Interdiction de fumer, hygiénisme, puritanisme et prohibition !

par Michel CARRIERE
vendredi 2 février 2007

L’interdiction du tabac répond, sans aucun doute, à des objectifs de santé. Sans aucun doute aussi, l’habitude de fumer, le comportement du "fumeur" est un comportement appris, modélisé et adopté dans le cadre d’une socialisation globale.
Comme tous les comportements, d’ailleurs !

Il n’est pas question non plus de nier l’effet nocif du tabac ! La question de la dose se pose cependant. A partir de quand l’inhalation de fumée de tabac (cigarettes, cigares, pipes... est-elle dangereuse pour soi ?).

Il n’est pas question de nier que les non-fumeurs aient été, le plus souvent, jamais respectés dans leurs choix, et qu’ils devenaient, contre leur gré "fumeurs passifs".

Il n’est pas non plus question de remettre en cause l’intérêt de santé publique de la mesure d’interdiction générale de fumer dans les lieux publics qui va être mise en application à partir de février 2007.

Si l’intérêt de la mesure ne fait pas doute pour moi, ce sont ses modalités d’application qui me posent problème.

Nous avons adopté le modèle anglosaxon, sous-tendu par une vision religieuse de l’être humain, auquel sont associées les notions de vice et de vertu.


Nous avons choisi l’interdiction absolue de fumer dans tous les lieux publics avec campagne culpalisante et infamante pour les fumeurs, presque transformés en "ennemis publics" !

Le procédé me paraît inopportun, inadapté, et somme toute contre-productif.

Inopportun et inadapté, car toute mesure générale en la matière implique des contrôles, des sanctions et conduit, dans les entreprises, à discriminer gravement les fumeurs, créant, dans notre société, une nouvelle zone de fracture sociale.

C’’est, de plus, faire abstraction des espaces dont tous les occupants sont fumeurs, et qui n’ont pas vocation à recevoir du public, même si ce sont des espaces publics !

C’est prendre le risque, de fait, de créer des inégalités entre les cadres dirigeants (qui, s’ils sont fumeurs, et dotés d’un bureau personnel, pourront continuer à fumer) et les autres salariés qui ne pourront pas bénéficier de cette "dérogation", avec toutes les conséquences sociales pouvant en résulter (dénonciation, etc.) !

Contre-productif, car on risque de "valoriser" le comportement du fumeur, tant chez les adolescents que chez ceux qui refusent de se laisser assimiler à la masse des "moutons de Panurge" et des "bien-pensants hypocrites".

Une mesure plus nuancée, reposant sur la conception latine de la société et du droit, et non sur une conception anglosaxonne, aurait été plus appropriée. Elle aurait pu créer des zones "fumeurs" et "non-fumeurs", en posant cependant le principe du respect du choix "non-fumeur" en cas d’impossibilité.

L’Espagne, dans les restaurants, est à cet égard exemplaire.

Se pose aussi la question du traitement des autres addictions, comme l’alcoolisme. La prohibition a été un des échecs les plus flagrants de la politique des Etats-Unis.

Voulons-nous l’introduire en France ? Aujourd’hui, selon l’opinion majoritaire, non !

Et pourtant, je reste persuadé que la loi concernant l’interdiction de fumer, que nous mettons en place, en France, à compter du 1er février 2007, participe très exactement de cet esprit puritain qui nous vient d’outre-Atlantique et qui conduit aux politiques moralistes de prohibition.


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