Confession d’un citoyen désabusé

par Bernard Dugué
mercredi 29 novembre 2006

Juste quelques appréciations du moment sur la situation économique, sociale, culturelle et politique de la France. En une formule, cela ne va pas très bien. On se dirige vers un tiercé Sarkozy-Ségolène-Le Pen. Avec une hésitation sur la pole position. Le Pen au second tour paraît improbable et quand bien même ce serait le cas il n’aurait aucune chance pour la présidence. Et puis n’oublions pas que pour les cinq ans à venir, c’est le premier ministre qui conduira la politique de la France, avec une possible cohabitation. Le président conduira la politique étrangère ; qui ne paraît pas être le point fort de Sarkozy, encore moins celui de Royal.

Les problèmes à résoudre me paraissent hors de portée de l’action politique. Comment l’avenir se présente ? En fonction du présent justement, dont l’état médiocre résulte de trente ans de gouvernance hésitante dans un monde en pleine évolution géopolitique, technique et économique. Les années à venir ne vont pas être simples. Et donc, pour la plupart, il s’agira de tenir sa place, de maintenir tendu le ressort de l’existence, au sein d’une France promise à stagner ou à s’enfoncer lentement. Car les tendances ne peuvent être inversées.

Diagnostic des problèmes.

Finance. Déséquilibre de la monnaie, liquidités en excès qui se baladent, spéculations et insolvabilités créant la pauvreté, concentration des moyens de paiement, en France et dans le monde. Ce déséquilibre est lié à deux types de système productif, une économie Empire (grand groupes et Etats) et une tierce économie.

Croissance. Question de la technique. Compétitivité. Formation et emploi.

Etat et politique. Mauvaise gestion, mauvaise répartition des moyens financiers, gaspillage. Pléthore de structures administratives. Fiscalité inappropriée et floue dont on peut penser qu’elle aggrave les inégalités.

Géopolitique. Conflits qui mobilisent les énergies, les hommes, les armes, handicapant le développement des nations touchées, favorisant la production et le commerce des armes, ainsi que l’entretien d’armées dont le coût pèse aussi, empêchant que cet argent soit utilisé pour résoudre la crise sociale et culturelle.

Société. Problèmes liés pour l’essentiel aux disparités économiques. En filigrane une exploitation de la main-d’œuvre et des flux migratoires incontrôlés. Communautarismes, ghettos. Pour le reste, déprime généralisée, perte de prise de l’esprit sur l’avenir. Quoique, à chacun sa peine spirituelle et religieuse. La politique n’a pas à résoudre ce qui relève de l’autothérapie stoïcienne et de l’hygiène éthico-intellectuelle.

Education et recherche. Crise d’identité, crise des vocations, moyens insuffisants dans la recherche et l’université, bureaucratisation du système.

Planète. Je n’évoque pas les émissions de CO2 au titre des questions à résoudre. En Angleterre, des jeunes fuient ce pays, trouvant la société irrespirable. Les gestion des déchets toxiques me paraît plus importante. Quant aux taxes écologiques, elles vont aggraver les difficultés des ménages à faibles revenus. Et pour bientôt pénurie de certaines ressources indispensables.

Alors, quelles conclusions ?

Eh bien, une conclusion simple et lapidaire. C’est que le politique n’a pas les moyens suffisants pour résoudre les problèmes qui se posent. La dette nationale est avérée et ne peut être annulée. Mais il se peut bien que des problèmes posés n’aient pas forcément leur solution dans l’augmentation des moyens. Toute réflexion politique devrait méditer ce dernier point.

Dans ce contexte d’impossibilité à aller de l’avant et à résoudre les questions, pour autant que les questions essentielles aient été posées (c’est le contraire en fait) la seule issue des partis politiques est de se réclamer de l’ordre. Ordre socialiste avec madame Royal, ordre national avec monsieur Le Pen, ordre libéral avec monsieur Sarkozy. A ce compte-là, le moindre mal est-il l’ordre libéral ? Ou l’ordre juste ?

Je ne crois pas en une solution politique. Quelles solutions ? Je n’en sais rien mais il y en a sans doute beaucoup, moyennant un peu de bon sens et une bonne disposition envers la chose publique. Dans une certaine limite, je crois même que le politique ajoute des problèmes qu’il s’efforce ensuite de résoudre, à l’instar d’un médecin vénal administrant des poisons à ses patients pour ensuite leur proposer des traitements. L’élection de 2007 est sans importance, sans enjeu majeur. Elle permet à la France de s’intéresser à une représentation avec quelques stars de la posture et l’élocution, non sans une démonstration de rhétorique. Et la presse de commenter et de vendre ses journaux. Et la télé d’occuper le temps de cerveau.

Voter X ou Y ? Oui, un citoyen raisonnable doit voter pour élire celui qui sera à la tête de l’exécutif et qui est le plus compétent pour amener la France à la prochaine échéance, en 2012, en minimisant les dégâts, en contrôlant les dysfonctionnements, en accompagnant la croissance, en gérant les institutions, en faisant en sorte qu’après cinq ans, la France nous soit rendue en moyen état, c’est-à-dire pas plus mal qu’actuellement. La France serait-elle un pays d’occasion qui ne sait pas créer des occasions !

Que peuvent bien faire les intellectuels ? Au moins deux choses. Tenter de comprendre et d’expliquer pourquoi le monde en est arrivé là. Et ceci, de manière un peu plus subtile que celle consistant à invoquer les puissances de l’argent et du mal en fustigeant le « capitalisme-libéralisme ». Les décisions politiques et le développement de la technique ont joué de conserve avec le système économique et productif. Deuxième chose. Expliquer pourquoi il n’y a aucune possibilité que cela change à moyen terme. Autrement dit, pourquoi les problèmes désignés ici ne peuvent être résolus mais simplement subis avec une pression plus ou moins forte selon la place des individus.

Ce constat ne dispense pas de nous intéresser à la campagne électorale en tant que phénomène de société. Pourquoi et comment les uns disent et proposent ceci ou cela, pourquoi et comment cela est reçu par les citoyens. Avec à la clé des pronostics, des paris, des analyses sur le comportement des joueurs dans la campagne. Car il y a aussi des équipes, et leurs porte-parole respectifs. La partie se jouera sur le terrain avec les meetings et les militants sur les marchés, mais aussi et surtout à l’occasion des shows télévisés dont nous allons être abreuvés.

La crise de la démocratie n’est que le signe de l’impuissance des politiques à résoudre les problèmes alors que ces mêmes politiques sont, semble-t-il, complices de puissances qui engendrent ces problèmes. Les citoyens savent-ils quels sont les véritables enjeux et questions qui se posent ? Quid du dévoiement du système technicien qui, au lieu de donner les moyens pour bien vivre, semble détourné de telle manière que l’homme est pour ainsi dire exploité par la technique, arraisonné ?


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