui furent il n'y a pas si longtemps ses collègues forains.

Tout en nous frayant un passage dans la cohue, nous devisons de choses et d'autres, de son métier, de ses passions, de sa vie de célibataire endurci. Soudain au détour d'une librairie : « Le tracteur savant », Hervé me décrit sa pièce de collection, un vieil engin ayant appartenu à son grand-père estampillé « Société Française », les incomparables tracteurs sortis des ateliers de Vierzon.

C'est alors l'occasion rêvée d'effectuer un double débrayage pour passer du coq à l'âne, du musée dans cette ville en bord de Cher et de canal de Berry au rugby, du port à la musique, de la musique à son fils tout en évoquant la huche dans laquelle il garde toute la semaine l'imposante miche de seigle qui se vend ici moitié moins cher qu'en ville.

Nous sommes en pays de connaissance quand le terroir colle aux sabots et à la langue. Lui en occitan, moi en berrichon, nous provoquons parfois un petit embouteillage dans la circulation piétonnière. L'occasion faisant toujours le larron, c'est devant un verre de rouge et en dépit d'une heure qui n'est pas encore apéritive, que nous poursuivons le tour d'horizon de la ruralité en bandoulière.

Il me raconte son regret de n'avoir jamais appris à jouer de l'accordéon, je lui offre un conte en échange. Il me parle de son fils qui fait du sport par procuration, lui qui avait rêvé de faire du judo bien que ce ne fut pas possible à l'époque pour lui. De temps à autre, une ombre passe, celle de sa vie désormais de célibataire qui supporte vaille que vaille une solitude pesante.

Puis sa bonhommie reprend le dessus et il poursuit la narration de ses anecdotes, parsemées de quelques petites histoires égrillardes pour le plaisir de montrer qu'il a de l'humour. Je ne vois pas le temps passer même si je porte à bout de bras un cageot de brugnons doublé d'une couche de tomates à vous damner.

L'heure avançant, il fallut bien nous séparer en nous promettant de nous retrouver à pareille époque au marché de Saint-Antonin un dimanche ou bien celui de Caussade un lundi. Ainsi va la vie quand on prend le temps de parler à un inconnu qui l'est beaucoup moins d'une heure après.


Lire l'article complet, et les commentaires