Travailler mieux

par larno
mercredi 24 janvier 2007

« Travailler plus pour gagner plus ». Cette expression est l’un des slogans avancés par la droite. C’est aussi l’un des énoncés qui trouve le plus de résonance auprès du grand public et de l’électorat populaire. Il faut en démonter les ressorts et démontrer le malentendu qu’il véhicule. De son côté, la gauche devrait reconquérir le terrain du travail et redonner sens à la « valeur travail ».

« Travailler plus pour gagner plus ». Cette expression est censée s’adresser à l’ensemble des Français. Elle sous-tend que la gauche a rationné le travail (par la loi sur les 35 heures) et empêche le salarié combatif de gagner plus d’argent par sa volonté et son ardeur. Elle voudrait insinuer que la gauche n’est pas du côté du travail ni des travailleurs, que la gauche ne reconnaît pas le mérite individuel ni la valeur du travail.

Cette expression trouve un écho dans l’esprit du smicard et même dans celui du chômeur, qui constatent la difficulté de trouver un travail et d’être correctement rémunérés. Mais en réalité elle s’adresse d’abord à un électorat d’entrepreneurs (chefs d’entreprise, commerçants indépendants, artisans, professions libérales) et de cadres supérieurs, qui se considèrent marginalement trop imposés pour être incités à travailler davantage.

Ce que veut dire la droite avec cette phrase : « Si nous sommes élus, lorsque vous travaillerez davantage et gagnerez plus d’argent, au lieu de travailler pour enrichir l’Etat vous travaillerez pour vous enrichir vous-même. » L’expression signifie donc : « Avec nous, il y aura moins d’Etat, moins de taxes et de prélèvements, et donc il restera plus d’argent pour vous-même. » La volonté que l’Etat opère moins de redistribution est claire : c’est « l’Etat minimum », qui ne doit quasiment plus intervenir dans le champ social.

Si la gauche veut gagner les élections, il faut qu’elle retrouve un discours mobilisateur sur le travail, et qu’elle dise que ce qui menace le pays, c’est un « nivellement généralisé par le bas » des salaires des employés et des ouvriers (les réductions de charges sociales sur les bas salaires y sont pour quelque chose, car elles poussent à aller vers toujours davantage de baisse). Ce n’est pas en travaillant une heure de plus à un taux de rémunération de misère que le travailleur va changer ses conditions de vie : zéro plus zéro a toujours fait zéro ! (voire fait la tête à Toto ou à S...o)

Voilà donc la vraie signification de cette expression : « Avec nous, moins d’Etat et plus d’argent pour les plus riches », mais non « plus d’argent pour les travailleurs ». En poussant jusqu’au bout de sa signification, on pourrait même dire : « Travaillez plus, vous les travailleurs, pour que les riches gagnent plus. »

Il est facile de percevoir les risques de dérive de tels propos. En opposant systématiquement les catégories sociales, les riches contre les pauvres, les employés permanents contre les précaires, les salariés contre les patrons - sans nier que ce soient bien des réalités -, on crée une société de l’exclusion et de la peur, une société bloquée. Et l’on finit par aboutir exactement à ce que souhaiterait la droite ultralibérale : une société entièrement marchande avec un patronat omnipotent et sans véritable contrepoids, et un Etat absent du champ économique et social.

Mais surtout, les enjeux du travail et de l’emploi sont mis de côté :

la reconnaissance de la « valeur travail » et celle du travailleur, la revalorisation des rémunérations et du pouvoir d’achat, l’insertion des exclus du travail dans le circuit des travailleurs employables, l’intégration économique des jeunes issus de l’immigration et des quartiers difficiles, la remise à niveau des connaissances (formation au long de la carrière, « employabilité », formation aux nouvelles technologies), l’intéressement des travailleurs au résultat économique de l’entreprise, l’association des travailleurs au développement et aux perspectives de l’entreprise (concertation sur la compétitivité et la productivité), la valorisation des métiers de l’innovation et de la recherche.

La phrase que la gauche pourrait revendiquer serait plutôt de cet ordre :

« Travaillez mieux pour mieux préparer l’avenir et garantir la hausse du pouvoir d’achat. »


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